La Russie accusée à l'ONU d'avoir provoqué une crise alimentaire mondiale aux conséquences incalculables

Par latribune.fr  |   |  776  mots
Mardi soir, au siège des Nations Unies à New York, au début d'une réunion du Conseil de sécurité dédiée à l'aide humanitaire en Ukraine, la sous-secrétaire d'État américaine Wendy Sherman serre la main de l'ambassadeur ukrainien auprès de l'ONU Sergiy Kyslytsya. (Crédits : Reuters)
Les États-Unis, la France mais aussi le Programme alimentaire mondial, ont accusé la Russie d'avoir provoqué une grave crise alimentaire en envahissant l'Ukraine. Les deux belligérants étant deux "producteurs majeurs" de céréales ("30% des exportations mondiales de blé, 20% du maïs mondial et 75% de l'huile de tournesol"), les entraves à leurs exportations laissent redouter une suite de conséquences chaotiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, avec pour commencer des risques d'émeutes de la faim dans des pays très peuplés comme l'Égypte, la Turquie, le Bangladesh ou le Nigeria.

La menace d'une pénurie alimentaire mondiale déclenchée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie est désormais considérée comme imminente, et ses conséquences incalculables, s'alarme-t-on à l'ONU.

En effet, sachant que l'Ukraine et la Russie sont deux "producteurs majeurs" de céréales ("30% des exportations mondiales de blé, 20% du maïs mondial et 75% de l'huile de tournesol"), le blocage de leurs exportations laisse redouter des pénuries de céréales susceptibles de provoquer des émeutes de la faim au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Notamment en Égypte, en Turquie, au Bangladesh ou au Nigeria, des pays très peuplés, et qui sont les principaux importateurs de céréales de Russie et d'Ukraine.

La Russie accusée de faire courir un risque de famine

Sans oublier un effet domino aux conséquences potentiellement incommensurables. Le cas de l'Egypte est à ce titre exemplaire: le pays, qui importe plus de 60% de ses besoins en blé, a annoncé récemment stopper pour trois mois ses propres exportations de blé et de farine, "ce qui va frapper d'autres pays d'Afrique, en particulier l'Érythrée, la Somalie et le Yémen"...

Hier, mardi, cette urgence était sensible lors du Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie se voyant accusée de multiples parts d'avoir provoqué une "crise alimentaire mondiale" voire de faire courir un risque de "famine" en ayant déclenché une guerre contre l'Ukraine, le "grenier à blé de l'Europe".

Lire aussi 7 mnGuerre en Ukraine : cet « ouragan de famines » et ces émeutes de la faim dans le monde que redoute l'ONU

Les Etats-Unis, par la voie de la numéro deux de la diplomatie américaine Wendy Sherman, ont fustigé la responsabilité du président russe, l'appelant à stopper immédiatement les hostilités:

« Vladimir Poutine a commencé cette guerre. Il a créé cette crise alimentaire mondiale. Et il est celui qui peut l'arrêter », a-t-elle martelé . « La Russie et le président Poutine portent, seuls, la responsabilité d'avoir fait la guerre à l'Ukraine et des conséquences de cette guerre sur la sécurité alimentaire mondiale.»

La France n'était pas en reste, l'ambassadeur de France à l'ONU Nicolas de Rivière expliquant que "l'agression de la Russie contre l'Ukraine accroît le risque de famine à travers le monde. Les populations des pays en voie de développement sont les premières touchées".

Lire aussi 3 mn« Avec l'arme militaire, la Russie détient l'arme alimentaire » Henri Biès Peré, FNSEA

Le diplomate français anticipait même les protestations russes :

« La Russie essaiera certainement de nous faire croire que ce sont les sanctions adoptées à son encontre qui déséquilibrent la sécurité alimentaire mondiale. »

La Russie rejette la faute sur l"hystérie" de l'Occident

Lesquelles protestations russes n'ont pas tardé. Vassily Nebenzia, le représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies, a réfuté les accusations occidentales en ces termes :

« Les véritables raisons des graves turbulences sur les marchés mondiaux de l'alimentation ne sont en aucun cas dues aux agissements de la Russie, mais plutôt à l'hystérie incontrôlée des sanctions lancées par l'Occident contre [Moscou]. »

Pourtant, a averti l'adjointe du secrétaire général de l'ONU pour les Affaires humanitaires Joyce Msuya, le conflit en Ukraine "menace de faire encore empirer les choses pour les plus grandes crises humanitaires de la planète, comme en Afghanistan, au Yémen et dans la Corne de l'Afrique".

"Ces pays luttent déjà contre l'insécurité alimentaire, la fragilité de leurs économies, l'augmentation des prix de l'alimentation, des carburants, des engrais qui vont affecter durement les saisons actuelle et à venir", a prévenu la Tanzanienne.

Le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, et Wendy Sherman ont rappelé que l'Ukraine et la Russie étaient des "producteurs majeurs" de céréales, représentant "30% des exportations mondiales de blé, 20% du maïs mondial et 75% de l'huile de tournesol".

Potentiel effet dévastateur pour 125 millions de personnes, dixit le PAM

Quelque "50% des céréales que nous achetons viennent d'Ukraine et nous nourrissions 125 millions de personnes" avant la guerre, a souligné M. Beasley en prévenant de l'impact "dévastateur" que la crise va avoir sur les opérations du PAM.

Vendredi, les Vingt-Sept de l'Union européenne avaient annoncé une initiative pour atténuer les pénuries alimentaires provoquées par la guerre. L'UE et les Etats-Unis souhaitent un engagement multilatéral contre les restrictions à l'export des matières premières agricoles.

Lire aussi 7 mnEn Ukraine, le Programme alimentaire mondial à la peine pour livrer de la nourriture