"Le prochain scandale sanitaire va venir de la farine"

Par Propos recueillis par Michel Cabirol  |   |  1332  mots
Gilles Terzakou, président-fondateur de MRS. Copyright Reuters
Le président-fondateur du groupe MRS (Multi Restauration Services), Gilles Terzakou, part en guerre contre la malbouffe dans la restauration collective, en particulier dans les hôpitaux. Et s'en prend aux pratiques commerciales pratiquées qui, in fine, pèsent sur la qualité des repas servis. Celui qui mise sur une agriculture raisonnée, estime par ailleurs que le prochain scandale sanitaire viendra... de la farine.

Votre entreprise de restauration collective MRS (Multi Restauration Services) propose une offre qui se différencie de celle des grands leaders du marché. En quoi cette offre est-elle très différente ?
L'alimentation demeure un facteur déterminant pour la santé. L'organisme a besoin au quotidien d'un apport régulier de différentes vitamines et d'oligo-éléments. Or aujourd'hui, l'alimentation telle qu'elle est conçue par l'industrie agroalimentaire ou l'agriculture forcenée en raison de l'utilisation intensive d'engrais, des pesticides... n'offre plus ces vitamines et ces oligo-éléments qui disparaissent de ces produits ou sont très détériorés.

Les repas de la restauration collective ne répondent plus au besoin quotidien des individus. MRS a donc mis au point des prestations et des plats qui correspondent à des apports nécessaires journaliers en calories, vitamines et oligo-éléments, pour le bien-être des individus. Nous avons travaillé avec le corps médical pour créer ces plats. Pour gagner en qualité, nous avons été obligés de revoir tous nos approvisionnements. Aujourd'hui, nous ne travaillons qu'à partir de produits frais issus de l'agriculture raisonnée.

Et pourquoi pas avec les produits bio ?
Nous refusons de travailler avec les produits bio parce que 70 % des produits bio vendus en France sont des produits importés dont la traçabilité est très aléatoire. Ils viennent de Chine, du Maroc, de Turquie... Nous préférons travailler avec les agriculteurs locaux que nous connaissons bien. En outre, MRS leur garantit des cours nettement plus élevés que ceux qui sont proposés par les marchés d'intérêt nationaux.

MRS tente d'entrer dans les hôpitaux. Votre démarche de bien-être est-elle comprise ?
Difficilement, pour trois raisons principalement. Premièrement, les conséquences de l'alimentation sur la santé ne représentent que 20 à 25 heures sur sept ans d'études pour les élèves en médecine. C'est epsilon. Le corps médical, surtout l'ancienne génération, n'est donc pas formé à cette nouvelle démarche. En outre, il n'y a eu aucune recherche réelle sur l'impact de l'alimentation sur certaines pathologies. Le corps médical commence seulement à y travailler alors que nous le faisons depuis cinq ans déjà.

Enfin, l'hôpital n'intègre en aucun cas l'alimentation dans un supplément de traitement chimique. Bien au contraire. L'alimentation dans les hôpitaux laisse souvent à désirer, soit dans la qualité des produits, soit dans leur préparation alors qu'il est possible de proposer une alimentation santé, qui est un complément aux traitements chimiques ou qui aide au bien-être. Les responsables hospitaliers ne le savent pas et le personnel n'a aucune culture sur le sujet.

Il n'y pas de prise de conscience de cette malbouffe dans les hôpitaux ?
Les directeurs d'hôpitaux n'ont pas un travail facile. Ils sont entre le marteau et l'enclume. D'un côté, ils sont dans l'opération de modernisation Hôpital 2012 mais avec des restrictions budgétaires de fonctionnement importantes. De l'autre, ils doivent composer avec des habitudes et un corporatisme dans certains secteurs comme la blanchisserie et l'alimentation. Enfin et surtout, il n'y a eu personne pour les sensibiliser et les former à adapter cette restauration. Même si il y a quelques ébauches, on n'est loin d'une stratégie globale.

