Pourquoi Nestlé débourse 9 milliards d'euros pour du lait infantile

Par Par Juliette Garnier  |   |  531  mots
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A la barbe de Danone, le groupe suisse rachète les activités de nutrition infantile de l'américain Pfizer. En jeu : l'alimentation des nourrissons dans les pays émergents.

Nestlé va puiser dans son trésor de guerre. Le groupe suisse, qui dispose de 51,6 milliards de dollars de liquidités depuis la vente d?Alcon à Novartis en 2010, va en consacrer 11,85 à l?acquisition des activités de nutrition infantile de l?américain Pfizer. L?opération est soumise à l?aval des autorités de la concurrence. Son montant étonne. Pfizer réalise environ 2,4 milliards de dollars de chiffre d?affaires dans le monde.
7 milliards d?euros réalisés avec le baby-food
Pourquoi le Suisse débourse-t-il tant ?  Certes, le premier des métiers du groupe Nestlé a été la nutrition infantile, avec un lait maternisé lancé en 1867. Il en est encore aujourd?hui le leader mondial. Mais l?histoire du groupe de Vevey ne suffit pas à expliquer cette mega acquisition. En fait, le groupe aux 69,5 milliards d?euros de chiffre d?affaires met ici la main sur des marques de lait (S-26 Gold, SMA et Promil) proches de ses propres marques dont Gerber, elle-même acquise en 2007, et Nestlé. Le groupe présidé par Paul Bulcke portera ainsi son activité dans le dit baby-food à près de 5,2 milliards d?euros, contre 3,7 milliards en 2011, selon Bloomberg.
Les femmes délaissent l?allaitement
Le jeu en vaut la chandelle. Le marché de la nutrition infantile croit de 8% par an. Il est porté par les pays émergents où précisément Pfizer réalise 85% de son activité. Parmi eux figurent la Chine où naissent 16,4 millions de bébés par an et, surtout, l?Inde avec ses 27,9 millions de naissances en 2011. Ce marché a un bel avenir devant lui. Le développement d?une classe moyenne dans ces deux pays inclinent les femmes à travailler et donc à délaisser l?allaitement pour préférer le biberon. C?est du pain bénit pour les fabricants de lait maternisé. De plus, les marques internationales veulent s?imposer comme des références fiables aux yeux de consommateurs craintifs, notamment en Chine depuis le scandale du lait contaminé à la mélamine en Chine (2008). Nestlé se devait d?y reprendre la main : depuis 2005, le groupe suisse y perd des parts de marché.
Franck Riboud en proposait 8,3 milliards. En vain.
Danone est lui aussi à l?affût sur ce marché. En juillet 2007, une semaine après avoir cédé ses biscuits Lu à Kraft, le groupe a racheté le néerlandais Numico spécialiste de la nutrition infantile pour un montant de 12,3 milliards d?euros. Cette opération fût « l?acquisition stratégique », qui fit basculer le groupe de Franck Riboud dans l?ère du 100% santé. Depuis, le patron de Danone s?en réjouit : en 2011, le marché dit du baby-food lui a assuré 10,7% de croissance et 19,28% de marge opérationnelle (soit 2,4 poins de plus qu'en 2010). Franck Riboud espérait lui aussi mettre la main sur les marques de Pfizer. Mais, malgré une surenchère in extremis à 8,3 milliards d?euros, selon plusieurs sources de presse, Danone n?a pas emporté la mise. interrogé par La Tribune, le groupe n'a pas souhaité commenter cette information. Le français, numéro deux mondial de la nutrition avec 3,6 milliards d'euros dans cette activité, se retrouve largement distancé par Nestlé.