Guerre en Ukraine : Kiev accuse Thales d'avoir vendu à la Russie du matériel utilisé pour tuer des civils, le groupe dément

Par latribune.fr  |   |  816  mots
(Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
Un conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé vendredi le groupe français d'équipements de défense Thales d'avoir contourné les sanctions imposées en 2014 après l'annexion de la Crimée, et vendu en 2015 à la Russie du matériel utilisé en Ukraine pour tuer des civils. L'accusation a été réfutée par Thales, qui a affirmé qu'aucun contrat d'export d'équipement de défense n'avait été signé avec Moscou depuis 2014. Cependant, le fleuron français n'a pas nié d'éventuelles livraisons après cette date, lesquelles ont été stoppées au début du conflit en cours.

Après les révélations du média en ligne Disclose mi-mars, selon lequel la France a livré des équipements militaires, dont des caméras thermiques, à la Russie entre 2015 et 2020 (soit après les sanctions européennes ayant suivi l'annexion de la Crimée par Moscou), c'est désormais le fleuron français Thales qui se trouve visé par des accusations de vente de matériel militaire au pays de Vladimir Poutine.

En effet, alors que la guerre déclenchée par la Russie fait toujours rage en Ukraine, un conseiller de la présidence ukrainienne, Mikhaïlo Podolyak, a accusé vendredi le groupe d'équipements de défense tricolore d'avoir contourné les sanctions imposées dès 2014, et vendu en 2015 à la Russie du matériel utilisé dans son pays pour tuer des civils.

« Une famille tentait de s'échapper, elle a été tuée par des assassins russes. Tuée, comme c'est maintenant prouvé, avec des armes françaises vendues en contournement des sanctions en 2015 », a-t-il ainsi affirmé sur Twitter.

Des blindés Thales mis en cause

Concrètement, dans sa publication, Mikhaïlo Podolyak relaie la vidéo d'un blogueur ukrainien, Pavlo Kachtchouk, qui analyse les dégâts causés sur une voiture dans laquelle a été retrouvé le corps d'une femme tuée à Boutcha, près de Kiev, où ont eu lieu des exactions de la part de l'armée russe « pouvant relever des crimes de guerre », selon les Nations-Unies.

« Comment des soldats russes mal entraînés ont-ils pu tirer de façon aussi précise avec du vieux matériel post-soviétique ? », se demande-t-il. « La réponse, on l'a trouvé à Vorzel (ville proche de Boutcha, ndlr), où nos troupes, après le retrait russe, ont capturé des véhicules blindés BMD-4 ».

Ces blindés sont équipés « de systèmes de conduite de tirs qui leur permettent à de tirer avec une grande précision quelque soit le temps, le vent ou même l'heure du jour. Des composants et une technologie vendus à la Fédération de Russie par l'entreprise française Thales », poursuit le blogueur cité par Mikhaïlo Podolyak.

Il montre ensuite une caméra thermique, dont il affirme qu'elle a été récupérée sur un blindé russe abandonné. Le logo de Thales y est visible, accompagné de la date 06/16 et de la mention « made in Russia ». « Elle a été assemblée en Russie sous licence », accuse ainsi l'internaute. Et d'ajouter que « ce n'est qu'un des nombreux schémas autorisant les entreprises françaises à contourner l'embargo ».

L'entreprise réfute les accusations

Interrogé par l'AFP, Thales a fermement démenti avoir contourné les sanctions contre la Russie. « Thales s'est toujours conformé strictement aux réglementations françaises et internationales y compris concernant l'application des sanctions européennes de 2014 à l'égard de la Russie », a déclaré le groupe.

« Aucun contrat d'export d'équipement de défense n'a été signé avec la Russie depuis 2014 et aucune livraison n'a été effectuée à la Russie depuis le début du conflit en Ukraine », a poursuivi Thales. « Toute information laissant penser le contraire est erronée et donc trompeuse », ajoute-t-il, soulignant avoir par ailleurs décidé de cesser ses activités en Russie.

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Les exportations d'armes françaises vers la Russie n'ont pas cessé après l'embargo de 2014

Après les accusations de Disclose, selon lequel la France a délivré au moins 76 licences d'exportation de matériel de guerre à la Russie depuis 2015, le ministère des Armées avait déjà répondu qu'aucun contrat n'avait été signé après les sanctions prises en juillet 2014, et que la France avait le droit de mener à terme ceux conclus avant cette date, au titre « de la clause dite du grand-père ». Autrement dit, un contrat conclu avant l'annexion de la Crimée peut aller à son terme, et les livraisons d'équipements achetés avant juillet 2014 peuvent être poursuivies. Une « possibilité clairement prévue par le régime de sanctions mis en place contre la Russie en 2014 », avait affirmé sur Twitter le porte-parole du ministère des Armées, Hervé Grandjean.

De fait, le rapport au parlement sur les exportations d'armements de 2021 montre que, depuis 2014, le montant des livraisons d'équipements de la France à la Russie diminue chaque année, pour devenir « proche de zéro en 2020 ». « Cela correspond à l'extinction progressive de ces contrats », avait alors précisé le porte-parole du ministère des Armées.

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(Avec AFP)