Les producteurs veulent encore augmenter le prix du gaz

Par Marie-Caroline Lopez, mis à jour par Latribune.fr  |   |  810  mots
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Ulcérée par le gel du prix, l'association des fournisseurs de gaz dépose un recours en référé devant le conseil d'État pour obliger le ministre de l'Énergie à relever les tarifs. De son côté, la Commission de régulation de l'énergie veut remettre à plat les tarifs du gaz.

Les fournisseurs de gaz passent à l'offensive face à la « politisation » des tarifs de gaz. Après le recours mi-octobre de GDF Suez qui se retourne pour la première fois contre l'État, son principal actionnaire, cette fois ce sont les vendeurs alternatifs de gaz (Direct Énergie, Poweo, Altergaz...), qui entreprennent une démarche inédite sur ce sujet. Leur association Anode vient de déposer deux recours en référé devant le Conseil d'État contre le dernier arrêté ministériel qui impose le gel des tarifs au 1er octobre. Le premier plaide pour l'annulation de cet arrêté. Le second demande au Conseil d'État d'enjoindre le ministre de l'Énergie Éric Besson d'appliquer immédiatement la loi, c'est-à-dire d'augmenter les prix, selon l'Anode.

« Nous agissons en référé car il y a urgence. C'est l'existence même de l'activité gaz de nos entreprises qui est en jeu », affirme le président de l'Anode et directeur général de Direct Énergie, Fabien Choné. Le gouvernement, qui a le dernier mot sur les tarifs réglementés de gaz, a décidé de les geler au 1er juillet et au 1er octobre pour les particuliers. Selon les calculs de la Commission de régulation de l'énergie, il aurait fallu les augmenter respectivement de 7,1 % et 10 % pour couvrir les coûts d'approvisionnement, comme le prévoit la loi. Le gouvernement, tout à sa lutte pour le pouvoir d'achat des Français, a préféré les geler. Bilan : GDF Suez estime à 340 millions d'euros le manque à gagner pour son groupe, dont près de 300 millions pour le seul quatrième trimestre, l'hiver représentant près de 80 % de la consommation de gaz des particuliers.

L'imbroglio des tarifs du gaz ne date pas d'hier. Depuis des années, et encore plus depuis la privatisation de Gaz de France lors de sa fusion avec Suez, le gouvernement tente de se défausser de la responsabilité de décider des mouvements tarifaires, rarement populaires. La question est devenue encore plus épineuse depuis que les prix de marché du gaz en Europe ont piqué du nez sans que les consommateurs voient leurs factures en profiter. Les tarifs réglementés reposent en effet sur les contrats long terme passés par GDF Suez avec ses fournisseurs russes, norvégiens ou algériens, qui sont, eux, indexés sur les prix du pétrole, en pleine envolée.

Casse-tête

Et tous les trois mois, c'est le casse-tête. Pour tenter de sortir de ce guêpier, le gouvernement a multiplié les « formules tarifaires » supposées automatiser la fixation du prix. Mais il n'a jamais pu résister à la tentation d'intervenir. « La dernière formule n'a été appliquée qu'une fois », souligne Fabien Choné. La suivante est à l'étude.

Pourquoi opter pour ce recours - rare - qui vise à obliger le ministre à augmenter les prix ? D'abord, parce que l'annulation de l'arrêté, demandé également par GDF Suez, ferait revenir au tarif précédent... identique, donc. Ensuite, parce que l'Anode estime indispensable de vendre le gaz à son véritable prix. « Pour envoyer au consommateur le juste signal et éviter de faire payer à tous, plus tard le rattrapage. Mais surtout, cette situation affaiblit la concurrence, qui est pourtant le seul garant de prix compétitifs », estime le président de l'Anode.

Le régulateur prône une meilleure prise en compte des prix de marché.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) envisage une remise à plat des tarifs du gaz en France. Cette dernière pourrait se traduire par une plus grande prise en compte des prix de marché, a fait savoir une porte-parole de la CRE, confirmant des informations du Figaro.

Dans un rapport sur les coûts d'approvisionnement de GDF Suez , la CRE juge nécessaire de réformer les tarifs réglementés pour les particuliers, voire de supprimer ces tarifs fixés par l'Etat, qui font régulièrement l'objet de vives polémiques et que le gouvernement a choisi de geler après la dernière hausse survenue en avril.

La Commission souhaite ainsi que la formule de calcul des tarifs intègre une part plus importante d'indexation sur les prix de marché, actuellement plus avantageux que les coûts d'approvisionnement à long terme importés en France et indexés sur le pétrole, a précisé une porte-parole de la CRE.

Alors que cette indexation sur le pétrole pèse pour 90% dans la fixation des prix, cette part pourrait selon le régulateur tomber à 70%. Dans l'hypothèse d'une suppression des tarifs réglementés pour les ménages, le CRE prône "une réflexion sur l'évolution des dispositifs sociaux (...) qui permettrait le cas échéant de venir en aide aux ménages les plus modestes", a précisé la porte-parole de la CRE.