Des fumeurs canadiens exigent 20 milliards d'euros de dommages et intérêt

Par latribune.fr (source AFP)  |   |  579  mots
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Au Québec, près de deux millions de fumeurs et ex-fumeurs exigent des dommages et intérêt de la part des principaux industriels du tabac pour un montant de 27 milliards de dollars canadiens, soit un peu plus de 20 milliards d'euros. Un procès en nom collectif s'est ouvert ce lundi à Montréal.

Au Québec, les fumeurs demandent réparation. Ils sont près de 2 millions de plaignants dans ce plus grand procès en "action collective" jamais intenté au Canada et qui s'est ouvert ce lundi à Montréal. Au premier jour d'audience, l'un de leurs avocats a dénoncé la "duplicité" des cigarettiers auquel les fumeurs et ex-fumeurs réclament pas moins de 27 milliards de dollars canadiens (20 milliards d'euros). Les requérants reprochent aux trois principaux fabricants de tabac (Imperial Tobacco Canada, filiale de BTA, JTI-Macdonald et Rothmans Benson & Hedges) d'avoir sciemment mis sur le marché des "produits nocifs" et d'en avoir caché ou "banalisé" les risques aux consommateurs.

Après treize ans de procédure, les avocats présentant deux recours collectifs québécois distincts. Le premier regroupe 90.000 fumeurs et ex-fumeurs québécois victimes de cancers du poumon, de la gorge, du larynx ou d'emphysème qui réclament 105.000 dollars (plus de 80.000 euros) par personne. Le second réunit 1,8 million de fumeurs qui demandent, eux, 10.000 dollars par personne.

Mise en cause des "stratégies de marketing"

Me Bruce Johnston, l'un des défenseurs des plaignants, a mis en cause les "stratégies de marketing" des cigarettiers. Ces dernier véhiculeraient "de fausses informations" sur les produits. Il leur est aussi reproché de"ne pas avoir utilisé les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu'ils auraient pour effet de mettre fin à la dépendance d'une bonne partie de fumeurs". L'avocat a demandé au juge d'évaluer si les industriels du tabac avaient "conspiré pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation". Il s'en est pris ensuite aux "sophismes" répandus, selon lesquels "la cigarette est un produit légal", "fumer est un choix" personnel, "tout le monde en connaît les risques", mais il est impossible de démontrer le lien de cause à effet, la responsabilité en incombe au gouvernement et enfin "les victimes n'ont qu'elles-mêmes à blâmer".

Intervenant au nom des victimes de maladies liées au tabac, un autre avocat, Me André Lespérance, a dénoncé ce qu'il considère comme la rétention voire la destruction d'informations scientifiques sur les effets du tabac. "Les compagnies ont fait de l'ingénierie sociale pour maintenir l'acceptabilité" des cigarettes, a-t-il estimé, parlant de "propagande" et affirmant que les scientifiques travaillant pour les fabricants ne tenaient pas le même discours en interne et dans leur discours adressé au public.

Pour l'Imperial Tobacco Canada, "fumer est un choix"

Toute cette rafale d'accusations n'a pas beaucoup impressionné Me Deborah Glendinning, juriste travaillant pour Imperial Tobacco Canada. Des "avocats vont en justice et poursuivent mes clients mais ils n'ont aucune preuve à l'appui de leurs allégations", a-t-elle affirmé. "Les plaignants n'auront aucune preuve à présenter que mes clients ont fait quelque chose de mauvais", a-t-elle déclaré pendant une pause. "Fumer est un choix que les gens font pour de multiples raisons et ils doivent en assumer la responsabilité", a ajouté l'avocate.

Ce n'est pas l'avis de Cécilia Létourneau, plaignante et porte-parole des fumeurs victimes de la dépendance au tabac. "Je fume toujours", a-t-elle reconnu en marge du procès. "Ma plus grande espérance est que les journalistes vont informer la population", a ajouté Mme Létourneau, souhaitant que le tribunal reconnaisse que "la nicotine cause une dépendance qui peut conduire à la mort".