Areva défie l'Etat en supprimant des emplois en France

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  604  mots
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Le conseil d'Areva approuvera ce lundi un plan prévoyant le non remplacement des 1.000 à 1.200 départs annuels en France. A sa demande, la cotation du groupe a été suspendue ce lundi à la Bourse de Paris.

Luc Oursel, qui a succédé à Anne Lauvergeon à la tête d'Areva le 1er juillet dernier, va entamer ce lundi son premier bras de fer avec l'Etat. De sources concordantes, son "plan d'action stratégique" destiné à adapter Areva aux conditions de marché post-Fukushima et à enrayer les pertes dues aux dépenses somptuaires de l'ère Lauvergeon, prévoit "le gel des recrutements". Ce qui signifie que les 1.000 à 1.200 départs "naturels" annuels en France (sur un effectif de 28.000 salariés) ne seront pas remplacés. Si cette mesure est appliquée sur l'ensemble de la période balayée par ce plan (2012-2016), c'est entre 5.000 et 6.000 emplois qui seront ainsi supprimés. De quoi mécontenter les ministres François Baroin et Eric Besson qui avaient convoqué Luc Oursel en urgence le 23 novembre dernier pour lui faire promettre qu'il n'y aurait "aucune suppression de poste, aucun plan de départ volontaire, aucun impact sur les sites français". Même si le patron d'Areva semble avoir renoncé à un plan de départ volontaire pour les "fonctions supports".

Au-delà de ces postures politiques, l'Etat, actionnaire à 83% d'Areva et donc parfaitement au courant des projets du management, n'en a pas fini avec les problèmes du groupe. Le plus délicat reste à venir. Le groupe va encore annoncer ce lundi de lourdes provisions (notamment face aux pertes attendues sur le chantier de l'EPR en Finlande) et des dépréciations d'actifs (sur les mines). Les analystes tablent sur 1 à 2 milliards d'euros. Le montant pourrait même être supérieur. Une certitude : Areva va afficher des pertes nettes cette année, après avoir enregistré ses premières pertes opérationnelles en 2010.

Capitalisation du groupe

Et, en filigrane, risque de se (re)profiler la question de la capitalisation du groupe. Areva a consommé 7,5 milliards de cash depuis 2006, dont 1,9 milliard sur les seuls six premiers mois de 2011. À coups de cessions et d'entrée au capital du fonds souverain du Koweït (4,8 %), le groupe a réussi en 2010 à rééquilibrer sa structure financière, très périlleuse. En 2009, Areva affichait 6,2 milliards de dettes pour des fonds propres de 7,5 milliards. Mi-2011, les dettes avaient été ramenées à 2,7 milliards pour des capitaux propres de 9,6 milliards. Dépréciations d'actifs et nouvelles provisions vont à nouveau fragiliser ce bilan. À quelle hauteur ? Après la laborieuse recapitalisation de fin 2010, qui a rapporté trois fois moins que prévu, l'Etat ne veut pas revoir ce dossier sur la table dans un avenir proche. En cas de nécessité, EDF se tient prêt, même si, l'an dernier, ses offres ont été catégoriquement repoussées. La CGT, qui n'y serait pas défavorable, demandait la semaine dernière à l'État de racheter les actions Areva en Bourse (4% du capital) et "la conclusion rapide de l'accord stratégique entre Areva et EDF".

En attendant, Luc Oursel va présenter ce lundi matin à son conseil des mesures d'urgence. 4 milliards d'euros d'investissements (sur les 12 prévus d'ici à 2016) vont être gelés, dont le développement des trois mines en Afrique d'Uramin, acquise en 2007 pour 1,9 milliard d'euros. Des cessions de 1,2 milliard d'euros sont envisagées, dont les 26% d'Eramet détenus par Areva. L'Etat a mis au point un montage pour que ces titres, qui valent 650 millions d'euros en Bourse, restent dans les mains d'un acteur public (La Tribune du 3 octobre 2011). Une entrée de partenaires au capital de la filiale mines en cours de constitution est également prévue. Enfin, le groupe veut réaliser 1 milliard d'économies en diminuant les sous-traitants et en gelant salaires et recrutements. En Allemagne, Areva veut diminuer ses effectifs de 1.200 à 1.500 personnes (sur 5.700 salariés).