Le B737 MAX, la vache à lait de Boeing, en zone de turbulences

L'action Boeing chute ce lundi 11 mars à Wall Street après la décision de plusieurs compagnies aériennes de suspendre l'exploitation de leur flotte de B737 MAX 8 au lendemain d'un nouveau crash aérien impliquant l'appareil.
Fabrice Gliszczynski
Ethiopian Airlines a suspendu l'exploitation de ses quatre autres B737 MAX
Ethiopian Airlines a suspendu l'exploitation de ses quatre autres B737 MAX (Crédits : Amr Dalsh)

Boeing accuse le coup en Bourse. Après la décision de la Chine, de l'Indonésie et d'Ethiopian Airlines de suspendre jusqu'à nouvel ordre l'exploitation des Boeing 737 MAX à la suite de l'accident intervenu ce dimanche en Ethiopie sur un avion de ce type appartenant à Ethiopian Airlines, l'action du constructeur américain dégringolait ce lundi 11 mars de plus de 10% dans les premiers échanges en Bourse, avant de se redresser dans la matinée. A 16h25 heure de Paris, le titre accusait une baisse de près de 7%.

Les causes de l'incident restent inconnues

Même si les causes de l'accident restent pour l'heure inconnues, les investisseurs redoutent que l'avion soit mis en cause en raison de certaines similitudes entre l'accident d'Ethiopian Airlines qui a fait 157 victimes, et celui qui a frappé en novembre la compagnie indonésienne Lion Air, dont les circonstances ne sont pas encore établies. Dans les deux cas, le B737 MAX 8 était flambant neuf (tous deux ont été livrés trois mois avant l'accident), et dans les deux cas, il s'est écrasé peu après le décollage. La comparaison s'arrête là. Il faudra attendre la lecture des boîtes noires qui ont été retrouvées pour en savoir plus.

L'avion s'est écrasé dimanche peu après son décollage d'Addis-Abeba. Le pilote avait signalé auparavant des "difficultés" et demandé à faire demi-tour, a déclaré le PDG d'Ethiopian Airlines. Les victimes sont d'une trentaine de nationalités différentes. Parmi elles figurent 22 employés des Nations unies.

"L'avion était tout près du sol et il a entamé un virage. Nous avons vu des papiers tomber de l'appareil", a raconté à Reuters un témoin, Malka Galato. "Les vaches qui paissaient dans les champs ont été prises de panique (...) Il y avait de la fumée et des étincelles à l'arrière de l'avion."

Le Boeing "a vainement tenté de reprendre de l'altitude, il a fait un écart, il y avait de la fumée blanche, des objets, des vêtements qui tombaient, et puis il s'est écrasé", a déclaré un fermier qui a assisté au drame, Tamirat Abera.

Selon le site Flightradar24, l'appareil a eu une vitesse ascensionnelle erratique après son décollage d'Addis-Abeba. Il est monté à près de mille pieds avant de redescendre à 450 pieds puis de remonter rapidement à 900 pieds, jusqu'à ce qu'il disparaisse des écrans radar.

Ehiopian Airlines, une compagnie sérieuse

Alors que Lion Air avait été placée quelques années avant l'accident sur la liste noire européenne, l'accident d'Addis Abeda touche une compagnie puissante (elle est la plus importante d'Afrique) et réputée pour son sérieux. Son appartenance à Star Alliance, la plus grande alliance commerciale du monde avec des membres aussi prestigieux que Lufthansa, United ou Singapore Airlines, impose par ailleurs d'appliquer les plus hauts standards de sécurité.

Ethiopian Airlines a précisé que le commandant de bord, Yared Getachew, qui possédait la double nationalité éthiopienne et kényane, était un pilote expérimenté avec plus de 8.000 heures de vol.

Le B737 MAX, un avion stratégique pour Boeing

Lancé il y a moins de deux ans seulement, le B737 MAX est un appareil stratégique pour Boeing. Il est en effet positionné sur le marché des court et moyen-courriers de plus de 150 sièges, qui constitue plus de 60% des livraisons de Boeing mais aussi d'Airbus, présent sur ce segment de marché avec son A320Neo. Fin janvier, le carnet de commandes du B737 MAX s'élevait à 4.661 exemplaires. En attendant, il est extrêmement rare de voir un avion neuf rencontrer deux accidents coup sur coup. Il faut remonter aux années 1970 lorsque le DC-10 avait rencontré des accidents mortels rapprochés en raison de problèmes de design. Un éventuel défaut de conception pourrait donc être catastrophique pour Boeing. Plus de 350 exemplaires volent actuellement, dont 76 au sein de compagnies chinoises, et l'avionneur prévoit de livrer plus de 50 appareils par mois.

