Automobile : les petits équipementiers survivront-ils ?

Par Nabil Bourassi  |   |  895  mots
(Crédits : Philippe Wojazer)
Le tissu des fournisseurs des équipementiers, appelés équipementiers de rang 2, préoccupe les pouvoirs publics. Après la crise de 2009, une structure d'investissement a été créée par l'État pour les sauver, les consolider et les moderniser. Le bilan est positif mais il reste de nombreuses poches de fragilité.

Il n'y a pas que les gros dans la vie... Y compris dans le secteur des équipementiers automobiles. La France dispose d'un important tissu d'entreprises fournisseurs des équipementiers automobiles. On les appelle les équipementiers de rang 2. Ce tissu est essentiel à l'industrie automobile puisqu'il permet d'assurer une continuité efficace des approvisionnements et de la logistique des sites de production. Pour les équipementiers, c'est un véritable levier de compétitivité.

Sauf qu'en 2009, la crise des subprimes a bien failli précipiter dans le gouffre nombre d'entre eux. L'État a immédiatement mis en place un fonds pour sauver ces entreprises, le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), adossé à l'époque au FSI (devenu depuis Bpifrance) et aux constructeurs automobiles, mais également aux grands équipementiers pour la partie des petites PME. Sa mission : sauver les entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles, favoriser une consolidation du secteur.

Internationalisation et diversification

« En 2011, le chiffre d'affaires moyen d'un équipementier automobile français était de l'ordre de 50 millions d'euros, contre environ 250 millions pour son équivalent allemand », explique à La Tribune Alexandre Ossola, qui chapeaute le FMEA devenu depuis le Fonds Avenir Automobile (FAA), fonds géré par Bpifrance.

« Trop français, trop petits et trop dépendants des constructeurs automobiles français », jugeait-on alors.

« Notre diagnostic était que, pour renforcer la filière, il fallait encourager ces entreprises à s'internationaliser, à diversifier leur stratégie produit mais également leur portefeuille client », analyse Alexandre Ossola. Et l'action de consolidation a été plutôt vertueuse.

L'exemple le plus emblématique est probablement celui de Mecaplast dont la situation financière était critique en 2012 lors de l'entrée du FMEA dans son capital... Aujourd'hui, le groupe est non seulement sorti d'affaires, mais il s'est même offert le luxe de racheter un groupe américain. Le nouveau groupe, rebaptisé Novares et qui dégage 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires (contre 600 millions en 2009), n'attend plus que son introduction en Bourse (qui devait avoir lieu fin 2017).

Culture familiale

Mais le FAA ne s'est pas contenté d'aller chercher des entreprises aux abois, il a contribué à renforcer des entreprises saines comme Snop qui a racheté Wagon Automotive, ou Plastivaloire qui s'est emparé des activités plastiques de Bourbon. « Nous accompagnons tous les acteurs dont le management est prêt à s'inscrire dans une démarche de croissance stratégique », explique Alexandre Ossola.

Ainsi, le FAA a investi dans près d'une trentaine d'entreprises. Mais les équipementiers automobiles de rang 2 sont encore loin d'avoir achevé leur mue. Nombre d'entre eux continuent de se complaire dans une configuration hexagonale, à la faveur d'une conjoncture très favorable : un marché en hausse et des constructeurs automobiles français qui multiplient les commandes. « Certains dirigeants sont plus frileux pour s'inscrire dans cette démarche de consolidation », regrette Alexandre Ossola. Il faut dire que ces PME sont encore empreintes d'une culture familiale et patrimoniale. Mais dès lors, elles se mettent dans une situation de fragilité qui pourrait leur coûter cher en cas de retournement de marché.

Pour Guillaume Crunelle, spécialiste de l'industrie automobile et associé au cabinet Deloitte, « nous avons la chance en France d'avoir un écosystème vertueux entre des acteurs mondiaux de l'automobile, qui va de la fourniture de pièce à l'assemblage de produits finaux. C'est un vrai avantage compétitif pour le pays. La vraie problématique de cet écosystème, c'est la capacité des équipementiers de rang 2 à suivre la cadence d'innovations des grands, mais également à faire face à de nouveaux entrants totalement digitalisés.» Pour Alexandre Ossola, la taille de l'entreprise n'est toutefois pas le seul critère de réussite :

« Nous avons des exemples de PME qui sont très internationalisées malgré leur taille plus modeste, parce qu'elles ont une très forte expertise sur une technologie très précise et incontournable. »

Au-delà, ces PME doivent également suivre la mutation de l'automobile vers l'industrie 4.0. Cette industrie qui implique de nouveaux process logistiques et d'approvisionnement va bousculer ces petites entreprises. Elles doivent intégrer ces process en investissant dans de nouveaux outils informatiques de gestion des stocks et des livraisons, de suivi des commandes... Ces entreprises sont d'autant plus soumises à ces investissements que les équipementiers français sont plus avancés que les constructeurs dans la conversion dans l'industrie 4.0.

Drames sociaux

« C'est un paradoxe français, puisque nous avons des champions mondiaux agiles et solides, et un tissu d'équipementiers de rang 2 qui doit encore se moderniser, c'est un vrai problème pour le long terme car en matière d'innovations, on ne peut plus être seul, il faut être performant au même moment », s'inquiète Guillaume Crunelle.

Le risque est de voir se multiplier de nouveaux drames sociaux de type GM & S, cette PME de la Creuse qui n'a pas su moderniser son outil de travail et qui a déposé le bilan en pleine campagne législative en juin dernier. Le gouvernement fraîchement installé avait alors mobilisé toutes ses ressources pour sauver l'entreprise, jusqu'à susciter la grogne de PSA et Renault, contraints de passer des commandes à une entreprise qui ne parvenait plus à suivre le rythme de sa cadence de production.

À nouveau, en cas de retournement de marché, le FAA, qui considère être arrivé au bout de sa mission et pourrait fondre sa structure avec les process classique de BPI France, risquerait pourtant de revenir au-devant de la scène pour éteindre l'incendie...