Crise de la viande : le bras de fer entre éleveurs et industriels fait réagir le gouvernement

Par latribune.fr  |   |  663  mots
Les industriels estiment que l'accord signé à la mi-juin est aujourd'hui jugé intenable par les industriels face à la concurrence étrangère.
Deux acheteurs majeurs de viande de porc ont refusé, lundi 10 juin, d'acheter sur le marché de référence au cours fixé à la mi-juin, à 1,40 euro le kilo. Le gouvernement a réagi ce mardi, demandant le rétablissement de la cotation et annonçant une réunion en septembre sur les "nouvelles formes de négociations".

Article publié le mardi 11 août à 12h54, actualisé à 15h10

La crise du prix de la viande continue en France. Le groupe coopératif Cooperl et Bigard/Socopa, deux acheteurs majeurs de porc en France, ont boycotté lundi 10 août le marché national de référence de Plérin (Bretagne), jugeant trop cher le cours fixé mi-juin à 1,40 euro le kilo.

En réponse, le Premier ministre Manuel Valls, cité par Reuters a demandé ce mardi à la grande distribution de respecter leurs engagements.

"Nous suivons de près l'évolution des prix auxquels se sont engagés les industriels et la grande distribution et il faut garantir ce niveau de prix", a-t-il déclaré lors de la visite d'une exploitation agricole dans le Gard.

De son côté, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a dit ce mardi après-midi prendre l'engagement de "tout faire" pour qu'il y ait de nouveau une cotation jeudi à Plérin et a exhorté tous les acteurs à faire preuve de responsabilité, tout en annonçant une table ronde fin août sur les nouvelles formes de commercialisation du porc puis, en septembre, une réunion sur les "nouvelles formes de négociations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs".

"Un accord intenable face à la concurrence européenne"

Pour rappel, le prix de 1,40 euro a fait l'objet d'un accord passé mi-juin par les industriels, la grande distribution et les syndicats agricoles sous la houlette du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll. Cette négociation portait également sur la période de promotion de la viande, désormais limitée à deux mois. Mais cet accord global est aujourd'hui jugé intenable par les industriels face à la concurrence étrangère.

En effet, le syndicat des industriels de la viande (SNIV-SNCP) estime dans un communiqué cité par Reuters que la production, "soutenue par les pouvoirs publics (...), obtient les prix les plus élevés d'Europe, sans trop se soucier du devenir des abattoirs".

Le ministre de l'Agriculture a répondu a ces accusations, justifiant le fait que le prix de 1,40 euro, n'était pas "politique" mais visait à aider les producteurs à passer un cap difficile, lié notamment à l'embargo russe en représailles aux sanctions européennes dans la crise ukrainienne, selon Reuters.

Les industriels de la viande accuse également la distribution de ne pas avoir renoncé à sa "politique de guerre des prix (...) et des marges" et juge le contexte "explosif".

Poker menteur

Les différents acteurs du secteur se livrent depuis plusieurs mois à un jeu de poker menteur, se renvoyant chacun la responsabilité du prix afin de défendre leurs intérêts. Avant l'action coup de poing des industriels de ce lundi, la grande distribution était pointée du doigt par les éleveurs, accusant certaines centrales d'achat de ne pas tenir leurs engagements. Réclamant une hausse du prix au cadran, les éleveurs ont initié fin juillet des actions spectaculaires, menées d'abord en Normandie avec trois jours de blocage, puis en région Rhône-Alpes entraînant la paralysie de Lyon le 23 juillet dernier.

"A moins de 1,40 euro, on perd de l'argent. Ça fait des années que les producteurs de porcs tirent la sonnette d'alarme. Nous perdons en moyenne un élevage par jour", avait alors rappelé le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Xavier Beulin.

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Stratégie syndicale à long terme

Le plan d'urgence annoncé le 22 juillet par le gouvernement en faveur des éleveurs, d'un montant de 600 millions d'euros, n'a pas suffi, pas plus que le relèvement du prix du lait (hausse de 4 centimes du litre), à éteindre le mouvement de contestation.

Les protestations du mois de juillet s'inscrivent dans une "stratégie syndicale sur la durée" dont le but est de maintenir la pression sur le gouvernement et les différents acteurs du secteur afin de mettre en place des changements structurels, et ainsi, d'assurer la compétitivité des exploitations.

(Avec Reuters)