Hydroélectricité : EDF continue de faire barrage

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  469  mots
Patrick Allard/REA
Initiée début 2008 sous la pression de Bruxelles, la remise en cause du quasi-monopole d'EDF sur l'électricité hydraulique est encore repoussée. Au grand dam des électriciens européens.

Est-ce une manoeuvre dilatoire ou une négligence qui tourne à l'incurie ? C'est la question que se pose la presque totalité des électriciens européens, qui attendent depuis des années que le gouvernement français daigne mettre ses promesses à exécution. Et ouvre à la concurrence les concessions des centrales hydroélectriques pour se mettre en règle avec les directives européennes.

Bruxelles voit en effet d'un mauvais oeil que 75% de la production française hydroélectrique reste entre les mains de l'ex-monopole public EDF. Depuis 2004, le changement de statut d'EDF, devenu société anonyme, rend illégale l'absence d'appel d'offres lors du renouvellement des concessions. Le gouvernement a attendu 2008 pour changer les règles. À l'époque, il était prévu que les premiers appels d'offres soient lancés fin 2009 pour aboutir au choix d'éventuels nouveaux opérateurs au 1er janvier 2012. Las ! À cette date, il n'est pas certain que les premiers appels d'offres aient vu le jour. Aujourd'hui, le gouvernement table sur la fin 2011 "au plus tôt" pour lancer les premières procédures. Explication : les services du ministère de l'Énergie viennent tout juste de lancer les appels d'offres... pour choisir les consultants qui les assisteront dans la rédaction des fameux appels d'offres, promis depuis trois ans. Alors que le lancement de cette nouvelle procédure date d'avril 2010 !

Trois ans d'instruction

"C'est l'incurie de l'administration", s'exclame un électricien européen, dans les starting-blocks depuis deux ans. "Ils sont mauvais et démunis mais surtout, tout le monde s'en moque", estime un autre. La grogne monte chez les concurrents d'EDF, très nombreux à espérer une part du très rentable gâteau hydraulique français. Sans compter qu'il faudra au moins trois ans d'instruction pour qu'un ouvrage hydraulique change de mains. Un délai confortable pour EDF.

"Selon nos calculs, chaque année de retard se traduit par une perte de recettes potentielles de 150 millions d'euros à partager entre l'État et les collectivités locales", indique le responsable France d'un électricien scandinave. 150 millions d'euros qui, en attendant, restent dans les mains d'EDF. La nouvelle règle du jeu généralise en effet le principe d'une redevance. Seul GDF Suez qui exploite un quart de la production française d'hydroélecricité en paie une actuellement (25% de son chiffre d'affaires hydraulique, soit 191 millions d'euros en 2010). Sans parler des bénéfices confortables d'une activité dont la matière première est gratuite.

C'est d'ailleurs cette forte rentabilité qui attire tant les convoitises. Et incite les candidats à la plus grande diplomatie. "C'est mieux de préparer le plus possible en amont. Cela diminue les risques de retour en arrière", commente Matti Ruotsala, vice-président exécutif de l'électricien finlandais Fortum, qui profite du délai pour recruter le patron de sa future filiale France.