Pour l'industrie aéronautique civile et militaire française, les cicatrices laissées par le Covid-19 ont été beaucoup plus profondes que la filière ne l'aurait imaginé. Ainsi, en 2023, le chiffre d'affaires de la filière (70,2 milliards d'euros) n'est pas encore tout à fait revenu au niveau de celui de 2019 (74,3 milliards). Et ce en dépit d'une forte reprise du trafic aérien mondial revenu au niveau de 2019 et de la guerre en Ukraine depuis février 2022. Deux facteurs qui ont stimulé en 2023 les commandes des industriels du secteur aussi bien dans le civil que dans le militaire (65,1 milliards d'euros, dont 73% à l'exportation et 69% dans le civil). Pour autant, le book-to-bill (ratio chiffre d'affaires sur commandes) est resté inférieur à 1.
Pourquoi ce retard à l'allumage ? La filière a eu « beaucoup de complexités à gérer », notamment « une remontée en cadence compliquée pour la supply chain au sortir du Covid », a expliqué le président du GIFAS Guillaume Faury, lors de la présentation du bilan 2023 de la filière. « Au regard de l'exécution opérationnelle, des effectifs, du fonctionnement des processus et d'un environnement réglementaire et géopolitique très complexe, l'ensemble de la filière a eu à traiter beaucoup de challenges opérationnels ».
Décalage entre la demande et l'offre
En raison de ces complexités, la remontée en cadence a donc été largement freinée. En conséquence, la filière peine à répondre à tous les besoins en avions des compagnies aériennes mais aussi des États, qui souhaitent se réarmer très rapidement. « La demande est aujourd'hui très largement supérieure à l'offre et cet écart entre les commandes et notre capacité à livrer rapidement nous met sous tension en permanence et nous oblige à essayer de trouver le bon équilibre », a décrypté le patron d'Airbus. Dans le domaine civil, Guillaume Faury « aimerait qu'on soit capable de livrer beaucoup plus de produits, beaucoup plus vite que notre capacité actuelle ».
« Il n'y a pas d'alternative mondiale non plus puisque c'est l'ensemble du secteur qui est dans la même situation. Il n'y a pas de risque : les clients ne se détournent pas forcément vers des concurrents », a pour sa part estimé le président du GEAD (Groupe des Équipements Aéronautiques et de Défense), Didier Kayat.
Dans ce contexte, Guillaume Faury a regretté que le manque d'avions dans les compagnies aériennes par rapport à leurs besoins se chiffre « en centaines d'avions ». Cette pénurie, provoquée en partie par les déboires de Boeing, est notamment liée, outre les causes structurelles, à « cet écart entre la vitesse à laquelle le trafic aérien a explosé et la vitesse à laquelle industriellement la filière aéronautique arrive à remonter en cadence. Nous ne sommes toujours pas revenu au niveau de 2019 alors que les besoins sont supérieurs ». Si aujourd'hui Airbus et sa supply chain ne sont pas capables de répondre à la demande actuelle compte tenu de cette situation de complexité, ils devraient pouvoir répondre aux demandes de nouvelles compagnies aériennes clientes traditionnellement de Boeing « avant le début de la décennie suivante ».
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