Sous-marins : Emmanuel Macron tente de relancer le « contrat du siècle » en Australie

Par latribune.fr  |   |  936  mots
L'Australie a annulé l'an dernier un contrat portant sur l'acquisition de 12 sous-marins français Barracuda (Crédits : POOL)
Plus d'un an après la conclusion de l'alliance AUKUS entre l'Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui avait conduit Canberra à annuler le mégacontrat des sous-marins français Barracuda, Emmanuel Macron a déclaré jeudi à Bangkok que l'offre de coopération française sur les sous-marins avec l'Australie « restait sur la table ».

Relancer le « contrat du siècle ». Plus d'un an après la conclusion de l'alliance AUKUS entre l'Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui avait conduit Canberra à annuler le mégacontrat d'une valeur de 56 milliards d'euros signé en 2016 avec Naval Group pour l'acquisition de douze sous-marins conventionnels français Barracuda, Emmanuel Macron ne désarme pas et tente de replacer l'offre tricolore. « Elle est connue, elle reste sur la table », a-t-il dit ce jeudi à Bangkok où il s'est rendu dans la foulée du G20 en Indonésie, pour participer au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (Apec). Une réunion de deux jours au cours de laquelle le chef de l'Etat français va tenter de relancer les ambitions stratégiques de la France en Asie-Pacifique, mises à mal par la crise avec l'Australie l'an dernier.

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Une alternative qui garantit la « liberté et souveraineté » de l'Australie

Emmanuel Macron n'a pas manqué de rappeler que l'offre française concernait des sous-marins à propulsion conventionnelle contrairement aux sous-marins à propulsion nucléaire américains ou britanniques. Mais la livraison de ces sous-marins risque de prendre du temps alors que les Australiens doivent renouveler rapidement leurs capacités face à une Chine à l'influence grandissante dans la région.

« On verra comment ils s'adaptent aux difficultés », a dit Emmanuel Macron en notant que « pour le moment, ils n'ont pas décidé de changer de stratégie sur le sujet », bien qu'il y ait, depuis mai, un nouveau Premier ministre, le travailliste Anthony Albanese, qui s'est engagé avec le président français à réparer les relations bilatérales abîmées entre les deux pays. Les deux hommes se sont rencontrés à Bali, en marge du G20.

« Il y a un choix fondamental qui est de savoir s'ils produisent ou pas des sous-marins chez eux ou s'ils décident d'aller vers le nucléaire ou pas », a relevé Emmanuel Macron. L'Australie dispose de faibles capacités nucléaires.

 Emmanuel Macron a rappelé que la France ne livrait pas de sous-marins à propulsion nucléaire à l'étranger et que l'offre restait donc conventionnelle. « Nous n'avons jamais été sur une stratégie comme celle-ci », a-t-il dit. La solution française offre à l'Australie une alternative qui garantit sa « liberté et souveraineté », a-t-il pointé, en rappelant que les sous-marins auraient été construits en Australie.

Les relations se réchauffent

Après le coup de froid qui avait accompagné la conclusion de l'AUKUS, les relations se réchauffent entre Paris et Canberra. Début septembre, le vice-Premier ministre australien Richard Marles, par ailleurs ministre de la Défense, s'était rendu en France. Lors d'une conférence de presse à Brest avec son homologue français Sébastien Lecornu, il avait déclaré que l'industrie française de l'armement pouvait jouer un « rôle crucial » dans la modernisation de l'armée australienne. « Nous entrons dans une période d'augmentation de notre budget de la défense, de modernisation de notre armée, et nous sommes confiants et optimistes quant au rôle crucial que l'industrie française de l'armement peut jouer en Australie pour mener à bien cette tâche », avait-il ajouté.  En saluant le « réchauffement spectaculaire de la relation » avec l'Australie, Sébastien Lecornu avait répondu que « la base industrielle française est à la disposition du gouvernement australien ». Quand l'ex-Premier ministre Scott Morrison avait annulé le contrat des sous-marins français, Paris avait dénoncé « un coup dans le dos » et rappelé son ambassadeur, ouvrant une crise diplomatique.

Stratégie indopacifique

L'annulation par Canberra du contrat de sous-marins français avait également porté un coup dur à la stratégie d'Emmanuel Macron dans la zone. Pour la présidence française, sa présence au sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (Apec) marque, la « reconnaissance » par les pays de la zone de notre « agenda Indopacifique ». L'Apec réunit 21 pays, de la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie et du Vietnam au Canada, aux Etats-Unis et au Chili. Et la France est le premier Etat invité. Emmanuel Macron a érigé l'indopacifique en priorité stratégique, cette vaste zone allant des côtes est-africaines aux côtes ouest-américaines et où la France compte de nombreux territoires et espaces maritimes. Tous les yeux sont braqués sur ce centre névralgique du commerce mondial, théâtre d'une rivalité croissante entre Chine et Etats-Unis, qui abritera 60% de la population et du PIB mondial en 2030. La France y détient la majeure partie de sa zone économique exclusive (ZEE), la deuxième du monde, autour de sept territoires, de la Réunion à la Nouvelle-Calédonie, où elle compte 1,65 million de ressortissants.

Affrontement entre Washington et Pékin

« Il s'agit, in fine, de préserver les intérêts et les marges de manœuvre de la France dans le contexte de l'affrontement des mastodontes chinois et américains », relève Céline Pajon, coordinatrice du programme Océanie et Centre Asie à l'Institut français de relations internationales (Ifri). Pour ce faire, Paris joue sur plusieurs leviers, militaire, diplomatique, économique, et noue des relations privilégiées avec certains pays clé de la région : Inde, Japon, Indonésie. La France entend aussi être active dans la défense des fonds marins, la lutte contre la crise climatique et la biodiversité. Mais avec seulement 7.000 militaires dans une zone aussi vaste, elle reste aussi très contrainte dans ses moyens. « Elle est aujourd'hui dans une posture de service minimum », estime l'amiral Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES).