L'affaire Volkswagen jette un froid sur les marchés

Par Nabil Bourassi  |   |  1296  mots
Les conséquences de l'affaire Volkswagen sur le marché est encore mal appréhendé par les analystes.
Le titre Volkswagen ne semble pas prêt à reprendre des couleurs tant les incertitudes pèsent sur l'issue du scandale déclenché par le constructeur. Dans une moindre mesure, c'est en fait tout le secteur qui risque d'être durablement impacté... Même si, à termes, des opportunités peuvent apparaître.

C'était jour de fête mercredi 30 septembre dans le monde de l'automobile. Les valeurs du secteur reprenaient des couleurs après l'annonce par le gouvernement chinois d'une série de mesures pour relancer son marché automobile. Ainsi, Renault a gagné 2,04% en cloture, tandis que PSA (plus exposé au marché chinois) a pris 6,41%. Même Volkswagen a terminé sur un gain inespéré de 2,68%.

Les prolongations d'un été meurtrier

Il faut dire que le secteur sort laminé d'un été meurtrier sur le front boursier, et qui, comme si cela n'avait pas été suffisant, s'est poursuivi avec un été indien tout aussi sanglant avec l'éclatement brutal du scandale Volkswagen, du nom de cette affaire de tricherie sur les émissions de polluants.

Et pourtant, l'année avait bien commencé, très bien même puisque le secteur grimpait de 40% sur les marchés. Mais, cette bonne humeur n'a pas résisté au retournement du marché chinois, qui s'est aggravé en juin et en juillet, avant de tourner à l'hystérie en août avec un plongeon généralisé de l'ensemble des marchés. C'est dans ce contexte de volatilité et de fébrilité extrême que l'affaire Volkswagen a porté le coup de grâce.

La débâcle boursière de Volkswagen est exceptionnelle. Le titre a fondu de 40% en une semaine, soit près de 35 milliards d'euros de capitalisation boursière partie en fumée. Une sanction impitoyable pour un groupe industriel qui garde pourtant des fondamentaux solides. Avec sa trésorerie de 21 milliards d'euros, ses bénéfices réguliers et conséquents (6,86 milliards de bénéfice au premier semestre), son internationalisation poussée qui le met à l'abri des effets cycliques, le géant de l'automobile, premier constructeur mondial au premier semestre, dispose de tous les atouts pour affronter cette crise. Mais pour les analystes, rien n'est moins sûr car personne n'est encore capable d'estimer le coût final de ce scandale.

Rupture de la confiance avec les investisseurs

"Il est difficile d'évaluer l'impact final dans les finances du groupe. Ce qui est certain c'est qu'une grande partie de la trésorerie et des bénéfices prochains du groupe vont servir à payer l'amende plutôt que des investissements", craint Dylan Baron, gérant actions chez Quilvest Gestion. Sans compter le risque d'une réputation ternie, qui fait peser de lourdes hypothèques sur les ventes à venir du groupe.

Mais, la rupture de confiance ne concerne pas seulement les autorités publiques et les consommateurs. Les investisseurs se sont sentis également trahis par Volkswagen. Ils ont été pris au dépourvu par cette affaire et ont subi la décote brutale du titre et du secteur.

"L'entreprise a perdu beaucoup de crédibilité et mettra du temps à reconstruire sa réputation auprès des investisseurs. Pour regagner la confiance, Volkswagen doit publier toutes les informations relatives au scandale et traiter de façon proactive les éventuelles amendes, réclamations judiciaires ou enquêtes criminelles. Matthias Müller doit non seulement régler le scandale des émissions mais aussi changer de façon radicale la culture d'entreprise de VW", préconise Stefan Bauknecht, directeur de la recherche action chez Deutsche Asset and Wealth Management, filiale de Deutsche Bank.

Ainsi, cette affaire a pris une tournure que personne n'avait anticipée et que personne ne mesure. "Cette affaire échappe complètement à Volkswagen", constate Dylan Baron. De son côté, Igor de Maack, gérant chez DNCA, juge que "cette affaire est devenue trop politique et médiatique - qui sont des environnements beaucoup moins prévisibles que la finance".

Un scandale parti pour durer 3 à 4 ans?

