La Citroën Traction avant, pionnière des voitures modernes

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1018  mots
759.123 exemplaires de la Traction, dont 88.000 de 1934 à 1941, sortiront des chaînes de production. | REUTERS (Crédits : DR)
[Les grandes innovations automobile 1/5] En 1934, Citroën lançait la Traction, qui allait révolutionner l’automobile. Avec une tenue de route époustouflante. La presque totalité des voitures actuelles ont les roues antérieures motrices, à l’exemple de la fameuse ancêtre.

Il y a 80 ans, Citroën lançait  la "7 A", celle que le public baptisa vite "Traction avant", avec son architecture révolutionnaire. Une innovation majeure, qui allait bouleverser l'industrie automobile mondiale!

>>> Voir aussi le DIAPORAMA Les 80 ans de la "Traction Avant"

En 1934, la concurrence prenait d'un coup dix à vingt ans de retard. C'était en effet la première voiture de série avec les roues avant motrices, une technique que presque tous les véhicules allaient massivement emprunter à partir des années 60-70. Rarement une voiture a cumulé autant de sauts technologiques...  Seule sa remplaçante, la DS 19 de 1955 à suspension hydropneumatique avec boîte de vitesses semi-automatique, fera aussi bien, voire mieux ! Lorsqu'elle est présentée à la presse le 18 avril 1934, le quotidien L'Auto  affirme alors, enthousiaste: "elle est si neuve, si audacieuse, si riche en solutions originales, si différente de ce qui a été fait, qu'elle mérite l'épithète de sensationnelle".

Tenue de route inégalée pour l'époque

Au programme: une tenue de route inégalée avec des roues indépendantes et même des freins hydrauliques; qui en feront la reine de la route et pour cela la future favorite de la Gestapo ainsi que de la Résistance, avant de devenir celle du fameux Gang des Tractions après la guerre, car elle permettait de fuir très vite dans des conditions de sécurité incroyables. A l'heure où les autres voitures étaient extrêmement dangereuses en ligne droite comme en virage.

Mais tout ne fut pas rose dans sa gestation. La Traction explore tellement de voies nouvelles, avec une durée de gestation ultra-courte, que... sa fiabilité sera déplorable durant des années. Et encore a-t-on échappé à la boîte automatique qui, pas au point, fut in fine remplacée par une transmission manuelle hâtivement bricolée. Le projet aura d'ailleurs été si flamboyant, avec d'énormes investissements à l'usine du quai de Javel à Paris, que Citroën sera mis en liquidation judiciaire...  Pourtant, après une reprise de la firme par Michelin, la Traction constituera un succès, et ce, en dépit de la guerre. Elle sera produite, au cours de ses vingt-trois années d'existence, sous diverses versions, "7", "11" et enfin "15 Six cylindres" capable d'une vitesse de 135 à l'heure. 759.123 exemplaires, dont 88.000 de 1934 à 1941, sortiront de chaîne. Une production assurée au quai de Javel, mais aussi à  Slough en Angleterre, Forest en Belgique et Cologne en Allemagne.

Au Salon de Paris de 1934, Citroën ne se contente pas de sa "7". Il présente même le prototype d'un cabriolet Traction Avant de sport, la "22"  à moteur 8 cylindres, annoncé comme la voiture la plus sûre et la plus rapide du monde. Mais celle-ci, trop ambitieuse, restera hélas à l'état de prototype. Toutefois, une version cabriolet mue par des moteurs plus modestes, aujourd'hui  très recherchée des collectionneurs, sera tout de même produite avant la guerre. Cette Traction, que le général de Gaulle appréciera particulièrement, terminera sa carrière en étrennant entre 1954 et 1957 la suspension hydropneumatique, qui fera le succès de  la DS 19. 

 La DS 19 sera à son tour la voiture tenant le mieux la route du monde jusqu'au début des années 70 | CC

La Mini anglaise adoptera traction avant et moteur transversal

Malgré une direction très dure qui persistera au fil des années, cette Traction marquera le début d'une série de Citroën, dont chaque nouveau modèle constituera en lui-même une révolution. Etudiée juste avant la guerre, la populaire 2CV, un parapluie sur quatre roues comme on disait à l'époque, reprendra le principe de la traction avant. La "deuche" sera produite entre 1948 et 1990 à plus de 5 millions d'unités. La DS 19, qui sera à son tour la voiture tenant le mieux la route du monde jusqu'au début des années 70, durera, elle, vingt ans, de 1955 à 1975 (avec sa version simplifiée ID 19). A la clé: 1,3 million d'unités.

Si la Traction puis la 2CV et la DS 19 ont été de formidables innovatrices, Citroën sera bientôt rattrapé. Car, en 1959, le consortium britannique BMC sort, sous la houlette de l'ingénieur Sir Alec Issigonis, celle qui deviendra la fameuse Mini à traction avant avec moteur transversal - et non plus en long - pour laisser le maximum de place aux occupants dans un gabarit le plus faible possible (à peine plus de 3 mètres de long). Entre 1959 et 2000, date de l'arrêt de production de la cette première Mini, la voiture sera  fabriquée à 5.3 millions d'exemplaires dans ses nombreuses versions et sous divers labels (Austin, Morris, Wolseley, Riley, Van den Plas, puis Mini). 

La Mini de 1959 sera fabriquée à 5.3 millions d'exemplaires, et servira de modèle à toutes les petites voitures actuelles. | REUTERS

Le modèle de toutes les petites voitures 

L'architecture de la Mini sera... notamment reprise par la berline Peugeot 204 en 1965, première traction avant de la firme au lion qui sera plusieurs années durant la voiture la plus populaire dans l'Hexagone. Toutes les petites voitures ainsi que l'ensemble des compactes d'aujourd'hui - sauf les BMW Série 1 - doivent leur conception au génie d'André Citroën puis de Sir Alec Issigonis !         

La Peugeot 204 de 1965, à l'architecture inspirée de la Mini anglaise. | CC

Les japonais les plus conservateurs comme Toyota et les américains seront les derniers à se rallier à la traction avant. Mais ils le feront en masse dans les années 80. Leurs voitures, à la tenue de route jusque là totalement aléatoire, deviendront enfin sûres. Même BMW, fidèle à la propulsion (roues arrière motrices), basculera à la rentrée prochaine pour son premier monospace compact, la Série 2 Active Tourer, laquelle préfigure les futures berlines 1 à roues avant motrices ! Il ne reste plus quasiment aujourd'hui que les modèles de gamme supérieure des constructeurs spécialistes du haut de gamme qui restent à propulsion. Pour plus de sportivité. L'électronique permet d'ailleurs aujourd'hui de juguler les dangereuses dérives des propulsions traditionnelles. Mais ça reste l'exception dans l'océan de la production automobile mondiale !