Dieselgate : un scandale vu et revisité par une députée européenne

Par Nabil Bourassi  |   |  679  mots
Karima Delli, député EELV et présidente de la commission Transport du parlement européen (Crédits : karimadelli.com)
C'était une déflagration. Pas seulement pour l'industrie automobile, mais également pour les institutions européennes. Dans "Dieselgate, repenser la mobilité sans diesel" (*), coécrit avec Xavier Maurel, Karima Delli, députée et présidente de la commission Transport du Parlement européen, raconte, de l'intérieur, le traitement par l'Union européenne de l'immense scandale des moteurs truqués par Volkswagen survenu en septembre 2015.

Au-delà de l'opportunité de tordre le coup à une technologie que sa sensibilité (Europe Ecologie Les Verts) tente depuis des lustres de neutraliser, le livre que publie la députée européenne Karima Delli sur le dieselgate a surtout été l'opportunité de remettre les constructeurs automobiles dans leurs véritables positions : celle d'accusés puis de coupables, en lieu et place de celle de lobbyistes et d'interlocuteurs de l'ombre des plus hautes instances institutionnelles européennes.

Pour Karima Delli, rien n'a été moins sûr face aux pressions indirectes et les chantages à l'emploi infligés par cette industrie. « On constate, dans le fonctionnement de l'Union, que de nombreuses forces contradictoires s'affrontent, et qu'elles n'œuvrent pas toutes dans le sens de l'intérêt général », écrit-elle.

« Pendant des semaines, la Commission européenne et les États membres se font remarquer par leur silence », dénonce la députée européenne avant d'ajouter avoir été « consternée par le manque de soutien » reçu « y compris de la part de la plupart de (ses) amis politiques ».

Une commission accouchée aux forceps

Et de raconter les conditions ubuesques qui ont permis d'accoucher aux forceps d'une simple commission d'enquête du Parlement européen au sujet d'un des plus grands scandales industriels de ces 20 à 30 dernières années, et qui a coûté plus de 20 milliards d'amende aux États-Unis, et trois fois rien de ce côté-ci de l'Atlantique.

Une fois cette commission créée, Karima Delli n'est pas au bout de ses surprises et découvre les manœuvres, selon elle, imaginées par les lobbyistes afin d'entraver la manifestation de la vérité. De la commission Royale et son « rapport lacunaire » au député Letton Arturs Krisjanis Karins (PPE, le grand parti de droite au Parlement européen), et les arrangements sur les objectifs de CO2 qu'il est possible de dépasser de 50%, ce qu'elle appelle « le permis de polluer »... Cet essai égrène dans le menu détail les couleuvres avalées par la députée écologiste.

Et de citer le député Letton, membre de la commission d'enquête : « Le PPE va tout faire pour éviter que cette commission devienne une chasse aux sorcières contre l'industrie, contre les technologies du diesel, dans lesquelles l'Europe a un avantage compétitif dans le monde », aurait-il ainsi déclaré avant de nuancer, toujours cité dans le livre Dieselgate :

« Il n'est pas juste d'opposer l'industrie à l'environnement. L'Europe a besoin des emplois de l'industrie, et notre rôle est de permettre bien sûr que cela rencontre les besoins environnementaux ».

Face à ce tir de barrage institutionnel, Karima Delli réinvente le concept même de Dieselgate et intitule son chapitre 3 "du scandale Volkswagen au Dieselgate". D'après elle, le scandale n'est pas seulement celui d'un constructeur automobile qui a triché mais celui de la complicité des autorités européennes qui, par complaisance ou passivité, ont permis que ce scandale ait lieu. Et pis encore, celui d'avoir perpétué une certaine complaisance à l'égard de cette industrie. Une complaisance qu'elle dit avoir contemplé de l'intérieur.

Une écologie "populaire"

À quelques semaines des élections européennes où elle figure en cinquième place de la liste EELV, Karima Delli conforte son discours autour des mobilités. Elle livre ici un véritable manifeste politique au nom « d'une écologie populaire au service des plus fragiles ».

Des mobilités pour tous, des énergies alternatives, Dieselgate se veut aussi être force de propositions. Un quasi-programme politique. Elle rappelle ainsi son projet d'engager une fiscalité écologique pas seulement sur les voitures mais sur tout le secteur du transport « grand oublié de l'Accord de Paris », rappelle-t-elle à La Tribune. Pour Karima Delli qui ne craint pas d'être taxée de « khmer verte » et qui nie toute écologie punitive, le climat ne peut plus attendre, ni les milliers de morts précoces dû aux particules fines : transport routier, maritime ou aérien... Responsables, et coupables !

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Karima Delli a coécrit avec Xavier Maurel, "Dieselgate, repenser la mobilité sans diesel", Actes Sud, 122 pages, 19 euros.