Prothèses PIP : "on ne peut rien contre la fraude", estime le responsable du syndicat patronal

Par Audrey Tonnelier  |   |  546  mots
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Eric le Roy, directeur général du Snitem, principal syndicat patronal des dispositifs médicaux, revient pour La Tribune sur les conditions d'autorisation des prothèses mammaires de la société PIP et sur les réformes de mises sur le marché demandées par Xavier Bertrand.

Votre syndicat représente les producteurs de dispositifs médicaux, dont font partie les prothèses mammaires. Comment ces produits sont-ils autorisés à la vente ?

Depuis 1998, l'ensemble des dispositifs médicaux (un marché évalué à 19 milliards d'euros en France) doit obtenir un "marquage CE" pour être commercialisé. Pour cela, ils sont évalués selon leur conformité à des exigences générales de sécurité et de performance, mais aussi selon des critères spécifiques au produit. Ceux-ci sont aussi divers que le nombre de dispositifs médicaux: on en compte entre 800.000 et 2 millions en France, des préservatifs aux scanners en passant par les drains, sutures et, bien sûr, les prothèses. Evidemment, on ne demande pas la même chose pour la commercialisation d'un IRM ou d'un pansement! On vérifie le système qualité du fabricant. Il y a aussi une évaluation documentaire de conception du produit et une visite sur le site de production. Enfin, les dispositifs médicaux sont classés selon leur niveau de risque: plus il est élevé, plus la procédure d'évaluation est contraignante [les prothèses PIP étaient au niveau d'exigence maximal, Ndlr].

Qui vérifie que le produit est conforme ?

C'est la mission d'un organisme notifié par les autorités sanitaires ? en France, l'Afssaps. On en compte environ 70 en Europe [dont l'allemand TUV-Rheinland, qui a certifié les prothèses PIP, Ndlr]. La France ne dispose que d'un organisme de ce type, baptisé LNE/G-MED. Ces sociétés effectuent des inspections tous les douze à dix-huit mois. L'Afssaps, elle, a tout pouvoir de "police" et peut procéder à des contrôles inopinés.

Comment expliquer, alors, que PIP ait utilisé pendant vingt ans un gel inapproprié pour ses prothèses ?

Nous ne sommes pas là dans un problème spécifique à la santé: si un individu ou une entreprise veut frauder, il fraude! Comment empêcher un constructeur automobile de remplacer sciemment les matériaux de ses plaquettes de frein par des matériaux défectueux? On ne peut pas contrôler chaque dispositif unitairement à la sortie de l'usine.

Etes-vous favorable à une autorisation de mise sur le marché (AMM) reposant sur des études cliniques [sur l'homme, Ndlr] comme le préconise Xavier Bertrand ?

Je ne sais pas quelle est la bonne décision à ce sujet, mais je suis prêt à en discuter, tout en restant attentif aux intérêts de mes adhérents (240 entreprises), dont 90% sont des PME, et à celui des patients. Une nouvelle évaluation de la directive européenne sur les dispositifs médicaux est déjà prévue pour 2012 par la Commission. Un principe équivalent à l'AMM est envisagé. Cela dit, la directive a déjà fait l'objet de plusieurs modifications en treize ans. La dernière, en 2010, a renforcé les exigences cliniques en matière de dispositifs médicaux implantables ? dont font partie les prothèses. Mais il reste objectivement impossible de faire une étude clinique avec placebo sur des patients à qui l'on implante un pacemaker...

Craignez-vous de souffrir du précédent Mediator ?

Pour moi, il s'agit de deux affaires incomparables. Nous sommes ici dans une stricte affaire de fraude, celle du Mediator soulève des questions bien différentes. Nous n'avons pas de crainte tant que l'on ne fait pas d'amalgames.