Quand Montebourg s'attaque indirectement à GM, allié de PSA, et à Renault

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  991  mots
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Le gouvernement français demande une mise sous surveillance de l'accord de libre-échange Europe-Corée sur l'auto. Il incrimine une forte augmentation des importations coréennes. Paradoxe: GM, allié de PSA, et Renault vendent des voitures produites en Corée.

Le gouvernement français a transmis ce vendredi à la Commission européenne une "demande de mise sous surveillance des importations de véhicules en provenance de Corée du sud ", a indiqué le ministère du Redressement productif. Une procédure, annoncée mercredi 25 juillet par le ministre Arnaud Montebourg. L'accord de libre échange entre l'Union européenne et la Corée est entré en vigueur le 1er juillet 2011. Cette demande du gouvernement français "fait suite à la progression très importante des importations en France de véhicules de tourisme coréens", précise le ministère.

Un dommage dur à prouver

Pour pouvoir mettre un tant soit peu en cause cet accord, la France va devoir démontrer que les importations de voiture sud-coréennes sont dommageables à l'industrie automobile européenne et apporter la preuve que les dommages invoqués ont un lien direct avec les importations de voitures en provenance de Corée dans le cadre de l'accord de libre échange. Ca ne va pas être facile !  Et ce, d'autant que le constructeur Hyundai-Kia produit des véhicules en République tchèque et Slovaquie, une production qui n'est évidemment pas concernée par l'accord de libre échange. Plus de la moitié des presque 400.000  Hyundai et Kia immatriculées dans  l'Union européenne au premier semestre provenaient d'usines en République tchèque, Slovaquie ou Turquie. Le consortium Hyundai-Kia n'est  toutefois pas seul en cause. 

GM, allié de PSA, et Renault importent de Corée

Il y a un autre gros importateur de Corée... c'est l'américain GM ! La quasi-totalité des 103.000 voitures immatriculées dans l'Union au premier semestre par GM sous la marque Chevrolet étaient bel et bien produites... en Corée !  Indirectement, le gouvernement français part donc en guerre contre GM, l'allié et l'actionnaire (à hauteur de 7%) du groupe tricolore PSA ! Mais Arnaud Montebourg  s'attaque également aux... intérêts de Renault, dont l'Etat détient 15% du capital. Le groupe au losange, implanté industriellement en Corée à travers sa filiale RSM, importe en effet en Europe des 4x4 Koleos (8.650 vendus en Europe au premier semestre, dont 3.700 en France) et des grandes berlines Latitude ( 1.514 écoulées en six mois sur le Vieux continent, dont 800 en France). Soit 10.000 Renault au total (entre janvier et juin 2012) qui ont été fabriquées effectivement en Corée. Joli paradoxe !

Abaissement des barrières

L'accord de libre-échange européo-coréen prévoit qu'une "augmentation soudaine des importations dans un ou plusieurs États membres de produits appartenant à un secteur sensible, dont l'automobile, doit être notifiée à la Commission qui s'en saisit dans les meilleurs délais". Et ce, afin "d'envisager les nouvelles dispositions à prendre si les relations commerciales s'avèrent trop inégales". Les tarifs douaniers pour les petites voitures étaient de 10% avant l'entrée en vigueur de l'accord. Ils sont tombés à 8,3% à partir du 1er juillet 2011, puis à 6,7% au 1er juillet 2012 et ils doivent être à 0% en 2016. Pour les voitures de moyenne et  grosse cylindrée, le tarif douanier a été réduit à 4% depuis le 1er juillet dernier.

Disproportion flagrante

"Sur les mois de janvier et février 2012, la hausse (des importations de voitures coréennes en France) est en moyenne de 50% par rapport à la même période de l'année précédente", souligne le ministère du Redressement productif. Le gouvernement  incrimine les " segments des véhicules à moteur diesel, notamment les petites cylindrées". Sur les deux premiers mois de 2012, les exportations de véhicules du Vieux continent vers la Corée ont chuté de 13% à 12.105 unités (par rapport à janvier-février 2011). Dans le même temps, l'Union européenne a importé 79.935 véhicules de Corée, en hausse de 78% ! Et ce, selon les statistiques douanières coréennes. La disproportion est flagrante. Sur une plus longue période, entre juillet 2011, date de la signature des accords, et fin février 2012, l'industrie auto coréenne a accru de 77% ses exportations vers l'Europe (en comparaison de la même période un an auparavant) à 303.557 véhicules... Six fois plus que le nombre de voitures européennes entrées dans la péninsule coréenne.

Fiat et Volkswagen s'insurgent

Sergio Marchionne, administrateur délégué de Fiat et président de l'ACEA (Association des constructeurs européens), a souvent critiqué cet accord de libre-échange, totalement inégal, puisque la Corée importe très peu de véhicules. Les marques étrangères toutes ensemble s'octroient moins de 2% du marché coréen. Hyundai-Kia et ... Chevrolet détenaient en revanche 7,4% du marché de l'Union européenne au premier semestre. Christian Klingler, membre du directoire du groupe Volkswagen en charge des ventes, affirmait récemment à quelques journalistes français : "ce traité signé par Bruxelles est-il intelligent ? Probablement pas. Il ne faut plus qu'on refasse ce qu'on a fait  avec la Corée. Bruxelles ne peut pas ne pas défendre le tissu industriel européen". Concernant les traités actuellement en négociation avec le Japon et l'Inde, Christian Klingler assénait : " il ne faut rien signer sans réciprocité.  En Corée, quand vous achetez un véhicule de marque étrangère, vous subissez aussitôt un contrôle fiscal...".

Barrières non tarifaires en Corée

La Corée "maintient des barrières non tarifaires comme des normes de sécurité et d'anti-pollution spécifiques. Cela oblige à modifier les véhicules que nous vendons en Corée. Le surcoût est acceptable pour un haut de gamme mais pas pour un modèle de grande série. Cela renchérit le coût de la voiture", surenchérit-on chez Ford Europe. Et ce, alors que les normes européennes sont reconnues (presque) partout dans le monde, y compris en Russie ou en Chine. Mais pas au Japon, en Inde ou aux Etats-Unis. Il y a aussi les barrières... non avouées. « Les flottes gouvernementales ou para-gouvernementales, qui représentent 50% du marché, n'achètent jamais de voitures importées », précise Ford Europe.