Du vin de Bordeaux à la chinoise

Par Sharon Wajsbrot  |   |  528  mots
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En Chine, le premier marché à l'exportation pour les vignerons bordelais, les contrefaçons de grands crus se multiplient.

La Chine est le nouvel eldorado pour les producteurs de vins bordelais. En 2010, la Chine est devenue le premier marché à l'exportation pour les vins de Bordeaux, avec 333 millions d'euros de chiffre d'affaires. Mais le revers de la médaille est conséquent. Les contrefaçons se multiplient et les producteurs français doivent lutter pour préserver leurs marques.

Le marché du vin chinois offre des perspectives inespérés, les ventes françaises y ont cru de 134% depuis 2005, mais les palais des consommateurs chinois ne se sont pas encore sensibilisés aux grands crus français. "Les Chinois sont plus attirés par la couleur de l'étiquette, le nom du producteur que par le contenant ", précise Jean Baptiste Thial de Bordenave, juriste qui défend les marques du conseil des vins du Médoc en Chine.

C'est une aubaine pour le business de la contrefaçon et les châteaux bordelais sont les premières victimes. On trouve des "Château Lafite" locaux, ou des "Château Laffite" et même des "Chatelet Latour". Mais les consommateurs chinois ne sont pas à l'affût des coquilles. Le vin est avant tout un produit de luxe qui permet d'afficher sa réussite sociale, le plaisir gastronomique n'est pas la priorité. Certains sont prêts à débourser des sommes astronomiques pour des bouteilles de Bordeaux coupée avec de l'eau sucrée, des colorants ou des arômes artificiels. Mais on trouve aussi des copies très haut de gamme qui réutilisent des bouteilles de grands crus achetées sur internet.

Depuis quelques années, une spéculation sur les marques de vins français se développe en Chine. De nombreux producteurs français qui ont omis de protéger leur marque en Chine se retrouvent contraint de la racheter à des locaux. "Une fois sur trois, lorsqu'un producteur bordelais veut exporter son vin en Chine, la marque est déjà déposée", explique Jean Baptiste Thial de Bordenave. Ce dépôt de marque frauduleux se développe énormément depuis deux ans et les grands crus ne sont plus les seuls concernés. Certains se spécialisent dans ce "business" et vont jusqu'à déposer plus de 120 marques de grands crus français, pour les monnayer aux exportateurs désireux de profiter du boom du marché chinois.

Même si les Chinois ne boivent encore qu'un litre de vin par an et par personne, contre 56 litres en moyenne par personne et par an en France, la consommation chinoise a doublé en cinq ans et devrait progresser de 20 % d'ici à 2014, selon International Wine and Spirit Research (IWSR). L'empire du milieu, désormais septième producteur mondial de vin, augmentera sa production de 77% d'ici à 2014, avance le cabinet ISWR. Si la qualité du vin chinois laisse encore à désirer, ça n'est plus qu'une question de temps pour que les standards du marché évoluent. Les écoles d'oenologie et les salons se multiplient. "Les Chinois pourront produire du vin qualitatif par eux mêmes", reconnaît Frédérique Dutheillet de Lamothe, directrice de l'Alliance des crus bourgeois du Médoc. En attendant, les châteaux bordelais profitent de l'aubaine.