Un constructeur chinois au volant de Fiat-Chrysler ?

Par Nabil Bourassi  |   |  847  mots
La marque Fiat, comme Chrysler, nécessite d'importants investissements pour être relancées.
Les rumeurs se multiplient sur le rachat ou le démantèlement de Fiat-Chrysler par un groupe chinois. Les marchés sont enthousiastes sur la perspective d'une consolidation du secteur. En réalité, l'acquisition de Fiat-Chrysler Automobiles (FCA) pourrait s'avérer bien plus complexe que cela et devenir un véritable feuilleton aux multiples rebondissements.

C'est l'affaire de l'été... Le groupe Fiat-Chrysler serait sur le point d'être racheté par un constructeur automobile chinois ! Cette information divulguée par le site spécialisé américain Automotive News reste encore à l'état de rumeur, surtout après les démentis des principaux groupes chinois comme DongFeng ou encore Geely, déjà propriétaire de Volvo. Mais il reste encore quelques groupes qui ne se sont pas encore exprimés.

Un groupe d'envergure mondiale

Ce n'est pas une mince affaire puisque quiconque s'empare de FCA, s'implante de manière significative en Europe, aux États-Unis avec des marques bien implantées comme Chrysler, Dodge, Jeep ou RAM, mais également en Amérique latine où la marque Fiat possède plus de 20% du marché brésilien. Pour un constructeur automobile chinois (aucun n'a vraiment encore acquis une envergure mondiale) le changement de taille serait juste décisif avec les 4,5 millions d'immatriculations du groupe. Plus encore, il chamboulerait la hiérarchie du paysage de l'industrie automobile mondiale actuellement dominé par Volkswagen, Toyota, General Motors ou encore l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

Mais personne n'est encore sorti du bois... Les dernières rumeurs en date donnent à Great Wall Motors (qui a confirmé son intérêt mais sans avoir formulé d'offre ferme), le premier constructeur de SUV en Chine avec sa marque Haval, des velléités sur la seule marque Jeep, le premier pourvoyeur de volumes du groupe italo-américain. D'autres analystes croient savoir que GAC, le sixième constructeur automobile chinois avec moins de 2,5 millions de voitures, aurait manifesté son intérêt depuis près d'un an maintenant.

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Sergio Marchionne, le patron de FCA, n'a jamais caché son intention de trouver un partenaire. Après avoir été éconduit par General Motors, mais également par Carlos Ghosn, patron de l'Alliance Renault-Nissan, selon les dires de certains... L'Italien n'a toutefois jamais renoncé à trouver un partenaire industriel, et toutes les options restent ouvertes : de la vente par appartement jusqu'à la vente du package entier. Il y a deux ans, il avait ainsi introduit Ferrari en Bourse, et il cherche toujours à céder l'équipementier, Magneti-Marelli. Un temps, le groupe Volkswagen lorgnait Alfa Romeo, mais ce ne serait plus d'actualité.

Chrysler et Fiat, deux marques à la dérive ?

Car toutes les marques de FCA ne sont pas aussi reluisantes qu'on pourrait le penser. Ainsi, Jeep et Alfa Romeo (lire notre analyse) jouissent d'une offensive produit ambitieuse et de bonne qualité qui se traduisent par des ventes en forte hausse, en revanche, Chrysler se casse les dents aux Etats-Unis et Fiat s'empêtre dans son incapacité à sortir de sa stratégie mono-produit autour de la Fiat 500.

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Mais l'acheteur trouvera un groupe totalement nettoyé par Sergio Marchionne. FCA est un groupe bénéficiaire, désendetté et surtout, qui croule sous les liquidités avec prèsde 25 milliards de dollars de trésorerie. Autrement dit, tandis que les rumeurs valorisent le groupe 20 milliards, l'heureux acheteur en aurait pour son argent puisqu'il le récupérerait immédiatement en cash, et pourra à loisir céder quelques bijoux de familles comme Dodge, RAM, ou même Chrysler et pourquoi pas Fiat...

Les marchés applaudissent l'idée

Les marchés, eux, sont très enthousiastes à l'idée d'un rachat de FCA, y compris par un groupe chinois. Ils voient d'un très bon œil une consolidation du secteur, et le fait qu'un groupe chinois entre dans la danse pourrait pousser les mastodontes historiques dans leurs retranchements, ou obliger les constructeurs moyens à réagir (Hyundai-Kia, PSA...). L'action FCA ne cesse de monter depuis les rumeurs. Ce matin encore, elle a connu une nouvelle fièvre haussière de 4% après les intentions prêtées à Great Wall Motors.

Sergio Marchionne qui doit quitter le groupe d'ici un an, voudra absolument faire aboutir son projet de cession de l'entreprise. Pas question pour autant de brader le groupe. Mais aussi nickels soient les comptes de l'entreprise, l'acheteur sait qu'il va trouver un certain nombre de marques à relancer ce qui nécessitera d'importants investissements, Chrysler et Fiat en tête. Sans compter des investissements dans les nouvelles technologies dans lesquelles FCA a pris du retard, notamment dans l'électrification. Le rachat de FCA ne saurait donc être une opportunité financière, il s'inscrit dans un projet industriel ambitieux et nécessairement coûteux.

Des surprises...

Ce qui laisse de nombreuses questions sans réponse sur le scénario d'un rachat de FCA. Un groupe chinois a-t-il les moyens d'assumer ces coûts ? A-t-il l'expertise industrielle pour sortir FCA de cette précarité technologique ? Un groupe occidental va-t-il réagir pour barrer la route aux Chinois, quitte à surenchérir ? Donald Trump laissera-t-il un pan de son industrie automobile, une thématique qui lui est chère, revenir à des Chinois ? La vente de FCA pourrait en réalité devenir un feuilleton aux multiples rebondissements et avec de grandes surprises, à la mesure des immenses enjeux que l'opération revêt...