De là à dire que l'action Volkswagen est perdue... Non ! Mais il est certain que plus personne ne prendra le risque de dire qu'à ce prix, l'action Volkswagen est une opportunité, tant les incertitudes laissent envisager le pire sur l'entreprise. "Cette affaire risque de peser pour longtemps sur les comptes de Volkswagen, comme l'affaire BP qui n'a toujours pas fini de payer pour la marée noire", dit Dylan Baron.

Pour Stefan Bauknecht, "il faudra 3 ou 4 ans pour juger de l'ampleur des conséquences de cette affaire". Soit une maturité beaucoup trop longue pour encourager les investisseurs à revenir sur le titre.

L'autre volet du débat concerne les autres acteurs du secteur qui ont été durement touchés par cette affaire, sans pour autant être concerné par les amendes.

Igor de Maack, lui, se souvient de l'affaire BNP Paribas et rappelle que sans avoir été concerné par l'amende infligée à la banque française, tout le secteur avait été aligné. Pour lui, le schéma est le même aujourd'hui : "c'est tout le secteur qui est sur le grill des juridictions", explique l'analyste. Dylan Baron se pose la même question : "la question légitime qui se pose c'est : « est-ce qu'il n'y en a pas d'autres qui trichent ? »".

L'impact sectoriel difficile à évaluer

Le doute s'est donc installé pour l'ensemble du secteur, et même si les analystes considèrent que la baisse sur les valeurs hors-Volkswagen est exagérée, ils préfèrent jouer la prudence avant de revenir sur les valeurs du secteur. "Il n'y a pas un investisseur, aujourd'hui, qui est capable de dire comment tout cela va se finir, ou alors, c'est un menteur", lance Igor de Maack.

Pour Stefan Brauknecht, il n'y a pas de raisons que les autres valeurs soient touchées à terme. "Nous ne nous attendons pas à ce que la crise Volkswagen ait pour conséquence une baisse des ventes de voitures dans le monde". L'analyste de la Deutsch Bank estime néanmoins que cet événement va produire trois conséquences : "Volkswagen va perdre des parts de marché (...), la pénétration du diesel en Europe devrait baisser plus rapidement qu'attendu par le secteur (...), les ventes de véhicules hybrides seront les grandes gagnantes". Pour Dylan Baron, le marché européen reste solide, tandis qu'à l'étranger les performances sont plus contrastées (Chine, Brésil, Russie...). "Il faudra privilégier les constructeurs qui présentent une forte sensibilité à la croissance européenne", explique-t-il.

Igor de Maack, lui, note que les valeurs automobiles étaient et restent attrayantes : "les valeurs automobiles n'étaient pas chères, et le sont encore moins. Mais les marchés ne sont pas très bons et il faut attendre de voir si cette affaire a un impact sur les ventes automobiles aux prochaines publications", avance-t-il prudemment.

Faut-il se rabattre sur les équipementiers?

En réalité, l'autre risque qui plombe les valorisations c'est le risque réglementaire. Après cette affaire, d'aucuns craignent que les autorités durcissent la réglementation environnementale sur les émissions de polluants. Un tel scénario risque d'augmenter le coût de production de chaque voiture, alors même que les normes de ces dernières années ont déjà impacté le prix des voitures diesel. Tant et si bien que l'on ne retrouve quasiment plus de motorisations diesel sur les segments A (Twingo, 106...) où le positionnement prix ne permettait plus de proposer une telle solution.

Mais alors, quid des équipementiers automobiles ? Là encore, les avis sont partagés. D'un côté, les analystes estiment que ces derniers pourraient profiter d'un durcissement de la réglementation environnementale. Ainsi Valeo pourrait vendre davantage de système de propulsion tandis que Faurecia produirait plus de pots catalytiques. Mais, les équipementiers risquent d'être pris en otage par la crise Volkswagen puisque le groupe fait précisément parti de leur premier client. Pour Faurecia, le constructeur allemand représente 25% du chiffre d'affaires.

Au final, les analystes préfèrent jouer la prudence sur le secteur, mais tout en redoublant d'attention pour saisir les opportunités dès que les (nombreux) nuages se dissiperont.