Cancérologie : les efforts de la Chine commencent à payer

Par Jean-Yves Paillé  |   |  544  mots
Chi-Med a été créé en 2000 par des scientifiques formés aux Etats-Unis, symbole de la dépendance de la Chine aux savoir-faire occidentaux. (Crédits : DR)
La biotech chinoise Chi-Med est en bonne position pour lancer un anticancéreux en Europe et aux Etats-Unis dans les mois à venir. C'est une première pour la Chine. Mais le pays semble avoir du mal à percer dans l'innovation pharmaceutique sans l'apport de l'expérience de grands groupes occidentaux et la formation de certains de ses chercheurs à l'étranger.

Un laboratoire chinois capable de concurrencer Roche et Celgene ? Chi-Med, une société pharmaceutique contrôlée par le groupe Li Ka-shing's CK Hutchison, a annoncé avoir obtenu des résultats positifs pour la phase III (dernière étape avant un lancement potentiel sur le marché) du fruquintinib, un traitement contre le cancer colorectal métastatique.

La biotech espère obtenir cette année le feu vert des autorités chinoises, puis américaines et européennes pour lancer son produit à l'international. Cet anticancéreux bloque la croissance des vaisseaux sanguins pour empêcher la tumeur de se développer. Et selon les résultats de l'étude, il a permis un accroissement significatif du gain de survie parmi les 416 patients de l'essai clinique. Pour la première fois, la Chine s'apprête à lancer sur le marché international un anticancéreux développé de bout en bout dans le pays et par une société chinoise.

Plus tard, la société pharmaceutique espère également obtenir des résultats positifs pour de nouvelles indications contre le cancer du poumon et le cancer de l'estomac, entre autres.

Les gros efforts de la Chine en R et D

Cette bonne nouvelle récompense les efforts de la Chine visant à développer ses sociétés biotechnologiques. Pour rappel, les biotechs représentaient l'un des enjeux clés du douzième plan quinquennal de 2010-2015. Sur cette période, la Chine a consacré 300 milliards de dollars aux sciences et technologies. Et les biotechs faisaient partie des sept piliers industriels désignés.

Dans le treizième plan, dévoilé l'année dernière, la Chine a expliqué vouloir accélérer dans la R et D (recherche et développement) dédiée au cancer et notamment à la médecine de précisions.

Outre les investissements massifs, dédiés notamment aux infrastructures et aux laboratoires, Pékin tente de s'attacher les services des meilleurs chercheurs. La Chine a lancé un vaste plan en 2008, baptisé Thousand Talents Program, pour encourager les scientifiques chinois s'étant formés à l'étranger à revenir au pays. Les meilleurs chercheurs empochent une récompense d'un million de yuan (136.800 euros) s'ils reviennent au pays, peuvent obtenir un appartement de fonction, des salaires importants, travailler dans des laboratoires abondamment financés.

Chi-Med a lui-même été créé en 2000 par des scientifiques formés aux Etats-Unis. La société pharmaceutique a en outre a développé sa R et D grâce à des partenariats passés avec des poids lourds occidentaux de l'industrie pharmaceutique, comme le britannique Astrazeneca ou l'américain Eli Lilly.

La Chine multiplie les publications scientifiques

Si l'influence de la Chine dans la R et D en santé progresse, elle reste mineure comparée à celle des géants mondiaux.

Pour accroître sa renommée internationale, la Chine pousse ses chercheurs à multiplier les publications scientifiques. Résultat, elles explosent en termes de quantité : en oncologie, elles représentent 17% des publications mondiales contre 5% en 2005. Mais la qualité de celles-ci n'est pas encore reconnue. Selon le cabinet d'audit Elsevier,  l'influence et la qualité des publications chinoises a un indice bien meilleur qu'il y a dix ans, à 1,26. Mais le pays est loin de la France et des Etats-Unis qui jouissent respectivement d'un indice de  1,93 et 1,88.