Chrysler refuse de rappeler 2,7 millions de Jeep après 51 décès

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  647  mots
Jeep Grand Cherokee 1995 Copyright
Chrysler est en désaccord avec l'agence de sécurité routière aux Etats-Unis, la toute puissante NHTSA, qui lui demande de rappeler... 2,7 millions de Jeep ayant été impliquées dans des accidents mortels. 51 décès ont été répertoriés.

Chrysler est en désaccord avec l'agence de sécurité routière aux Etats-Unis, la toute puissante NHTSA, qui lui demande de rappeler... 2,7 millions de  Jeep à cause d'accidents mortels censément provoqués par des incendies de réservoirs. L'agence a publié lundi une lettre demandant au constructeur américain de rappeler "des Jeep Grand Cherokee de 1993 à 2004, ainsi que des Jeep Liberty (Cherokee en Europe) de 2002 à 2007, explique Chrysler dans un communiqué. "Chrysler collabore et transmet des données à la NHTSA sur ce sujet depuis septembre 2010. L'entreprise n'est pas d'accord avec les conclusions de la NHTSA et n'a pas l'intention de rappeler les véhicules concernés", indique le communiqué. Un conflit risqué.

51 décès

Dans cette lettre obtenue mardi par l'AFP, la NHTSA indiquait que, après une enquête informelle ouverte en 2010, elle avait lancé il y a un an une enquête formelle, cette fois, concernant la sécurité des réservoirs à essence des véhicules en question "en cas de collision arrière". Cette enquête aurait  "révélé de nombreux cas de décès et blessures liés à des incendies" du réservoir. La NHTSA demande "par conséquent à Chrysler de rappeler ces véhicules". L'agence affirme avoir connaissance d'au moins 32 accidents avec impact par l'arrière ayant entraîné un incendie du réservoir sur des Grand Cherokee, des collisions ayant fait "44 morts". S'ajoutent  "au moins cinq accidents mortels lors de collisions par l'arrière sur des Jeep Liberty ayant entraîné 7 décès". Un porte-parole de Chrysler interrogé par l'AFP a évoqué pour sa part 21 décès liés à des accidents sur des véhicules en relation avec l'enquête de la NHTSA.

Chrysler se rebiffe

"Nous estimons que les conclusions initiales de la NHTSA sont fondées sur une analyse incomplète des données sous-jacentes et sommes décidés à continuer à travailler avec l'agence gouvernementale pour résoudre ce désaccord", poursuit Chrysler, qui se dit  "sûr de la qualité de ses véhicules". Ceux-ci "ne présentent pas de défauts et leur système d'alimentation en carburant ne pose pas de risque déraisonnable lors de collisions avec impact par l'arrière". Le groupe contrôlé par Fiat ajoute que  "les incidents cités par la NHTSA sont extrêmement rares et ne représentent qu'une petite fraction du nombre total de collisions mortelles".

Réponse de l'agence

Pas convaincu, le directeur de la NHTSA, David Strickland, a répondu aussitôt  que les données dont dispose la NHTSA "montrent que ces véhicules peuvent contenir un défaut qui présente un risque déraisonnable" pour la sécurité à bord. La NHTSA espère donc que "Chrysler va reconsidérer sa position et prendra des mesures pour protéger ses clients et l'ensemble" des automobilistes. En cas de désaccord persistant, l'agence pourra initier une procédure, qui passera par des auditions publiques au cours desquelles l'agence gouvernementale et le constructeur présenteront leurs arguments et où des associations de consommateurs et autres groupements d'intérêt pourront intervenir. La décision finale d'ordonner ou non un rappel reviendra alors à l'administrateur de la NHTSA.

Dévastateur pour Toyota

Ces enquêtes et rappels liés à des accidents mortels peuvent être dévastateurs. On se souvient de l'épidémie des millions de rappels en 2009-2010  effectués par le japonais Toyota, lequel avait tardé initialement à réagir. La contre-publicité a été terrible. Les ventes de Toyota ont plongé et le groupe a pâti pendant des années d'une mauvaise image qui lui a coûté  horriblement cher. Pourtant, in fine, la NHTSA avait blanchi le constructeur des accusations portées contre lui. Beaucoup d'observateurs à l'époque avaient vu dans cet acharnement contre Toyota une démonstration nationaliste, alors que GM et... Chrysler étaient au bord de la banqueroute.