Votre type de restauration ne coûte-t-elle pas plus chère aux hôpitaux et de façon plus générale? La qualité se paie, non ?
En coût matière, sommes-nous plus chers que nos concurrents? La réponse est non. Pourquoi ? Je ne touche pas de ristournes arrières sur mes achats de matières premières contrairement à la plupart de mes concurrents. Comment font les autres ? Quand un industriel propose un produit à un euro par exemple à une entreprise de restauration collective, cette dernière négocie de payer 80 centimes. Mais l'entreprise de restauration collective demande à l'industriel de vendre et de facturer 1,20 euro à l'exploitation concernée, et de lui rétrocéder les 40 centimes. En règle générale, les leaders de restauration collective font entre 30 % et 35 % de ristournes arrières. Avec quelles conséquences ? Dans l'assiette des individus, le gérant du restaurant ne pourra pas avoir la qualité maximale.

Voilà pourquoi je ne suis pas plus cher que les autres. Un écart de 2 % à 3 % existe. Parce que je ne touche pas de ristournes arrière. S'agissant des hôpitaux, la question qu'il faut se poser est la suivante : à partir du moment où j'ai une alimentation santé adaptée en complément à des traitements chimiques, est-ce que je ne vais pas faire baisser le coût de la journée... car les coûts seront moindres pour traiter un certain nombre de pathologies. Il faut prendre en compte le coût global de la journée du traitement des malades. Aujourd'hui, nous savons que l'alimentation peut contribuer au traitement de 70% de maladies auto-immunes, comme le cholestérol ou le diabète.

 Y a-t-il une prise de conscience dans les hôpitaux ?
Aujourd'hui, les hôpitaux ne sous-traitent pas la restauration à des sociétés spécialisées telles que les nôtres. Notre méthode exige des repas à la carte pour chacune des pathologies qui sont spécifiques. Pourquoi les hôpitaux feraient-ils confiance à des entreprises de restauration collective qui n'ont pas encore aujourd'hui abordé ce sujet à part nous ? Cela va être très long à imposer ce type d'alimentation parce qu'il y a un doute sur les conséquences sur la santé. Il va falloir que l'on démontre et qu'on vulgarise les recherches qui sont faites et les résultats qui ont été obtenus.

Votre positionnement est-il compris et finalement est-il porteur ?
En 2012, MRS a réalisé plus de 22 % de croissance pour atteindre 75 millions d'euros de chiffre d'affaires en grande partie grâce à la demande des entreprises, qui ont compris notre positionnement et qui en sont demandeuses. Nous travaillons déjà avec des entreprises comme Zodiac, MSA et bien d'autres. Elles ont pris conscience que la vraie valeur de l'entreprise, c'est leurs collaborateurs dont il faut prendre soin. Notre alimentation est valorisante aussi bien pour l'entreprise qui la choisit que pour ses salariés qui en profitent. Cela à une conséquence directe, la baisse du taux d'absentéisme.

C'est prouvé ?
Pratiquement oui. Pourquoi le taux d'absentéisme baisse ? Le salarié se sent valorisé par son entreprise, qui a choisi ce type de restauration avec des aliments frais et sains. Cela a des conséquences directes sur le psychisme des gens

 D'une façon générale, quel est votre regard sur les scandales sanitaires en France. Y a-t-il des nouveaux scandales à venir ?
Oui, le prochain scandale va venir de la farine. Aujourd'hui, il existe une recrudescence d'allergies au gluten, c'est-à-dire à tout ce qui est lié au blé. Pourquoi ? Le taux de productivité en blé, qui est énorme en France, est obtenu en grande partie par les engrais, les insecticides, les pesticides. Dans votre farine, vous retrouvez tous ces agents. Ce qui veut dire que vous les retrouvez dans le pain, les pâtes... Cela va avoir des conséquences gravissime sur la santé.

 Y a-t-il eu des alertes sanitaires ?
Non, mais on peut considérer comme une alerte, la recrudescence des allergies au gluten puisque aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire qu'il y a une croissance de 10 % à 15 % par an de malades en plus. Personne n'a soulevé le problème et encore moins de pointer la farine. De toute façon, le lobby des céréaliers interviendra. Et puis la France a une industrie agroalimentaire forte.

Il faudrait que les industriels comprennent qu'il leut faut évoluer. Je suis convaincu et c'est ce à quoi MRS s'attache, que toute la restauration collective a une mission importante. On nous confie au quotidien la restauration des gens, ce qui veut dire qu'on nous confie la santé de ces personnes qui consomment. Nous avons une responsabilité très forte.Nous n'avons pas le droit de les tromper.