Le rapport qui plombe la voiture électrique et prône l'hybride

Par Rémy Janin et Dominique Pialot  |   |  864  mots
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Un projet de rapport que s'est procuré La Tribune pointe les défauts et le coût de la voiture électrique.

L'avenir de la voiture ? L'hybride rechargeable répond sans ambages le projet de rapport réalisé par la mission Syrota pour le compte du Conseil d'analyse stratégique (CAS), que s'est procuré La Tribune. La version définitive, dont la publication est prévue ces prochaines semaines, ne devrait pas comporter de modifications changeant radicalement le fond de la réflexion. L'intitulé de cette étude - "La voiture de demain : carburant et électricité" - menée par celui qui dirigea de 1982 à 1988 la direction générale de l'énergie, exprime clairement que l'avenir de l'automobile passe d'abord par les véhicules hybrides.

Très exhaustif, le rapport scanne l'ensemble des scénarios qu'impose l'évolution du concept de mobilité. Toutefois, s'il n'obère pas les avantages de "la propulsion par l'électricité (qui) n'engendre pas, au niveau du véhicule, de polluants toxiques", roule silencieusement et permet, par un effet de masse, "de baisser la dépendance au pétrole", c'est aussitôt pour mettre en exergue ses inconvénients. A véhicules thermiques comparables, les véhicules électriques "ont de moindres vitesses de pointe", des coffres rapetissés pour cause d'encombrement par les batteries, accumulateurs dont "la sécurité n'est pas encore totalement assurée". Comptant parmi "les handicaps lourds" des véhicules électriques, voici encore leur faible autonomie pointée du doigt, en outre dégradée par le recours au chauffage l'hiver ou aux essuie-glaces par temps de pluie, ce qui "peut réduire l'autonomie du véhicule jusqu'à 50%".

Ce que d'aucuns qualifieraient de coup de grâce apparaît lorsque le rapport aborde l'aspect économique du dossier. "Dans la plupart des cas, le véhicule tout électrique sans batteries est déjà plus cher que son équivalent thermique complet et le surcoût des batteries (...) est très difficilement compensé par les coûts de fonctionnement moins élevés." En effet, "le coût de revient kilométrique d'un véhicule électrique apparaît entre 20% et 100% plus élevé que celui d'un véhicule conventionnel à usage équivalent, ce chiffre dépendant énormément du nombre de kilomètres annuels parcourus".

Douce utopie ?

Face à tant d'obstacles, la voiture électrique passerait pour une douce utopie. Et, on l'a dit, le compromis défendu par la mission consiste à investir massivement dans les moteurs hybrides. Au regard de la tournure adoptée par le rapport, comment ne pas approuver cette orientation ? Sauf que celui-ci exclut une donnée qui, pour n'être pas technique, n'en est pas moins fondamentale. Ainsi que le même CAS l'a expliqué dans un précédent rapport, "l'automobile semble en quelques années, avoir déserté l'imaginaire des jeunes générations (...) sa possession ne constituerait plus une priorité... ". Bref, le paradigme de la voiture symbole de réussite sociale et de liberté absolue est en pleine évolution. Ce qui, en termes de mobilité, change totalement la donne. Et permet d'envisager la voiture électrique sous un autre angle...

La réaction de Philippe Aussourd, président de l'association pour le développement du transport et de la mobilité électriques (Avere)

La Tribune - Le rapport Syrota qui devrait être prochainement publié par le CAS pointe les faiblesses et le coût du véhicule électrique.

Philippe Aussourd - Ce rapport n'est pas totalement négatif, il admet par exemple que l'hybride rechargeable est une solution. Mais il demeure trop archaïque. Il évalue les investissements et les coûts d'exploitation d'un véhicule électrique mis entre les mains d'un utilisateur, pour aboutir à la conclusion que c'est trop cher. Mais c'est le cas de toutes les nouvelles technologies lorsqu'elles apparaissent. Au lieu d'étudier globalement la mobilité durable en tenant compte de l'évolution des comportements, ce rapport n'étudie que l'objet voiture électrique. Or celui-ci va évoluer, s'éloigner de la voiture thermique électrifiée pour devenir un autre objet, comme cela s'est produit avec le téléphone portable.

- Les progrès des moteurs thermiques ne relativisent-ils pas l'intérêt environnemental de l'électrique ?

- Ces progrès sont réels et vont se poursuivre. C'est une bonne chose. Mais cela prendra du temps, car les améliorations les plus significatives ont déjà été réalisées. En dehors des émissions de CO2, le véhicule électrique élimine d'autres pollutions, notamment en milieu urbain. Dans certains pays dont la Chine, il permettra de s'affranchir de la dépendance au pétrole importé. Enfin, les services de mobilité durable annexes au véhicule sont plus faciles à mettre en place dans un environnement électrifié.

- Quels sont les enjeux pour la France ?

- Une bataille mondiale fait rage autour de la voiture électrique. La France a un passé de grand pays automobile et doit le rester. Les initiatives récentes vont dans le bon sens ; un plan gouvernemental cohérent sur le véhicule décarboné ; l'usine que Renault va construire à Flins pour conserver la maîtrise de toute la chaîne de valeur (moteur + batteries) ; les 50 millions d'euros promis par Nicolas Sarkozy pour déployer les infrastructures dans les communes volontaires... Mais pour que le soufflé ne retombe pas, il est important de savoir regarder loin.