Face à la surabondance de lait bio, un producteur appelle chaque Français à acheter 6 litres

Par latribune.fr  |   |  710  mots
Nous sommes 28 millions de foyers en France : si chaque foyer achète un pack de lait bio dans les prochains mois, alors chaque producteur Biolait peut vivre décemment et sereinement de son métier", estime le patron de la coopérative. (Crédits : DR)
La filière française du lait bio est en crise de croissance. Face à une offre trop importante par rapport à la demande, les prix de vente chutent. Cette baisse ne permet pas d'écouler les volumes. Biolait, l'un des principaux producteurs collecteur de 30% du lait bio français, demande aux consommateurs d'acheter 6 litres de lait dans les prochains mois pour aider à écouler les stocks et soutenir l'offre.

Un appel aux citoyens à acheter de toute urgence du lait bio a été lancé. Il est symptomatique des difficultés rencontrées sur les enjeux de transition alimentaire. De fait, cette "nouvelle révolution alimentaire" comme l'a surnommée Emmanuel Macron lors de la présentation du plan France 2030 doit encore trouver son modèle économique. Dernier épisode en date de cette mutation vers un modèle alimentaire plus soutenable, l'un des premiers collecteurs de lait bio en France, Biolait, demande aux foyers d'acheter un pack de lait bio dans les prochains mois, soit l'équivalent de six litres, pour soutenir un marché confronté à une offre surabondante par rapport à la demande.

"Nous avons toutes et tous le pouvoir d'aider la filière laitière bio. Nous sommes 28 millions de foyers en France : si chaque foyer achète un pack de lait bio dans les prochains mois, alors chaque producteur Biolait peut vivre décemment et sereinement de son métier", plaide l'entreprise dans un communiqué.

Crise du bio

La filière française du lait bio traverse une crise de croissance. Elle doit vendre une partie de la production moins cher, au prix du conventionnel, car l'offre dépasse la demande qui ralentit après des années de croissance à deux chiffres. Selon l'interprofession laitière, le Cniel, la collecte de lait bio pourrait atteindre 1,35 milliards de litres d'ici à fin 2022 (+22% par rapport à la collecte 2020) et 4.400 producteurs (+10% par rapport à 2020). Dans le même temps, "les ventes s'essoufflent depuis le début de l'année 2021 sur toutes les catégories de produits" laitiers bio.

Du côté de la Fédération nationale d'agriculture biologique, on réfute l'idée que le lait bio a atteint un "plafond de verre" en France. Son président, Philippe Camburet, met en avant le gisement de demande potentielle des cantines.

Flux tendu

Dans ce contexte, Biolait, qui collecte 30% du lait bio français, se trouve dans une situation particulièrement délicate. La coopérative, fédérant 1.400 fermes ne transforme pas le lait. Elle doit donc transmettre immédiatement le lait collecté à l'industriel. Or, ces derniers croulent sous l'offre de lait. Par exemple, le leader français des produits laitiers Lactalis déclasse actuellement autour de 30% du lait bio qu'il collecte, indique-t-il à l'AFP.

"De nombreuses fermes sont en difficulté et pourraient être contraintes d'arrêter leur activité", met en garde Biolait. "En réduisant la production du lait dans leurs fermes familiales, les producteurs Biolait font tous les efforts possibles pour s'adapter au marché et stabiliser la filière sans brader le prix du lait bio".

Le précédent de 2016

En effet, une offre trop abondante pourrait entraîner à terme une chute du prix du litre. La crise du lait de 2016 est encore dans les esprits. Le gouvernement de l'époque avait dû imposer une baisse de 5% de la production au deuxième trimestre afin de faire remonter les cours. En contrepartie, l'exécutif prenait en charge, pour un montant de 50 millions d'euros, le manque à gagner pour les agriculteurs.

Dans ce contexte de mutation de modèle et de difficultés structurelles pour les agriculteurs, le gouvernent a adopté définitivement, le 16 octobre dernier, une nouvelle loi - Egalim2 - visant à protéger la rémunération des agriculteurs dans les relations commerciales avec industriels et distributeurs.

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La nouvelle loi exige en effet que les producteurs et leurs premiers acheteurs souscrivent des contrats écrits d'au moins trois ans, fixant les prix des matières premières agricoles et assortis d'une formule de révision automatique. Il sanctuarise en outre ces prix dans les négociations successives entre les industriels transformateurs et la distribution.

Cet appel à l'aide de Biolait n'est pas sans rappeler un projet qui s'est construit dès le début sur la sensibilisation et la sollicitation des consommateurs : celui de la marque C'est Qui Le Patron?! Quatre ans plus tard, la "marque des consommateurs", lancée en 2016, via des consultations de citoyens, élabore ses cahiers des charges et le "juste prix" ainsi payé aux producteurs. En 2020, elle annonçait avoir séduit 16 millions d'acheteurs. Une stratégie marketing lui permettait aussi d'assurer ses débouchés.

(Avec AFP)