Boeing gèle les livraisons des B 737 MAX : près de 2 avions par jour sont concernés !

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  783  mots
Boeing annoncé la suspension des livraisons de ses avions moyen-courriers 737 MAX, qui ont été interdits provisoirement de vol dans le monde après deux accidents récents d'appareils de ce type, l'un d'Ethiopian Airlines, l'autre de Lion Air. Mais l'avionneur continue la production en espérant implémenter la solution à ses problèmes une fois qu'elle sera validée.

Ce jeudi, en début de soirée en France, au lendemain de l'immobilisation totale de la flotte de B 737 MAX qui a suivi l'accident d'Ethiopian Airlines le 10 mars dernier dans des circonstances similaires à celles observées lors du crash de Lion Air en octobre, Boeing a annoncé la suspension des livraisons de ses appareils moyen-courriers.

"Nous suspendons la livraison des 737 MAX jusqu'à ce que nous trouvions une solution", a déclaré à l'AFP un porte-parole, ajoutant que l'avionneur américain poursuivait en revanche leur production en écartant l'éventualité de réduire les cadences.

Il va falloir trouver de la place. Boeing construit 52 B737 MAX par mois, quasiment deux par jour.

"Nous sommes en train d'évaluer nos capacités", c'est-à-dire de savoir où les avions sortis des chaînes d'assemblage vont être stockés, a-t-il admis.

Boeing entend donc continuer à assembler les avions et introduire la solution à ses problèmes une fois que ces derniers auront été clairement identifiés et que la façon de les résoudre validée. Un peu comme l'avait fait Airbus pour l'A320Neo quand les motoristes ne parvenaient pas à livrer les moteurs. Airbus avait continué la production et avait ajouté les moteurs bien après. Du coup, en maintenant la production, Boeing maintient ses achats auprès des fournisseurs. Une bonne nouvelle pour ces derniers. Plusieurs industriels français, notamment Safran, sont présents sur le programme du B737 MAX.

Les soupçons se portent sur le système anti-décrochage

Les boîtes noires ont été envoyées en France pour être examinées. L'accident de Lion Air et d'Ethiopian Airlines présentent des similitudes. Dans les deux cas, l'avion était neuf et s'est écrasé peu de temps après le décollage et les appareils ont connu des montées et des descentes irrégulières juste après le décollage. Les soupçons se portent sur le système de stabilisation en vol destiné à éviter un décrochage de l'avion, le "MCAS" (Maneuvering Characteristics Augmentation System), qui n'existe pas sur les B737 classiques, mais qui ont été ajoutés sur la version remotorisée MAX équipée de moteurs plus lourds. Ce système, qui fait piquer du nez l'avion pour éviter un décrochage, est censé se déclencher en cas de sortie du domaine de vol, mais semble néanmoins se déclencher également quand l'avion est dans les limites du domaine de vol en raison de mauvaises données reçues. Selon un pilote, ceci peut venir d'un dysfonctionnement des sondes d'incidence (AOA, Angle of Attack sensor) qui envoient de mauvaises informations de vitesse et d'incidence au logiciel, ou par une défaillance du système de remontées des données.

"Après l'accident de Lion Air, Boeing avait publié une consigne demandant aux pilotes confrontés à des problèmes d'incidence ou de vitesse de couper les "trim" pour reprendre l'avion en manuel et se poser le plus rapidement possible. Les "trims" font bouger le plan fixe horizontal de la gouverne", explique à La Tribune un pilote.

La facture peut être salée

La durée de la suspension des vols est donc cruciale pour Boeing. Car elle dictera la  durée de l'interruption des livraisons. A raison de 52 avions livrés par mois et 57 à partir de juin (un B737 MAX 8 ou MAX 9 valant au prix catalogue entre 125 et 130 millions de dollars), la perte de chiffre d'affaires peut-être considérable en cas de suspension longue. L'essentiel en effet de la facture est payée au moment de la livraison. Par ailleurs, les compagnies impactées (celles qui ont reçu les 371 appareils aujourd'hui cloués au sol et celles qui devaient les recevoir prochainement) exigeront des compensations financières. Les négociations porteront notamment sur les frais de location d'avions pour remplacer les B737 MAX et sur le surcoût opérationnel de ces appareils de substitution. Une galère pour trouver les avions dans la mesure où l'on va rentrer dans la saison estivale dans le transport aérien (fin mars - fin octobre), synonyme de forte activité.

Par ailleurs, une interruption longue des livraisons entraînera un chamboulement du calendrier de livraisons. Avec à la clé de fortes pénalités à payer aux compagnies aériennes. Elles seraient d'autant plus élevées que le nombre d'avions et de clients de cet avion est important. Plus de 4.000 appareils sont en commande.

À cela s'ajoute évidemment le risque d'annulation de commandes. Une telle interruption des livraisons pourrait également faire le jeu de l'A320Neo d'Airbus, au moins à court terme. Airbus peut en effet en profiter pour "aller chercher des parts de marché" sur des clients traditionnels de Boeing.