Comptes truqués : l'État prête 70 millions d'euros à William Saurin et co

Par latribune.fr  |   |  827  mots
"S'il y en a besoin, il y aura un soutien financier de l'Etat pour s'assurer qu'on évite un scénario de liquidation judiciaire. Pour nous c'était important d'apporter cette assurance aux fournisseurs, aux clients et aux salariés", ont indiqué les cabinets ministériels dans leur communiqué commun.
Les ministères des Finances et de l'Agriculture ont annoncé qu'ils allaient prendre leurs responsabilités pour accompagner le groupe agroalimentaire Financière Turenne Lafayette qui détient entre autres William Saurin et Madrange, suite à la découverte de pratiques de présentation trompeuse de ses comptes.

Article publié le 14 décembre à 19:06, mis à jour le 16 décembre à 15:57

Les pouvoirs publics volent au secours de William Saurin et de sa maison mère, la Financière Turenne Lafayette. L'État a indiqué dans un communiqué qu'il allait "prendre ses responsabilités pour accompagner la nouvelle direction et les salariés", après qu'un audit a révélé "une présentation trompeuse des comptes depuis plusieurs années". Diligenté par le nouveau président du groupe agroalimentaire Financière Turenne Lafayette, cet audit faisait suite au décès, le 30 novembre dernier, de l'actionnaire unique Monique Piffau.

Un arrêté publié au journal officiel a finalement annoncé ce vendredi que le gouvernement allait accorder un prêt de 70 millions d'euros au groupe. Ces fonds seront débloqués "au plus tard le 31 décembre" au titre du fonds de développement économique et social (FDES) puis mis "à disposition d'une ou plusieurs sociétés du groupe Financière Turenne Lafayette", précise l'arrêté.

De fausses facturations et de fausses avances sur le stock auraient été retrouvées dans les comptes. Le groupe français a annoncé que le redressement allait prendre plusieurs semaines et plusieurs mois en mettant en avant la non connaissance de ces malversations avant cet audit. Les comptes auraient ainsi été "embellis" afin de masquer certaines difficultés financières.

"Il semblerait que ces tromperies n'avaient pour but que de maintenir le financement du groupe" a ainsi énoncé une porte-parole, cela au sein d'un contexte très difficile dans le secteur agroalimentaire et "pour certaines filiales du groupe en particulier".

Sauvegarder 3.200 emplois et 21 sites industriels

Par un communiqué de presse commun des ministères de l'Economie et de l'Agriculture, l'État a rapidement réagi, indiquant vouloir permettre la sauvegarde de 3.200 emplois directs du groupe, répartis sur 21 sites industriels qui fabriquent pour une kyrielle de marques. Car le groupe agroalimentaire Financière Turenne, c'est non seulement William Saurin, mais aussi Madrange, Garbit, PetitJean, Soulié, Montagne noire, le traiteur Ecochard, les jambons Paul Prédault, ou la Lampaulaise de salaisons dans le Finistère.

Les représentants des cabinets gouvernementaux ont également annoncé la saisie de la justice afin de déterminer les responsables et les causes de ces pratiques frauduleuses.

"S'il est besoin, il y aura un soutien financier de l'Etat pour s'assurer qu'on évite un scénario de liquidation judiciaire. Pour nous, c'était important d'apporter cette assurance aux fournisseurs, aux clients et aux salariés", ont indiqué les cabinets ministériels dans leur communiqué commun.

Ils ont également annoncé différentes réunions avec les fournisseurs, les clients, les banques et les organisations syndicales dans les prochains jours.

"Pas question pour l'Etat d'entrer au capital de ce groupe"

C'est une réelle prise de responsabilité de la part de l'Etat qui va assurer une aide de 70 millions d'euros au groupe alimentaire après avoir considéré que la situation représentait "un risque pour la pérennité du groupe".

Néanmoins, jeudi, le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue, affirmait sur la radio Europe1 que l'engagement de l'Etat avait des limites :

"Il n'est pas question bien évidemment d'entrer au capital de ce groupe, mais de permettre une activité qui puisse perdurer pendant les mois qui viennent." "Nous envisageons plutôt de (...) venir en aide avec un prêt à côté des banques pour pouvoir permettre la pérennité de l'activité", comme l'Etat l'avait fait début 2015 pour le verrier Arc International, a-t-il précisé.

Pour l'heure, la direction de l'entreprise affirme aussi qu'elle se mobilise "pour rechercher les voies et moyens d'assurer la poursuite des activités et conserver les emplois des entreprises du groupe", selon son communiqué. Ils ont ainsi annoncé que différentes pistes pouvaient être envisagées, notamment l'ouverture du capital afin de trouver de nouveaux moyens de financement.

Un porte-parole du groupe avait déclaré à l'AFP au lendemain du décès de l'actionnaire: "Il n'y a pas de risque de démantèlement du groupe car la propriétaire, très attachée aux entreprises, avait exprimé sa volonté".

Pression des syndicats sur le gouvernement

Mais le syndicat Fnaf-CGT craignait d'ores et déjà ce démantèlement et avait réclamé dans un communiqué la sauvegarde de "l'intégrité du groupe" et voulait éviter "le dépeçage par les vautours de la profession qui serait inacceptable et qui signifierait de nouvelles purges" pour les salariés.

S'ajoute à cela la réaction du secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, qui a jugé jeudi "absolument scandaleux" le maquillage des comptes du groupe et a réclamé  "une mobilisation de l'Etat" afin que "les dirigeants actuels ne fassent pas payer leurs fautes d'hier" aux 3.200 salariés. Il a également ajouté la nécessité d'un "contre-pouvoir" dans l'entreprise et a dénoncé les pressions mises sur les syndicalistes pour empêcher des expertises comptables proposées à différentes reprises.

(avec AFP)