"La culture n'appartient pas au registre des programmes gouvernementaux" (Bernard Arnault)

Par MT  |   |  580  mots
Bernard Arnault, le patron de LVMH, devrait inaugurer le nouveau bâtiment de sa fondation le 27 octobre.
Le patron de LVMH fait l'apologie du financement de l'art par les entreprises privées dans une interview exclusive accordée au magazine du week-end du Financial Times, qui glorifie son rôle de mécène.

LVMH, plus fort que la rue de Valois pour rendre l'art accessible au plus grand nombre? Sans aller jusqu'à le clamer, Bernard Arnault revendique toutefois pour son groupe une place majeure dans le paysage culturel. Dans un portrait paru dans le magazine du Financial Times daté du 6 septembre et contenant les extraits d'une interview accordée par le patron du géant du luxe, il affirme:

"C'est bien d'avoir un ministre de la Culture, mais nous avons aussi besoin de ce qui existe aux États-Unis, c'est-à-dire d'entreprises privées qui participent à la vie artistique."

"La culture n'appartient pas au registre des programmes gouvernementaux", explique-t-il encore, jugeant que "l'État est trop présent dans de nombreuses activités, pas seulement les musées" et que "l'entreprise privée n'est pas assez reconnue comme moteur réel du bien-être global".

Ce n'est pas la première fois que le milliardaire met en avant son rôle de bienfaiteur de la culture. En 2008, à l'occasion de l'exposition "Picasso et les maîtres", au Grand Palais à Paris, la 32e à avoir reçu le soutien financier de son entreprise, il avait par exemple affirmé que son "groupe [donnait] un sens au mot philanthropie".

Portrait de Bernard Arnault en mécène

Le patron du groupe de luxe et collectionneur de longue date s'exprime quelques semaines avant l'inauguration le 27 octobre de sa fondation dont le bâtiment de verre imaginé par l'architecte Frank Gehry s'élève entre les arbres du Bois de Boulogne, à Paris.

Une vue décrite avec emphase par l'auteur de ce portrait de Bernard Arnault en mécène. Découvrir le bâtiment du futur lieu culturel monogrammé LVMH, c'est un peu comme "assister à la pose de la dernière pierre de la pyramide de Khéops" ou "à la construction, rivet après rivet", de la tour Eiffel 4500 ans plus tard, s'émerveille ainsi le portraitiste.

"Prédateur"

Le commanditaire du futur espace culturel, qui a récemment renoncé à prendre davantage de parts dans Hermès, est décrit comme un entrepreneur "prédateur", une sorte de "loup toujours en alerte capable d'identifier une opportunité pour acquérir toujours plus de trophées". La fondation en serait le clou, digne, si ce n'est du palais de Citizen Kane - la figure du magnat milliardaire croquée par Orson Welles est citée dans le portrait - du moins d'être qualifiée "d'apothéose".

Ligne floue entre art et commerce

Plus prosaïquement, son projet incarnerait une confusion grandissante entre les activités de la fondation culturelle du groupe et son cœur de métier : la vente de produits de luxe. D'ailleurs, rappelle l'auteur de l'article, des artistes comme Takashi Murakami, Richard Prince, Olafur Eliason ou même, plus récemment, Frank Gehry lui-même ont dessiné des sacs à main. Et des œuvres d'art ornent plusieurs magasins du groupe.

Le principal intéressé déclare lui-même que le rôle du nouveau lieu sera de "susciter le désir d'innovation", de la même manière que dans ses magasins. Il explique:

"c'est la raison pour laquelle nous montrons des œuvres d'art dans nos boutiques, parce que nous seulement ils résonnent avec les produits mais ils donnent à nos clients l'impression d'être à la maison. Et à la maison, de temps en temps, vous trouvez de l'art."

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