Les Etats-Unis obligent Boeing à modifier le B737 MAX mais ne le clouent pas au sol

Par F.G.  |   |  943  mots
Les États-Unis vont obliger Boeing à procéder à des modifications du 737 MAX 8 et du 737 MAX 9, mais ne vont pas clouer leurs avions au sol, prenant le contrepied de plusieurs pays comme la Chine ou Singapour après l'accident d'un appareil de ce type d'Ethiopian Airlines ce dimanche qui a fait 157 victimes.

Décision en apparence surprenante. Alors que les causes du crash du B737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines, qui a fait 157 morts ce dimanche, restent inconnues dans l'attente de la lecture des deux boîtes noires de l'appareil (retrouvées ce lundi près du lieu de l'accident, à 60 km d'Addis Abeda), l'agence fédérale de l'aviation civile américaine (FAA) a annoncé ce lundi dans la soirée (heure de Paris) qu'elle allait obliger Boeing à procéder "au plus tard en avril" à des modifications du 737 MAX 8 et du 737 MAX 9, notamment des logiciels et du système de contrôle MCAS conçus pour éviter les décrochages de ces avions.

Pas d'immobilisation de l'appareil

L'agence américaine a par conséquent décidé de ne pas demander l'immobilisation de la flotte de 737 MAX, au nombre de 350 aujourd'hui dans le monde. Cette menace planait sur cet appareil lancé il y a moins de deux ans après les décisions de la Chine, de l'Indonésie, de la Corée du Sud, de la Mongolie, de Singapour, de l'Australie, et de plusieurs compagnies comme Ethiopian Airlines, la sud-africaine Comair, Cayman Airways ou Aerolineas Argentinas de suspendre les vols avec ce type d'avions. Un risque qui a fait fuir les investisseurs et chuter le cours de Bourse de Boeing de plus de 5% en clôture ce lundi à Wall Street.

Alors que les boîtes noires n'ont pas encore parlé, ils redoutent que l'avion soit mis en cause dans le crash en raison de certaines similitudes entre l'accident d'Ethiopian Airlines et celui qui a frappé en novembre la compagnie indonésienne Lion Air, dont les circonstances ne sont toujours pas établies. Dans les deux cas, le B737 MAX 8 était flambant neuf (tous deux ont été livrés trois mois avant l'accident), et dans les deux cas, il s'est écrasé peu après le décollage.

Cette inquiétude est d'autant plus renforcée que la compagnie africaine jouit d'une excellente réputation dans la communauté aéronautique.

"C'est une excellente compagnie", confiait l'an dernier à "La Tribune" un haut dirigeant de Boeing.

En outre, son commandant de bord, Yared Getachew, était un pilote expérimenté avec plus de 8.000 heures de vol.

Décrochage

Au premier abord, la directive de la FAA semble répondre à des problèmes observés lors de l'accident de Lion Air. Des défaillances des sondes d'incidence (AOA, Angle of Attack sensor), qui donnent l'angle de vol de l'appareil et sont potentiellement des avertisseurs de décrochage, avaient été évoquées par les enquêteurs. Boeing a mis en place un nouveau système anti-décrochage sur les derniers modèles de ses moyen-courriers 737 MAX. A la suite de l'accident de la compagnie indonésienne, le constructeur américain avait adressé une note aux compagnies aériennes rappelant aux pilotes le comportement à adopter en cas de données erronées en provenance des capteurs d'incidence.

Lundi, la FAA a également demandé à Boeing d'actualiser le manuel destiné à la formation des pilotes de ces avions. "Si nous identifions un problème affectant la sécurité, la FAA prendra des mesures immédiates et appropriées", a-t-elle assuré.

Un avion stratégique

Le coup est rude pour Boeing. Dernière génération du célèbre B737, ce best-seller de Boeing lancé dans les années 1960, le B737 MAX est un appareil stratégique pour l'avionneur américain. Mis en service il y a moins de deux ans, il est en effet positionné sur le marché des court et moyen-courriers de plus de 150 sièges, qui constitue près de 60% à 70% des livraisons d'avions pour Boeing mais aussi d'Airbus (présent sur ce segment de marché avec son A320neo). Fin janvier, le carnet de commandes du B737 MAX  s'élevait à 4.661 exemplaires. Plus de 350 exemplaires volent actuellement, dont 76 au sein de compagnies chinoises. L'avionneur prévoit de livrer plus de 50 appareils par mois.

La plupart des compagnies maintiennent les vols

La plupart des opérateurs de l'appareil ont maintenu leurs vols. La compagnie à bas coût Norwegian, qui exploite 18 appareils, continue de les faire voler, disant suivre les instructions et recommandations du constructeur et des autorités de l'aviation civile.
La compagnie italienne Air Italy (3 appareils) assure être en "conformité totale avec les instructions des régulateurs des procédures opérationnelles des constructeurs" et qu'elle "suivra toutes les directives" qu'elles pourraient indiquer.

La compagnie islandaise Icelandair continue d'exploiter ses trois appareils. Son directeur général des opérations, Jens Thordarson, estime "prématuré" d'établir un lien entre les accidents des Boeing d'Ethiopian et de Lion Air.

"Jusqu'à présent, il n'y a pas de raison de craindre ces machines (...) Rien ne nous pousse à prendre la moindre mesure" pour le moment, mais cela pourrait changer en fonction des résultats de l'enquête "si nécessaire", a-t-il affirmé au journal "Frettabladid".

Même discours pour le ministre des Transports canadien, Mac Garneau : "C'est prématuré de le faire en ce moment". Les compagnies aériennes canadiennes Air Canada, Westjet et Sunwing opèrent 41 B737 Max 8.

La compagnie russe S7 Airlines, qui dispose de 2 appareils, dit suivre "attentivement l'enquête en cours, tout en restant en contact permanent avec le constructeur". Aux États-Unis, Southwest (31 appareils) et American Airlines (24) continuent de faire voler leurs 737 MAX 8.

"Nous restons confiants dans la sécurité et la navigabilité de notre flotte de plus de 750 avions Boeing", a dit Southwest.

Aeromexico (6 avions), le brésilien GOL Airlines (7), Turkish Airlines (11), les compagnies indiennes Spicejet (13) et Jet Airways (8), Flydubai (10), la compagnie polonaise LOT (6 appareils) ou la compagnie à bas coût TUIfly (13) n'ont pas non plus annoncé qu'elles interrompaient les vols de ces appareils.