Renault : le DG veut accélérer, le PDG freine

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  719  mots
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Les deux Carlos à la tête de Renault ne sont pas sur la même longueur d'onde. Carlos Tavares, le directeur général délégué, veut créer de nouvelles marques, l'une dédiée au haut de gamme, l'autre au sport. Mais Carlos Ghosn, le PDG du groupe, reste beaucoup plus circonspect,

L'un pousse fort, l'autre freine. Les deux Carlos à la tête de Renault ne sont pas sur la même longueur d'onde. Carlos Tavares, le directeur général délégué et numéro deux de Renault,  veut créer de nouvelles marques, l'une dédiée au haut de gamme, une autre au sport. Mais, Carlos Ghosn, le PDG du groupe au losange - et de son partenaire Nissan -  reste beaucoup plus circonspect, selon nos informations. Carlos Ghosn estime en effet que, avant d'évoquer la création de nouvelles marques, il faut clairement définir une politique produits, élaborer une gamme avec plusieurs modèles - et non un seul -,  créer une identité spécifique au niveau design. Un travail qui est loin d'avoir été fait chez Renault à ce stade. Le PDG juge également qu'il faut, avant toute annonce, élaborer une stratégie commerciale complète: qui diffusera ces marques spécialisées? Faut-il écouler les modèles à travers un réseau séparé, un espace dédié dans les concessions Renault? Bref, avec autant d'inconnues, Carlos Ghosn trouve que Carlos Tavares va un peu vite en besogne. 

"Premium" et sport

Enthousiaste, ce dernier a confirmé jeudi sa volonté de compléter l'offre actuelle du groupe par deux nouvelles marques, une dédiée aux véhicules "premium" et l'autre aux voitures sportives. "Nous y travaillons", a indiqué Carlos Tavares en ce qui concerne le label "premium" lors d'un congrès automobile à Monaco. Le nom d'"Initiale Paris" est évoqué. Ce label, timidement utilisé aujourd'hui sur des versions "huppées" de modèles de grande consommation (Twingo, Clio, Latitude...), deviendrait, s'il était retenu, une marque à part entière, comme Infiniti pour le japonais Nissan.

Une berlinette à l'horizon

"Avec un peu de chance, nous aurons une marque sportive qui manifestement sera basée sur la marque Alpine", a précisé par ailleurs ce passionné de sport automobile. Carlos Tavares avait indiqué en mai dernier qu'une décision sur la relance de la marque Alpine serait prise "avant la fin de l'année", avec "un seul modèle pour commencer" . Pour célébrer les 50 ans de la célèbre berlinette vainqueur en championnat du monde des rallyes au début des années 70, Renault a dévoilé le mois dernier un "concept" baptisé Renault Alpine A110-50. Ce véhicule de salon arbore une carrosserie très agressive et originale en carbone de couleur bleue, qui réinterprète le fameux « bleu Alpine ». Fruit du savoir-faire de Renault Sport Technologies, le "concept" Renault Alpine A110-50 "s'imprègne de la compétition", affirme le constructeur au losange. La voiture dispose d'un moteur puisé chez l'allié nippon Nissan, un V6 3,5 litres en position centrale arrière, qui développe 400 chevaux. Officiellement, il ne s'agit que d'un exercice de style.

Pas pour tout de suite

De toute façon, en dépit de ces annonces répétées, la création de ces marques par Renault ne serait pas... pour tout de suite. La commercialisation d'un véhicule du label sportif interviendrait  d'ici "trois à cinq ans", avait récemment précisé Carlos Tavares. Et aucun délai n'a été donné publiquement pour le label haut de gamme. La future voiture de luxe, prévue sur udes modules Mercedes et qui pourrait recevoir ce logo, arrivera dans la deuxième partie du plan de Renault, c'est-à-dire entre 2014 et 2016.  Pas avant. 

Rude gageure

Le très, très lent démarrage d'Infiniti, marque de luxe de Nissan, en Europe ( 12.500 unités l'an passé à peine), montre toutes les difficultés qu'il y a à imposer un label nouveau, inconnu et donc a priori  peu crédible, sur un créneau où règnent en maîtres  les constructeurs allemands dont la réputation n'est plus à faire. Pourtant implanté depuis 1990 en Europe, Lexus, le label haut de gamme de Toyota, n'a écoulé pour sa part que 43.600 unités en 2011 (3.000 seulement  en France) à travers un réseau spécifique (une  trentaine de points de points de vente dans l'Hexagone). Et ce, malgré sa très forte spécificité technologique, à savoir les motorisations hybrides. Bref, c'est une rude gageure. Et n'oublions pas qu'Infiniti et Lexus font le gros de leurs volumes... aux Etats-Unis où le groupe Renault n'est pas implanté!