Les défis de la défense en 2014 (3/5) : les dossiers industriels vont-ils rester au frigo ?

Par Michel Cabirol  |   |  853  mots
Sur les dossiers industriels, Jean-Yves Le Drian a fait pschitt.
La Tribune vous propose une série sur les défis de la défense en 2014 en cinq volets. Troisième volet, la consolidation de l'industrie de défense en France et en Europe toujours en attente d'une stratégie du ministère de la Défense.

Depuis son arrivée à l'Hôtel de Brienne, Jean-Yves Le Drian, n'a pas vraiment chômé. En deux ans ou presque, le ministre de la Défense a dû gérer deux opérations extérieures (Mali puis Centrafrique) ainsi que le retrait des troupes combattantes en Afghanistan. Il a également été à la manœuvre sur le Livre blanc consacré à la défense et à la sécurité nationale, puis sur sa déclinaison dans la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont la préparation n'a pas été une sinécure face aux coupes financières extrêmes voulues par Bercy et Matignon mais finalement arbitrées de façon raisonnable par François Hollande.

Enfin, Jean-Yves Le Drian a été omniprésent sur certaines campagnes export où il s'est beaucoup démené avec à la clé de jolis succès, notamment aux Emirats Arabes Unis où il a été à l'origine de deux contrats : Falcon Eye portant sur la vente de deux satellites espions (Thales Alenia Space et Airbus Space Systems) et 17 radars (Thales). Pour un total approchant le milliard d'euros.

Le candidat Hollande a créé une attente sur les dossiers industriels

En revanche, il était attendu avec curiosité, voire impatience par certains, sur les dossiers industriels. Car lors de la campagne présidentielle, le discours était "vous allez voir ce que vous allez voir". Comme en témoigne l'ambition du candidat François Hollande en mars 2012 lors de son unique discours sur la défense : "je veux une industrie de défense forte, cohérente, contrôlée", avait alors martelé le futur président, qui souhaitait alors "construire une politique industrielle de défense" dans un cadre européen. Très clairement, une référence aux réalisations du gouvernement Jospin avec la création d'EADS (qui n'avait pourtant pas un modèle de réussite dans la gouvernance), la transformation de DCN - devenu DCNS - et les apports en capital à Giat - devenu Nexter.

Le candidat Hollande n'entendait pas non plus "déléguer à quiconque cette responsabilité de tracer l'avenir des grands groupes industriels de défense, et certainement pas à des intérêts privés ou financiers à qui le gouvernement s'est trop souvent plié". Un discours qui visait la maison Dassault.

Une consolidation européenne gelée ?

Et sur les dossiers industriels, Jean-Yves Le Drian a fait pschitt. Rien ou presque : la filiale de SNPE, Eurenco, a bien rejoint le groupe public Nexter. Mais le bilan reste maigrelet. Jean-Yves le Drian n'a pas non plus réussi pour le moment à convaincre ses homologues de créer un Airbus de l'armement terrestre, un Airbus du naval… A sa décharge, l'Europe de la défense est une chimère pour tous les pays européens, à l'exception de la France. Et tous les ministres français de la Défense de droite comme de gauche - à l'exception de la création d'EADS qui a été un bradage des intérêts français au profit de la partie allemande -, s'y sont régulièrement cassés les dents.

Un espoir encore… Les discussions entre Nexter et le groupe privé allemand Krauss Maffei Wegmann (KMW) se poursuivent même si les élections allemandes les ont ralenties. Les deux groupes travailleraient à la création d'une société commune. "Nous sommes toujours fanas de cette opération", explique-t-on à Paris à La Tribune. D'autant que le succès à l'export de KMW, notamment des chars Leopard, incite le plus grand respect à la plupart des responsables français.

Des dossiers industriels nationaux toujours en attente

Sur la plan national, l'opération entre Thales et DCNS est suspendue… jusqu'aux élections mais lesquelles ? Les Européennes en mai 2014 ou les régionales en 2015 ? En tout cas, le PDG de Thales, qui détient déjà 35 % de DCNS, devra encore patienter avant de mettre la main sur le groupe naval (2,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires). Le groupe électronique achètera-t-il 100 % du groupe comme on le souhaite fortement au sein du ministère ? Le dossier n'est pas encore ouvert.

Enfin, le ministre n'a rien tenté contre la maison Dassault pour réduire son influence dans les milieux de la défense, comme le souhaitait le candidat Hollande. Aujourd'hui, Jean-Yves Le Drian entretient de bonnes relations et travaille en confiance avec son PDG, Eric Trappier, et le groupe Dassault Aviation.

Vers une évolution de l'actionnariat ?

Reste la question de l'actionnariat. A l'heure où EADS a su trouver l'année dernière une gouvernance quasi-normale d'un groupe côté en Bourse et où Safran voit s'alléger jour après jour le poids de l'Etat à son capital, Thales peut-il continuer encore longtemps à rester une exception dans cette industrie avec Dassault et l'Etat, liés par un pacte d'actionnaires… C'est à l'Elysée d'en décider.

Lire ou relire les deux premiers volets et le volet 4 :

Les défis de la défense en 2014 (1/5) : une loi de programmation militaire déjà sous pression

Les défis de la défense en 2014 (2/5) : l'export de plus en plus cruciale pour l'industrie d'armement

Les défis de la défense en 2014 (4/5) : un grand chambardement au mauvais moment ?