A part l'Alliance Renault-Nissan, les constructeurs auto sont sceptiques sur l'électrique

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  927  mots
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Ford ou Volkswagen prévoient que les véhicules électriques ne dépasseront pas 2 à 3% du marché total à moyen terme. Les constructeurs misent de plus en plus sur l'hybride rechargeable.

A part l'Alliance Renault-Nissan, le scepticisme domine chez les constructeurs automobiles mondiaux sur le véhicule électrique. Toyota, le grand pionnier de l'hybride, a certes lancé la première voiture "zéro émission", un 4x4 Rav 4, l'été dernier... en Californie. Et une petite iQ Ev arrivera en décembre 2012... au Japon et aux Etats-Unis. Mais aucune date n'a encore été avancée pour l'Europe.  Chez Volkswagen, la "mini" e-Up est prévue pour 2013. Elle sera suivie fin 2013-début 2014 par la Golf électrique. En fin d'année prochaine, BMW mettra également sur le marché son i3. Quant à Ford, il a déjà commercialisé un  utiltaire "zéro émission"... qu'il vient toutefois de retirer de la vente. L'américain prévoit cependant une compacte Focus non thermique pour le milieu de l'an prochain.

2 ou 3% du marché

Seulement, voilà : les constructeurs ont beau annoncer des modèles électriques dans leurs gammes, ils n'y croient pas trop. "L'électrique, ça pèsera 3% du marché, c'est tout", prévient Ulrich Hackenberg, Directeur de la recherche et du développement de Volkswagen. "Le démarrage du véhicule électrique est plus lent que prévu. Ca n'a rien à voir avec les aides publiques à l'achat. Dans les pays où il y a de fortes incitations, ça ne démarre pas plus vite. Le problème, c'est que le consommateur veut de l'autonomie", renchérit Wolfgang Schneider, Vice-président de Ford Europe en charge de l'environnement, selon lequel les voitures électriques devraient représenter "plutôt 2% du marché mondial en 2020".

On est donc loin des 10% escomptés initialement par l'Alliance Renault-Nissan. Il est vrai que celle-ci table plutôt désormais sur 7-8% . Même le double PDG, Carlos Ghosn, est devenu dernièrement plus prudent. "On ira peut-être moins vite que prévu. L'absence d'infrastructures est un frein au développement ", reconnaissait-il fin septembre dans le cadre des journées professionnelles du Mondial de l'automobile parisien.

0,2% des ventes totales en France

Dès lors, les constructeurs misent de plus en plus sur la technologie hybride (thermique-électrique), qui ne change quasiment pas les habitudes de conduite des automobilistes. Et ce, alors que l'électrique reste fondamentalement bridé par une autonomie réduite d'une centaine de kilomètres au maximum. Or, il faut 8 à 10 heures... pour une recharge complète sur une prise normale. La peur de la "panne sèche", catastrophique puisque l'on est immobilisé pendant des heures, liée à des investissements très insuffisants des pouvoirs publics dans les bornes de recharge, est un frein rédhibitoire. 

PSA, qui fut le premier en Europe à mettre en vente des  modèles électriques - conçus et produits par le japonais Mitsubishi - n' a enregistré qu'un peu moins de 7.000 commandes de Peugeot Ion et Citroën C-Zéro en Europe entre janvier et fin septembre 2012. En encore est-ce dû en partie à des offres promotionnelles canon pour écouler les stocks. Dans le même temps, PSA a pris près de 18.000 commandes pour ses véhicules hybrides diesel 3008, 508 et DS5. Et ce n'est ici qu'un début!

En France, il s'immatricule (tous constructeurs confondus) cinq fois plus d'hybrides (sur le premier semestre) que d'électriques. Soit respectivement 10.000 unités contre 2.270. Dans les électriques, il y a d'ailleurs beaucoup de véhicules pour des services d'autopartage. L'électrique ne représente que 0,2% du marché français, l'hybride 1%.

La solution: l'hybride rechargeable

Problème de l'hybride: il réduit certes les consommations et donc les émissions de C02 corrélées, mais fonctionne... à l'essence ou au gazole. Il ne consomme pas d'autre énergie électrique que celle des... batteries. C'est donc, fondamentalement, un véhicule thermique avec l'appoint d'un moteur électrique. Et, en règle générale, les réductions de consommations restent limitées. Les faibles émissions de C02 affichées officiellement sont dues en particulier à des cycles d'homologation purement théoriques, qui... favorisent outrageusement les hybrides sur le papier. Ce n'est donc pas la solution pour rouler en "zéro émission" au-delà de deux ou trois kilomètres au grand maximum. C'est pour cela que les constructeurs développent désormais des hybrides rechargeables, qui combinent un moteur thermique (essence ou diesel) et un moteur électrique avec des batteries rechargeables sur une prise. Le véhicule jouit dès lors d'une autonomie normale de véhicule thermique classique et de l'apport de quelques dizaines de kilomètres en électrique pur.

Toyota vient ainsi de commercialiser, en juin dernier en Europe, une version rechargeable de sa célèbre Prius. Volvo commercialisera sa V60 hybride-électrique "Plug In" à la fin de l'année. Chez Volkswagen, qui aura lancé en 2012 des versions hybrides de ses Jetta, Audi A6 et A8, prépare pour 2014 une Golf hybride rechargeable. "Il y a un gros potentiel", indique Ulrich Hackenberg. Ford proposera un monospace C-Max rechargeable début 2013 outre-Atlantique et en 2014 sur le Vieux continent.

Sempiternel problème : ces technologies tant vantées par le gouvernement socialiste français, sont très, très onéreuses. La Prius hybride rechargeable de Toyota est à...  partir de 37.000 euros soit 9.000 de plus que la Prius hybride (28.000 euros). La Ford C-Max rechargeable est, aux Etats-Unis à 32.950 dollars (hors taxes), soit 7.750 de plus que le même modèle en hybride simple. D'où le recours à des aides d'Etat, indispensables pour amortir le surcout. Mais ces aides cesseront du jour où ce marché, très faible aujourd'hui, prendra de l'importance. Et ces super-bonus entraînent comme corollaire des malus extrêmement pénalisants pour de simples familiales classiques à essence, beaucoup moins chères et donc populaires.