Médicaments : la qualité des génériques contestée

Par Audrey Tonnelier  |   |  586  mots
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Les autorités envisagent de dérembourser des copies de médicaments responsables d'allergies. Une telle décision pourrait rester un cas isolé.

Un générique qui donne des allergies et l'autre pas, voilà qui va à l'encontre du discours des fabricants de ces « copies » moins chères de médicaments, qui expliquent qu'un générique est identique au traitement original. C'est pourtant ce qu'ont pointé cet été les experts de la Commission de la Transparence, chargés en France d'évaluer l'intérêt thérapeutique des médicaments. Ils ont réévalué les produits à base de mébévérine, utilisés contre les troubles intestinaux.

Pour six des huit génériques, le service médical rendu (SMR) a été jugé « insuffisant ». Les produits du leader du marché Mylan et de sa filiale Qualimed, de Biogaran, de Teva, de l'allemand EG et du français Expanscience sont donc voués au déremboursement. Seuls deux génériqueurs, l'indien Zydus et le français Sanofi avec son Spasmopriv, se sont vus attribuer un « service médical rendu » (SMR) faible, garant du maintien de leur prise en charge à 15 %, valable aujourd'hui pour toute la catégorie.

Pourquoi cette distinction ? Les six médicaments incluent des « excipients à effets notoires susceptibles de provoquer des réactions allergiques ». Il s'agit de composants utilisés pour faciliter la fabrication ou l'absorption des médicaments, et qui peuvent varier d'un générique à un autre - seul le principe actif devant être totalement identique à l'original. Les excipients incriminés, « l'huile d'arachide, l'huile de soja [...] et la lécithine de soja », sont présents dans de nombreux aliments. Mais selon l'Afssaps, ils peuvent entraîner des « effets indésirables graves ».

Pas assez rentable

Problème : la réévaluation de la mébévérine, qui a permis de séparer « bons » et « mauvais » génériques, s'est faite presque par hasard. « C'est une première », de l'aveu du président de la Commission de la Transparence, Gilles Bouvenot, qui explique que « 90 % des génériques ne passent pas par la commission. La réévaluation est intervenue uniquement en raison de la radiation du médicament original ». Ce dernier a été déremboursé sur demande de son fabricant, le belge Solvay (racheté par Abbott) au motif que, génériqué, il n'était plus assez rentable.

Des génériques à effets différents sont donc couramment vendus et remboursés indistinctement. « Seuls les plus anciens contiennent encore des excipients à effets notoires différents de ceux du médicament original », tempère le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Philippe Gaertner, qui explique que les labos en informent les pharmaciens. « Mais ceux-ci ne peuvent pas toujours proposer des génériques identiques, ne serait-ce que parce qu'ils ne vendent que quelques marques », déplore un connaisseur du secteur. Chez les grands génériqueurs, il n'est pas rare qu'un quart de la gamme, soit plusieurs dizaines de références, pose ainsi question.

Avec des ventes annuelles de 5,3 millions d'euros à fin septembre, la mébéverine a représenté un coût de 1,3 million pour la Sécu. Les génériqueurs et l'Afssaps précisent qu'ils n'ont pas eu de signalement d'effets indésirables graves. « Les allergies ne nous sont pas forcément remontées », note Gilles Bouvenot. Les génériqueurs concernés ont tout de même demandé un sursis d'un an à la Commission « afin d'éliminer l'excipient, si cela s'avère techniquement possible ». Au ministère de la Santé, on indique que « l'avis de la Commission a été pris en compte et est actuellement instruit ».