Pourquoi l'État français est devenu le premier actionnaire de Valeo

Par Nabil Bourassi  |   |  635  mots
(Crédits : CHARLES PLATIAU)
Soumis à une très forte volatilité en Bourse, l'équipementier automobile français espère voir son capital se stabiliser avec la montée en puissance de l'État français, devenu premier actionnaire avec 7,34% des titres. Valeo veut poursuivre sa très ambitieuse stratégie d'innovation, mais qui pèse sur ses marges et inquiète les investisseurs.

Un mois après le franchissement de seuil, l'État français a décidé d'aller encore plus loin en devenant le premier actionnaire de Valeo. Désormais, la puissance publique détient 7,34% du capital de l'équipementier automobile français. BPI France est passé de 2,99% du capital à 5,2%, ce à quoi il convient d'additionner les 2,14% détenus par la Caisse des dépôts (également premier actionnaire de BPI). Ils passent ainsi devant le fonds américain Harris qui détient 5,99% du capital de Valeo.

Interrogé par l'AFP, Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI France, a indiqué vouloir "accompagner Valeo dans la durée".

« Avec cette participation au capital de Valeo, Bpifrance affirme sa confiance dans la stratégie de la société, axée sur l'innovation, dans un marché automobile en pleine mutation », a expliqué Bpifrance dans un communiqué.

« Valeo accueille favorablement le retour de Bpifrance en tant qu'actionnaire de long terme, désireux d'accompagner durablement le groupe dans la mise en œuvre de sa stratégie », s'est de son côté réjoui l'équipementier dans un communiqué séparé.

Une action très volatile

Cette prise de participation pourrait avoir pour but de neutraliser la très forte volatilité à laquelle est soumise l'action de l'équipementier automobile. En 2018, l'entreprise emmenée par Jacques Aschenbroich a vu son titre s'effondrer de 60% sur l'ensemble de l'année. Une chute brutale pour l'ex-star des marchés qui n'avait cessé de grimper les années précédentes au point d'afficher une surcote sur sa valorisation boursière notamment par rapport aux autres valeurs du marché.

Depuis le début de l'année pourtant, Valeo semble avoir repris la main en affichant un cours en hausse de 30%. Les résultats du premier trimestre ont rassuré les investisseurs. Le chiffre d'affaires est certes en baisse (-0,8%), mais il surperforme un marché en fort recul (-7%). En outre, le groupe a confirmé ses objectifs 2019, dans un contexte de marché complexe. Mais l'action continue à faire du yo-yo et les brokers n'ont pas encore changé leur appréciation sur le titre. Ils ont été nombreux à abaisser leurs perspectives comme récemment Citi passée à la vente.

Des vents contraires

L'équipementier automobile doit faire face à un fort ralentissement du marché automobile dans les plus grandes régions du monde. Aux États-Unis, le marché est sur un plateau, tandis que le marché européen a enclenché la marche arrière en ce début d'année. En Chine, le premier marché automobile mondial où Valeo est bien placé, le marché fait face à une forte correction en ce début d'année.

En outre, le groupe français doit accélérer ses investissements dans la transformation de ses métiers en se convertissant dans diverses technologies comme l'intelligence artificielle et la voiture autonome, mais également dans l'électro-mobilité à travers sa joint-venture avec Siemens. Ces investissements ont fortement impacté la rentabilité de Valeo qui est ressortie en baisse de 17% en 2018.

Le poids des incertitudes

Les investisseurs estiment que Valeo est exposé à de nombreuses incertitudes opérationnelles sur des technologies extrêmement innovantes, mais également sur les conséquences d'arbitrages réglementaires (objectifs CO2 en Europe, guerre commerciale Chine-États-Unis...). La somme de ces incertitudes conjuguée à ces investissements massifs ont conduit les investisseurs à la prudence.

Chez Valeo, on continue de considérer ces investissements comme stratégiques à long terme. Ainsi, en deux ans, la joint-venture avec Siemens a déjà produit un carnet de commandes de 10 milliards d'euros (dont 4,4 milliards engrangés en 2018). Jacques Aschenbroich veut poursuivre sa stratégie d'innovation qui doit lui permettre de s'accaparer une part plus grande dans la valeur ajoutée d'une voiture. Les marchés ont du mal à se projeter dans l'avenir... L'État français a décidé de lui accorder ce crédit.