Sondes d'incidence

Pour rappel, dans le cas de Lion Air, la boîte noire contenant les enregistrements de données techniques, avait pointé des problèmes d'indicateur de vitesse. Selon le rapport préliminaire des enquêteurs indonésiens publié en novembre, les pilotes avaient demandé aux contrôleurs aériens quelles étaient leur vitesse et leur altitude, en expliquant avoir des "problèmes de commandes de vol".

L'appareil avait subi des problèmes similaires, apparemment liés à des mesures erronées fournies par des capteurs, lors de son vol précédent mais les pilotes étaient passés en pilotage manuel pour reprendre le contrôle de l'avion. Les enquêteurs n'ont pas expliqué pourquoi les pilotes du dernier vol JT610 n'ont pas pu faire de même.

Des défaillances des sondes d'incidence (AOA, Angle of Attack sensor) ont aussi été évoquées par les enquêteurs. Ces capteurs en question donnent l'angle de vol de l'appareil et sont potentiellement des avertisseurs de décrochage. Boeing a mis en place un nouveau système anti-décrochage sur les derniers modèles de ses moyen-courriers 737-MAX. A la suite de l'accident, Boeing avait adressé une note aux compagnies aériennes rappelant aux pilotes le comportement à adopter en cas de données erronées en provenance des capteurs d'incidence.

La plupart des compagnies maintiennent leurs vols

La plupart des opérateurs de l'appareil ont maintenu leurs vols. La compagnie à bas coût Norwegian, qui exploite 18 appareils, continue de les faire voler, disant suivre les instructions et recommandations du constructeur, et des autorités de l'aviation civile.
La compagnie italienne Air Italy (trois appareils) assure être en "conformité totale avec les instructions des régulateurs des procédures opérationnelles des constructeurs" et qu'elle "suivra toutes les directives" qu'elles pourraient indiquer.

La compagnie islandaise Icelandair continue d'exploiter ses trois appareils. Son directeur général des opérations, Jens Thordarson, estime "prématuré" d'établir un lien entre les accidents des Boeing d'Ethiopian et de Lion Air.

"Jusqu'à présent, il n'y a pas de raison de craindre ces machines (...) Rien ne nous pousse à prendre la moindre mesure" pour le moment, mais cela pourrait changer en fonction des résultats de l'enquête "si nécessaire", a-t-il affirmé au journal Frettabladid.

La compagnie russe S7 Airlines, qui dispose de deux appareils, dit suivre "attentivement l'enquête en cours, tout en restant en contact permanent avec le constructeur". Aux Etats-Unis, Southwest (31 appareils), American Airlines (24), ainsi qu'au Canada, Air Canada (24 appareils) et Westjet (13), continuent de faire voler leurs 737 MAX 8. Aeromexico (6 avions), Aerolinas Argentinas (5), le brésilien GOL Airlines (7), Turkish Airlines (11), les compagnies indiennes Spicejet (13) et Jet Airways (8), flydubai (10), la compagnie polonaise LOT (6 appareils) ou la compagnie à bas coût TUIfly (13) n'ont pas non plus annoncé qu'elles interrompaient les vols de ces appareils.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 6
à écrit le 12/03/2019 à 12:28
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Des papiers qui tombent, des étincelles, de la fumée.... ça ne ressemble pas à une panne informatique ou un problème de sonde.

à écrit le 12/03/2019 à 4:31
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Principe du marketing revisité: "Accepter une goute de pertes humaines dans un océan de profits".

à écrit le 11/03/2019 à 23:30
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Quand un aliment est avarié et nocif pour l’humain: l’entreprise en question rappelle les produits . Boeing par éthique devrait rappeler tous les avions dans le monde , arrêter la production et livraison et réparer le problème technique , et plus ...

à écrit le 11/03/2019 à 18:32
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Si des papiers sont tombés de l'avion en vol c'est qu'une porte ou une trappe s'est ouverte ! Cela ne ressemble pas à un problème de sonde !

le 12/03/2019 à 9:16
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Heureusement les experts sont plethore sur ce site.

à écrit le 11/03/2019 à 17:29
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C'est qu'à un moment le silence des autorités américaines et de boeing commencent à devenir improductif au possible. Deux crashs sur deux avions identiques neufs ça s'est déjà vu ? Par contre continuer de les utiliser est criminel, si jamais il y...

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