Pourquoi le rebond du marché automobile chinois ne profite pas aux marques françaises

Par Nabil Bourassi  |   |  768  mots
Le marché automobile chinois est confronté à la saturation des grandes agglomérations.
Alors que le marché automobile chinois est entré dans une phase de forte décélération ces deux dernières années, les ventes sont reparties à la hausse depuis le début de l'année. Des performances à prendre avec des pincettes et qui ne profitent pas aux marques françaises...

Le marché automobile chinois reprend du poil de la bête. Après deux années de fort ralentissement (entre 2014 et 2015), le marché affiche depuis quelques mois des taux de croissance très supérieurs non seulement aux exercices précédents mais également aux attentes. Ainsi, en juillet, les immatriculations ont augmenté de 23% en juillet, a annoncé la Fédération chinoise des constructeurs automobiles. Et cette performance succède à deux très bons mois : +14,6% en juin et +9,8% en mai.

En tout et pour tout, le marché automobile chinois a rebondi de 9,8% sur les 7 premiers mois de l'année, soit un chiffre très au-dessus des 7% enregistrés ces deux dernières années. Pour rappel, les prévisions des analystes tournaient autour de 6% sur l'ensemble de l'année.

Un dispositif fiscal qui s'arrête bientôt...

Les analystes estiment que ce rebond a notamment été permis par le dispositif gouvernemental entré en vigueur en septembre 2015, et qui permet d'encourager l'achat de petites cylindrées à travers une fiscalité amoindrie sur les moteurs de moins de 1,6 litre. Ce dispositif a eu un succès immédiat puisque la part des petites cylindrées est passée de 37% à 60% des immatriculations chinoises dans les mois qui ont suivi la mise en place de ce dispositif. L'inquiétude réside dans la suite du dispositif qui doit s'arrêter en décembre...

Pour Hadi Zablit, spécialiste automobile au Boston Consulting Group (BCG), il faut néanmoins lire ces données avec prudence :

"La performance enregistrée au mois de juillet est à regarder en comparaison avec la même période que l'année précédente qui avait été particulièrement mauvaise. Il avait succédé à la grave crise boursière qui avait touché la Bourse de Shanghai en juin et fortement impacté les achats de voiture sur les semaines suivantes".

"Nos prévisions à long terme ne changent pas, nous continuons à tabler sur un ralentissement de la croissance du marché automobile chinois à long terme, de l'ordre de 4% à 5% de croissance par an", ajoute-t-il.

PSA s'effondre en Chine

Le ralentissement du marché automobile chinois a coïncidé avec celui de l'économie chinoise. D'un point de vue plus structurel, les grandes agglomérations côtières chinoises ont fortement freiné les nouvelles immatriculations pour tenter de décongestionner le trafic. La croissance du marché s'était alors déplacée vers les villes intermédiaires de l'intérieur des terres, mais, avec un pouvoir d'achat plus faible, ce sont surtout les marques chinoises qui ont profité de la croissance de l'année 2015. Le groupe PSA a, par exemple, vu ses ventes s'écrouler de 20% au premier semestre 2016, et ce, malgré la bonne tenue du marché.

            | Lire aussi: PSA en Chine: les raisons d'un crash

Le groupe français promet plus de SUV, dont les nouveaux 2008 et 3008 présentés au dernier salon de Pékin, pour relancer les ventes. D'ailleurs, une nouvelle usine sera inaugurée en septembre ce qui portera les capacités de production à 5 usines en Chine et 1,3 million de voitures par an.

Mais, même si le marché est favorable aux SUV, l'offensive des marques chinoises est extrêmement forte. Elles sont surtout particulièrement compétitives d'un point de vue tarifaire mais également sur la configuration des voitures.

"Les clients chinois n'ont pas la même grille de lecture qu'en Europe en matière d'achat de voitures", rappelle Hadi Zablit.

"Si un constructeur propose un nouveau moteur 1,2 litres qui, grâce au downsizing, propose des performances égales à un vieux 1,6 litres, le client chinois sera plus sensible à la taille du moteur... Les constructeurs occidentaux peuvent, sans s'en rendre compte, suréquiper leur voiture face aux besoins réels du consommateur chinois", analyse l'expert du Boston Consulting Group.

Renault encore en phase de lancement

De son côté, Renault est confronté à la même réalité, mais la marque au losange est encore un nouvel arrivant. Le nouveau Koleos a été présenté en avril au dernier salon de Pékin, tandis que l'usine qui vient tout juste de sortir de terre commençait à peine à produire des Kadjar. Mais en arrivant avec ces deux modèles plutôt qu'avec son Duster, le groupe s'est d'ores et déjà positionné sur un segment plus haut de gamme que ce que proposent les marques locales. Le Duster, son SUV d'entrée de gamme qui est également la voiture du groupe la plus vendue au monde, pourrait alors être la carte cachée dans la manche de Renault en cas de ventes décevantes... D'autant qu'un nouveau modèle doit être lancé en 2017...