Faut-il un Airbus A330 Neo face au Boeing 787 ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  995  mots
Bon nombre d'observateurs et d'experts parient sur l'abandon de l'A330-300 pour mieux se concentrer sur l'A350-1000. /Reuters
Décryptage. Airbus étudie une modernisation de l'A330 pour 2018. L'essentiel de l'amélioration de performances proviendrait de nouveaux moteurs.

Faut-il un Airbus A330 Neo (new engines options) ? Faut-il dupliquer sur ce biréacteur long-courrier de 220 à 300 sièges (voire plus chez certains opérateurs), mis en service en 1994 une recette similaire à celle qui fonctionne à merveille sur le moyen-courrier avec l'A320 Neo ? Le dossier sera tranché « d'ici à la fin de l'année » assure Airbus, peut être dès le salon aéronautique de Farnborough en juillet selon plusieurs observateurs. Si Airbus appuie sur le bouton, l'avion pourrait être mis en service en 2018.

Plus complexe que l'A320 Neo?

Il est peut être plus complexe que celui de l'A320 Neo qui, lancé commercialement fin 2010, doit débuter ses essais en vol en septembre pour une mise en service en 2015. Car, contrairement à l'A320 Neo qui permet de mieux préparer la succession de l'A320 à l'horizon 2030 tout en maintenant à distance les industriels chinois et russes qui rêvent de briser le duopole Airbus Boeing sur le marché des avions de plus de 150 sièges, la problématique de l'A330 est différente.

L'avenir incertain de l'A350-800 

Elle consiste améliorer un appareil au moment même où celui qui est censé le remplacer (en partie) l'A350, va entrer prochainement en service d'ici à la fin de l'année. Présenté comme cela, le risque de cannibalisation est fort. Sauf que la version de l'A350 en cours de certification n'est pas celle dont la capacité serait proche de celle de l'A330-300. Il s'agit de l'A350-900, plus gros que l'A330-300 (314 sièges en tric-classes). Et que l'A350-800 (270 sièges) appelé sur le papier à occuper le créneau de l'A330-300 reste incertain en raison de son faible niveau de commandes (34). Initialement, sa mise en service est prévue mi-2016. Mais bon nombre d'observateurs et d'experts parient sur son abandon ou sa suspension pour mieux se concentrer sur l'A350-1000 (365 sièges), prévu en 2017 et qui a la lourde charge de détrôner le B777 sur le marché des 350-400 sièges.

Boeing bien armé sur ce segment de marché

Si Airbus laissait tomber l'A350-800 sans lancer d'A330 Neo, il laisserait le créneau du 220-300 sièges long-courrier à Boeing et son Boeing 787, un avion de nouvelle génération, dont les versions 8 et 9 (ce dernier a été certifié hier) proposent 242 et 280 sièges en version tri-classes pour un rayon d'action de 14.500 km.

Airbus ne peut donc laisser un tel trou dans sa gamme. Et est obligé de moderniser l'A330. D'autant plus qu'il y a une demande sur ce marché du 200-300 sièges. Les compagnies aériennes ont besoin de telles capacités pour défricher des nouvelles lignes long-courriers, ajouter des fréquences sur des routes existantes, ou bien s'adapter la saisonnalité d'une ligne. Le gros de la demande concerne un avion disposant d'un rayon d'action allant de 4 à 6.000 miles nautiques (7.400 à 11.100 kilomètres). Une sorte d'avion « super régional » capable, notamment de faire du transatlantique, de relier la côte ouest des Etats-Unis à Hawaï…, mais aussi de relier l'Europe à un grand nombre de villes asiatiques, africaines, des Caraïbes, d'Amérique latine… , un besoin couvert par le 787, dont le rayon d'action apparaît même surdimensionné par rapport à la longueur de ces étapes.

 Rayon d'action

«Avec des nouveaux moteurs, l'A330 peut atteindre la même consommation de carburant que le B787-9. L'A330 n'a pas de problème de montée en cadence de la production, est très fiable, et reste moins cher. Pourquoi une compagnie achèterait un produit plus cher ? » expliquait en fin de semaine dernière Fabrice Brégier, le président exécutif d'Airbus, filiale d'Airbus Group (ex-EADS), « Pour le rayon d'action ? Seuls 20% des compagnies veulent un rayon d'action supérieur à celui de l'A330» ? a-t-il ajouté.

Reste à définir les améliorations à apporter à l'A330. Comme le dit Fabrice Brégier, "cela ne se limite pas à mettre de nouveaux moteurs, c'est un peu plus compliqué que cela". "Nous regardons tous les paramètres, mais nous ne nous précipitons pas".

L'équation est en effet complexe: doter l'A330 de nouveaux moteur plus efficaces et plus gros nécessite de renforcer et d'améliorer la voilure. Un gain de poids qui peut être en partie compensée par un allègement de la masse de l'avion. « Ayant la même ossature que le quadrimoteur A340, l'A330 « trimbale de la masse inutile qui peut être retirée », explique un expert. Autre question : faut-il ou pas modifier les systèmes en alignant ces derniers sur ceux de l'A350?.

 

« La conception du fuselage de l'A330 remonte à 30-40 ans, celle des systèmes à 30 ans, celle des moteurs à 25 ans : l'A330 doit être modernisé », explique un expert.

Pour autant, même si, selon des analystes, Airbus table sur un budget de 1,5 milliard de dollars pour l'A330 Neo, il n'entend pas tout révolutionner. Le principal contributeur de gain restera les moteurs.

Un marché de plus de 1000 avions en 20 ans?

"Peut-être vaut-il mieux attendre que la technologie en termes de moteurs permette d'apporter tous les avantages et ne pas perdre avec certains aspects ce que vous gagnez avec les moteurs", a dit Kiran Rao, responsable de la stratégie et du marketing d'Airbus.

 Plusieurs clients poussent Airbus à franchir le pas.

"Je pense qu'il y a un très gros potentiel de marché. Entre 1.100 et 1.200 appareils sur 20 ans", a indiqué début juin à La Tribune Steve Udvar-Hazy, le PDG d'ALC, Air Lease Corporation. John Leahy, le directeur commercial d'Airbus, a quant à lui déclaré que le projet à l'étude visait à avoir « le même nombre de sièges, les mêmes coûts opérationnel que le Boeing 787-9, pour un rayon d'action inférieur ». Côté prix, Steve Udvar-Hazy évoque « un prix similaire » à l'A330 actuel. Le prix catalogue de l'A330-200 s'élève à 216 millions de dollars, celui de l'A330-300 à 239,4 millions de dollars.

Retrouvez les analyses des intervenants du forum de l'aéronautique civil et militaire, le Paris Air Forum, qui se déroulera le 11 juillet prochain.