Washington inflige des droits de douane de 220% aux C-Series de Bombardier après la plainte de Boeing

Par latribune.fr  |   |  716  mots
Ce mercredi, le département américain du Commerce a en effet infligé des droits de douane de quasiment 220% sur les avions CSeries de Bombardier à la suite d'une plainte de Boeing accusant le constructeur canadien de bénéficier de subventions indues.

Le conflit entre les Etats-Unis et le Canada au sujet du différend sur les aides publiques à l'aéronautique prend une ampleur démesurée. Ce mercredi, le département américain du Commerce a en effet infligé des droits de douane de quasiment 220% sur les avions CSeries de Bombardier à la suite d'une plainte de Boeing accusant le constructeur canadien de bénéficier de subventions indues. Il s'agit d'une décision préliminaire qui sera appliquée seulement si la Commission américaine du commerce international (ITC) donne raison à Boeing dans son jugement définitif attendu en 2018.

Grosse commandes de C-Series par Delta

Boeing accuse Bombardier d'avoir vendu ses CSeries à perte l'an dernier aux Etats-Unis grâce à des subventions publiques au Canada. L'avionneur américain affirme notamment que la commande de 75 CSeries, un avion de 110 à 130 places, passée en avril 2016 par Delta a été remportée par Bombardier grâce à méthodes commerciales déloyales.

Bombardier s'est dit "totalement en désaccord" avec la décision du département du Commerce, en jugeant "absurde" l'ampleur de la pénalité imposée. Le département du Commerce n'a pas précisé comment il avait calculé ces droits de douane de 219,63%. Le directeur général de Delta, Ed Bastian, a dit ne pas s'attendre à voir les autorités américaines imposer des droits exorbitants sur les appareils produits par Bombardier. La demande de Boeing est "absurde", a-t-il jugé, qualifiant la plainte de l'avionneur américain "d'hypocrisie ultime".

Boeing n'avait pas l'avion dans la gamme demandée par Delta

Pour convaincre l'ITC, Boeing doit prouver que les pratiques commerciales de Bombardier lui ont porté préjudice bien qu'il n'ait pas présenté d'avion concurrent du CSeries pour la commande de Delta, souligne Dan Pearson, ancien président de l'ITC, qui exprime ainsi ses doutes sur l'issue de la procédure. « Boeing n'avait pas d'avion de 100 sièges dans sa gamme pour concourir sur une demande d'un avion de 100 sièges. Bombardier dispose en revanche d'un avion de cette catégorie », expliquait en effet dans nos colonnes en juin Fred Cromer, le président de Bombardier Commercial Aircraft. Boeing aurait en effet proposé son B737-700.

"Pas un boulon d'un avion Boeing n'entrera aux Canada"

La décision américaine a suscité l'ire des autorités canadiennes et québécoises. Le Premier ministre du Québec où Bombardier est un employeur important, Philippe Couillard, a demandé à Ottawa de faire en sorte que "pas un boulon, pas une pièce détachée, pas un avion de Boeing" ne soit autorisé à entrer au Canada tant que le contentieux n'aurait pas été réglé.

"Boeing a peut-être gagné une bataille, mais laissez-moi vous dire que la guerre est loin d'être terminée. Et nous la gagnerons", a-t-il dit à la presse, en dénonçant une "attaque" contre le Québec et contre le Canada de la part des Etats-Unis. Le gouvernement du Québec a investi un milliard de dollars canadiens dans le programme CSeries, a expliqué Philippe Couillard en affirmant que Bombardier n'avait pas touché "un centime" de subventions publiques.

Pas de commande de F-18 pour Ottawa?

A Ottawa, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a souligné que son gouvernement était "déçu, et je vais continuer à me battre pour de bons emplois canadiens". Le ministre canadien du Commerce, François-Philippe Champagne, a parlé quant à lui d'une décision "déplorable". Récemment, le gouvernement canadien avait indiqué que si Boeing poursuivait sa plainte contre Bombardier, il n'y aurait pas d'achat de F-18 par le Canada.

Cette querelle commerciale pourrait avoir des répercussions jusqu'au Royaume-Uni, Bombardier étant le premier employeur industriel d'Irlande du Nord. Les autorités britanniques ont déclaré mercredi que Boeing pourrait perdre des contrats de défense au Royaume-Uni du fait de ce contentieux.

"Le gouvernement continuera de travailler avec la compagnie pour protéger des emplois vitaux en Irlande du Nord", a-t-elle ajouté.

"Ce différend n'a rien à voir avec une volonté de limiter l'innovation ou la concurrence, que nous jugeons bienvenues. Cela a plutôt complètement à voir avec le fait d'être sur un même pied d'égalité et de garantir que les entreprises aérospatiales respectent les accords commerciaux", a réagi Boeing dans un communiqué.