Mali : "quand l'Europe de la Défense aura la capacité d'intervenir immédiatement, ce sera dans 150 ans ! " (Le Drian)

Par Michel Cabirol  |   |  799  mots
Copyright Reuters (Crédits : DR)
Dans une interview à "La Voix du Nord" publiée ce jeudi, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, tient un discours inédit et choc sur l'Europe de la Défense. "Consulter les 27 pays membres? tout cela est du bla-bla", a-t-il dit. Un discours qui a le mérite de la clarté.

Interrogé par le quotidien régional "La Voix du Nord" sur la faiblesse du soutien européen au Mali, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a un discours étonnamment direct. Sans langue de bois. "Le président du Mali nous a appelé à l'aide le 10 (janvier, ndlr). La décision d'intervenir a été prise par le président (François Hollande, ndlr) le 11 à 12h30, j'y étais. Et nos forces ont commencé à arriver à 17 heures. Que vouliez-vous faire ? Consulter les vingt-sept ? Tout cela, c'est du bla-bla, un discours de l'opposition. La vérité, c'est que nous avons la réactivité militaire et le pouvoir de décision. Quand l'Europe de la Défense aura la capacité d'intervenir immédiatement, ce sera dans 150 ans ! Il faudrait que l'Europe ait un gouvernement unifié, une assemblée européenne et une autorité militaire communes. Je ne sais pas si on verra ça". Un langage de vérité qui devrait satisfaire les militaires inquiets.

Que doit être l'Europe de la Défense ? Selon le ministre, "c'est la mise en commun de certains moyens de défense, c'est l'industrie de défense, un certain nombre d'actions communes. Comme la formation au Mali qui se met en place ou la protection contre la piraterie Atalante. C'est un progrès. Croyez-moi, l'Europe de la Défense est en progrès. Elle ne se fait pas de manière incantatoire. Le président malien a tout simplement écrit à celui avec qui il a une histoire commune et qui pouvait réagir vite. L'Europe de la Défense, ce n'est pas l'Europe militaire. Il faudrait d'abord une Europe politique, ce qui n'est pas à l'agenda. En tout cas, pour le Mali, les Européens sont là, grâce à leurs moyens logistiques, la formation de l'armée malienne. C'est ce qui compte ".

Le Mali influencera-t-il le Livre blanc sur la défense

Questionné pour savoir si le Livre blanc, attendu désormais pour début mars, tiendra compte de l'intervention au Mali, Jean-Yves Le Drian est très clair. "Sûrement. Mais le Livre blanc ne doit pas tenir compte que du Mali. Il doit aussi prendre en compte la situation financière du pays. Mais en terme tactique, le Mali fera partie des éléments de réflexion". Il s'est dit "extrêmement et heureusement surpris par la réactivité de l'armée de terre. En terme de vélo, qui est une de mes passions, je dirais que je trouve l'armée de terre très affûtée. Elle a vraiment mené ça très vite, en trois semaines avec une gestion intelligente de la situation. En amenant plus de monde et de matériel qu'en Afghanistan".

Sur la poursuite de l'opération Serval, le ministre estime qu'il n'y aura pas plus de 4.000 hommes au Mali. "C'est un plafond, d'ailleurs les premiers éléments, notamment ceux venus d'Abidjan, commencent à être relevés (notamment le 1er RHP et le 3e RPIMa). On ne peut que redescendre, par sifflets, par couches successives en passant le relais aux forces maliennes et africaines".

Sur un retrait, Jean-Yves Le Drian est prudent : "c'est toujours très difficile. Nous n'avons pas de réponse dans le temps. Ce que nous savons, c'est que nous avons deux engagements : rétablir l'intégrité du Mali en appui des forces maliennes et africaines et assurer sa souveraineté, le retour de la démocratie. A nous de mettre les forces africaines en situation. Mais ça n'empêche pas éventuellement de retirer des troupes de temps en temps".

Mais pour le ministre, "il serait souhaitable que la MISMA passe sous mandat de l'ONU. Nous ne serions plus alors sous l'article 51 de la charte et il faudrait une nouvelle résolution globale. Je constate que Joe Biden, le vice-président américain de visite à Paris, soutient cette proposition française. Cette mission deviendrait alors une opération de maintien de la paix. Il faudrait donc en redéfinir le cadre. Et la France le souhaite..."

Le Mali, un sujet préparé ?

"Ma première mission était de sortir d'Afghanistan le mieux possible, ce qui a été réalisé. Mais je me suis rendu compte très, très vite de l'importance de la question malienne. Par nos services secrets et différents rapports. Il fallait agir. Ma prise de conscience sur ce sujet s'est faite pendant l'été", a-t-il expliqué à "La Voix du Nord".

Comment le ministre vit-il cette opération ? "Sous tension, c'est vrai. Je ne dirais pas en permanence puisque je dors. Mais il y a toujours des choix à faire, souvent en urgence. En même temps, il faut garder son calme. Rien ne serait pire que l'énervement. Je m'énerve rarement. Mais ça peut être spectaculaire même si je le fais en petit comité".