Le bonus-malus écologique favorise... les diesels cancérogènes.

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  702  mots
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Le bonus-malus "vert" prime les véhicules à gazole qui émettent moins de C02. Mais les gaz d'échappement sont désormais classés parmi les « cancérogènes certains pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer, l'agence de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)...

La contradiction est flagrante. La lutte contre le C02 a consacré les moteurs diesel comme des champions de... l?écologie. En France, le contribuable a, en conséquence, largement financé les bonus « verts » pour primer des véhicules dont les gaz d'échappement sont désormais classés parmi les « cancérogènes certains pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer, l'agence de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Las. Certes, l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) s'est déclarée surprise par l'annonce, ajoutant que l'industrie automobile devrait "étudier les données de l'enquête dans le moindre détail". Une nouvelle polémique qui n'est pas près de s'éteindre. 

Particules nocives

Il n'empêche. Favorisé par une politique fiscale avantageuse, le moteur diesel s'est fortement développé en Europe, notamment en France: il équipe près de 60% du parc automobile aujourd'hui, contre à peine plus du quart en 1995. Réputé plus sobre et donc permettant de réduire la facture pétrolière, tout en générant moins de gaz à effet de serre au kilomètre, le moteur à gazole émet des? particules nocives. Celles-ci, générées aussi par le chauffage au bois et l'industrie, seraient en France à l'origine de quelque 42.000 morts prématurées chaque année, selon le ministère de l'Ecologie.

Bonus pour le diesel, malus pour l'essence

Décidément, l'écologie est un domaine complexe, parfois contradictoire, et les effets de manche politico-médiatiques sont plus simples à réaliser que les vraies évaluations à long terme! Aujourd?hui donc, en France, le paradoxe veut que  tout acheteur d?une Citroën C3 diesel e-HDi reçoive ainsi une prime de 400 euros. Et ce, alors que celui d?une version à essence équivalente, qui n?émet aucune particule, ne perçoit rien. Une compacte Volkswagen Golf de 140 chevaux diesel n?est pas pénalisée, mais la même en essence (120 chevaux seulement) est frappée de 200 euros de taxe. Pis : une Renault Clio à gazole de 105 chevaux est dans la zone neutre du bonus-malus. Mais, la version à essence de puissance équivalente (110 chevaux) écope carrément de 750 euros de malus! Aïe. Fâcheux, alors que, le dispositif de bonus-malus a pesé pour 1,2 milliard d'euros sur le budget français !

Moins de particules, plus de C02

Exemple flagrant de? ce paradoxe : Toyota a mis au point un diesel , le « D-CAT » permettant de traiter une partie des oxydes d?azote (N0x) particulièrement nocifs et des particules. Ainsi, son moteur « D-CAT » de 150 chevaux émet 109 milligrammes de N0x au kilomètre seulement, contre 155 pour le même moteur diesel dépourvu de ce système. En ce qui concerne les particules, c?est 10 milligrammes au kilomètre pour la « D-CAT », contre 15 pour la mécanique la plus « sale » pourtant équipée d?un filtre à particules. Soit dit en passant, le filtre à particules, dont PSA fut le promoteur, ne résout donc pas entièrement le problème ! Seulement voilà, ce système perfectionné de dépollution entraîne une hausse de la consommation et donc des émissions de C02... d?une vingtaine de grammes ! Le moteur à gazole le plus propre est donc pénalisé sur la berline familiale Avensis par un malus de 1.000 euros supplémentaire par rapport au plus « sale » ! Un comble.

Hybride-essence, le meilleur compromis

Un moyen de combattre le C02, les polluants et les particules à la fois, c?est le recours à... l?hybride essence. Une technologie qui permet de jouer sur tous les tableaux. Mais elle est chère et complexe. Et, difficile de convaincre un client, uniquement soucieux de sa consommation, alors même que le diesel est intrinsèquement moins cher pour le constructeur !  Ford commercialisera d'ailleurs en juin une berline compacte diesel Focus qui ne rejettera que 88 grammes de C02. Un record et... un gramme de moins, symboliquement, que la célèbre Toyota Prius hybride comparable, autrement plus onéreuse ! Les futures normes Euro VI pourraient toutefois remettre les pendules à l'heure. Elles vont en effet renchérir les moteurs diesel (certains évoquent un surcoût de 1.000 euros)? et donc redonner une chance non négligeable aux moteurs à essence... et hybrides ! Le match continue.