Toyota remplace les robots par... des hommes

Par R.R.  |   |  579  mots
En remplaçant ses robots par des êtres humains sur 100 postes de travail, Toyota a réduit ses gaspillages de 10% dans la production de vilebrequins. (Photo : Reuters)
Toyota expérimente dans l'une de ses usines au Japon le remplacement de certaines machines par des hommes, pour gagner en efficience et en qualité. L'expérience semble concluante.

Voilà de quoi faire sourire Charlie Chaplin, le célèbre auteur et acteur du film Les Temps Modernes. Le numéro un mondial de l'automobile, Toyota, a décidé d'inverser le sens du progrès en se passant en partie des machines pour les remplacer par... des hommes. C'est ce que raconte l'agence Bloomberg sous un titre évocateur : "Les Dieux sont de retour chez Toyota, des Humains volent leurs emplois à des robots".

"On ne peut simplement dépendre des machines"

La méthode peut surprendre. Car le secteur automobile est au contraire particulièrement connu pour sa rapide automatisation durant les Trente Glorieuses et par la suite. Durant cette période, bon nombre d'emplois ont été détruits au nom du progrès. Le Japon, où a actuellement lieu l'expérience Toyota, est même particulièrement réputé pour ses robots industriels : c'est le deuxième pays le plus robotisé derrière la Corée-du-Sud. Mais pour le chef du projet, Mitsuru Kawai, la marche s'inverse : désormais, l'avenir, ce sont les hommes.

"On ne peut pas simplement dépendre des machines qui répètent inlassablement les mêmes gestes, encore et encore", justifiait l'homme à Bloomberg. "Pour être le maître de la machine, vous devez avoir la connaissance et les compétences pour apprendre à la machine".

Toyotisme revisité

Derrière cette explication philosophique, s'en cache en réalité une autre. On ne devient en effet pas numéro un mondial de l'automobile, surtout en période de crise de la demande, sans un certain sens de l'économie. Sens de l'économie qui caractérise le géant japonais, fondateur à lui tout seul d'un mode de production à flux tendus : le Toyotisme.

Aujourd'hui, l'idée des dirigeants de la firme japonaise est double. Tout d'abord, s'assurer que les travailleurs comprennent vraiment la tâche qu'ils sont en train d'accomplir plutôt que de nourrir la machine, à la manière des ouvriers dans le cinéma muet des années 1920, et n'être d'aucune utilité lorsqu'elle se brise ou s'emballe. Ensuite, ils veulent leur redonner l'initiative individuelle afin que le processus de production puisse sans cesse être amélioré. Un retour aux vieilles antiennes du Toyotisme, selon Mitsuru Kawai.

Expérience concluante

En fait, plutôt que d'avoir une horde de travailleurs moyens, les robots, Toyota veut voir émerger des talents parmi les hommes. Et cela porte ses fruits. Jusque là, le remplacement de robots par des êtres humains à cent postes de travail a permis de réduire les gaspillages de 10% dans la production de vilebrequins et de raccourcir la chaîne de montage. Les coûts ont même été réduits dans la fabrication des châssis, et la production des arbres de direction a été améliorée.

Ce qui confirmerait la thèse du professeur de l'Université George Mason de Washington D.C., Tyler Cowen, qui explique dans un ouvrage intitulé "Le moyen est mort", que les emplois et les profits à venir bénéficieront à ceux qui peuvent travailler et améliorer les machines.

C'est en tout cas un pari audacieux que fait là Toyota, numéro un mondiale certes, mais talonné par le groupe allemand Wolksvagen. Le constructeur japonais a par ailleurs annoncé il y a peu une augmentation des salaires de ses employés afin de soutenir la demande intérieure japonaise. A croire que le numéro un mondial du secteur se veut le spécialiste de démarches contre-intuitives.