Fusion Pfizer-Allergan : les politiques américains crient au scandale fiscal

Par latribune.fr  |   |  538  mots
Les 500 plus grandes entreprises américaines détiennent plus de 2.100 milliards de dollars (1.875 milliards d'euros) de profits hors du territoire américain. (Crédits : STAFF)
Cette fusion à 160 milliards de dollars permet à Pfizer de déplacer son siège social en Irlande afin de payer moins impôts. Démocrates et républicains, dans une belle unanimité, ont dénoncé ce qui "érode l'assiette de l'impôt", et certains promettant des représailles.

Le mariage à 160 milliards de dollars officialisé entre Pfizer et Allergan a fait réagir vivement la classe politique américaine. Le fabricant du Viagra est accusé d'inversion fiscale car il peut avec cette fusion, déplacer son siège social en Irlande où la fiscalité des entreprises est plus avantageuse qu'aux Etats-Unis.

Hillary Clinton, favorite dans la course à l'investiture démocrate pour la présidentielle de 2016, a accusé Pfizer de profiter des failles de la législation fiscale pour éviter d'acquitter sa "juste part" de l'impôt au détriment du contribuable.

L'ancienne chef de la diplomatie américaine a ajouté qu'elle proposerait des mesures pour empêcher de tels montages dits d'évitement ou d'inversion, sans donner de précisions.

"Nous ne pouvons retarder la répression des inversions qui érodent l'assiette de l'impôt", a-t-elle déclaré.

Bernie Sanders, représentant l'aile gauche des démocrates, est allé plus loin appelant Barack Obama à bloquer la transaction, rapporte le Financial Times.

"La fusion Pfizer-Allergan serait un désastre pour le consommateur américain qui paie déjà les prix les plus élevés au monde pour les médicaments prescrits."

Barack Obama lui même avait jugé très durement ce type manœuvres. Il les avait qualifiées d'"anti-patriotiques". Enfin, du côté des républicains, Donald Trump, candidat aux primaires, a estimé: "Nos politiques devraient avoir honte".

La réaction du Trésor américain jugée insuffisante

Du côté des institutions, le Trésor américain avait déjà réagi, le 19 novembre, souhaitant rendre les délocalisations de siège social plus difficiles. Il a annoncé des mesures qui "réduisent les bénéfices économiques" de ces procédures dites d'inversion fiscale.

Mais il s'agit de simples ajustements de la réglementation existante et ils n'empêcheront pas le mariage du fabricant du Viagra avec celui du Botox, estiment les spécialistes de la fiscalité.

Le patron de Pfizer, Ian Read, a adressé lundi une lettre à un certain nombre de sénateurs dans laquelle il précise que le siège "opérationnel" du nouveau groupe restera à New York et qu'il prévoit de pouvoir consentir des "investissements importants aux Etats-Unis". Mais le siège administratif de la nouvelle société restera bien en Irlande.

Fin octobre, déjà, Pfizer n'avait pas caché que son intérêt pour le fabricant du traitement anti-rides Botox tenait au fait que le siège était en Irlande où l'impôt sur les bénéfices est presque trois fois plus faible qu'aux Etats-Unis.

Des centaines de milliards de profits perdus

Si les politiques américains réagissent aussi vivement à cette fusion géante, c'est parce que les sommes en jeu sont considérables.

Ainsi, les 500 plus grandes entreprises américaines détiennent plus de 2.100 milliards de dollars (1.875 milliards d'euros) de profits hors du territoire américain. Si elles étaient amenées à rapatrier ces sommes considérables, comme le souhaite le président américain Barack Obama, elles devraient au fisc pas moins de 620 milliards de dollars, d'après le Center for Tax Justice et l'U.S. Public Interest Research Group Education Fund.

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