Areva : les syndicats veulent bloquer le plan social

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  656  mots
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Constatant un délit d'entrave, le comité de groupe européen demande la suspension du plan présenté par Luc Oursel. Ce dernier a déjà confirmé ce mardi à la presse un gel des salaires en 2012.

La surprise est venue lundi soir des élus européens d'Areva. Estimant n'avoir été ni informés ni consultés sur le projet de restructuration validé lundi par le conseil de surveillance du groupe nucléaire, le Comité de groupe européen d'Areva demande sa suspension jusqu'à ce qu'une mission d'expertise rende ses conclusions. "Si la direction ne répond pas favorablement à notre demande, je suis mandatée pour aller devant les tribunaux", souligne Maureen Kearney, secrétaire du bureau du CGE. A l'issue du conseil de surveillance qui s'est tenu hier lundi, Areva n'a communiqué que sur le volet financier de son plan de repli. Le volet industriel et social sera dévoilé ce mardi matin. Areva a décidé "le gel des recrutements", ce qui le mènera à supprimer 1.000 à 1.200 postes par an en France, et veut diminuer ses effectifs de 20 à 25 % en Allemagne.

Areva souhaite geler les salaires de l'ensemble de ses salariés dans le monde en 2012 dans le cadre de son plan d'économies, confirme de son côté le président du directoire, Luc Oursel, dans un entretien publié ce mardi par Le Figaro.

Le groupe a confirmé lundi que le groupe allait enregistrer des pertes opérationnelles comprises entre 1,4 et 1,6 milliard d'euros en 2011, ce qui devrait mener le groupe vers une perte nette avoisinant 2 milliards d'euros.

Les annonces financières ont été entourées hier d'un silence politique assourdissant contrastant avec la spectaculaire convocation par les ministres François Baroin et Eric Besson du patron d'Areva Luc Oursel, le 22 novembre, après la publication par l'AFP d'un document interne faisant état des projets de suppressions de postes. En attendant les réactions aux restructurations qui seront dévoilées ce mardi, droite et gauche se renvoient la balle sur le bilan des années Lauvergeon.

Des questions insidieuses

Au centre de la polémique : Uramin, la société d'exploration d'uranium qu'Areva a acheté en juin 2007 pour 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d'euros). Après des dépréciations de 426 millions en 2010, le groupe a annoncé hier qu'il allait provisionner 1,5 milliard supplémentaire sur ses comptes 2011, ce qui portera à 2,4 milliards le total des provisions. Les trois mines africaines d'Uramin ne produisent rien actuellement et leur développement va être gelé, selon nos informations.

Outre son montant, qui a toujours semblé excessif aux observateurs qui estimaient la valeur d'Uramin entre 600 et 800 millions de dollars, cette acquisition soulève des questions plus insidieuses parmi les détracteurs d'Anne Lauvergeon. "Le cours d'Uramin n'a fait que monter les semaines précédent l'offre d'Areva. Est-ce que l'information avait fuité ?", s'interroge un industriel. "Qui a profité de cette hausse ?", ajoute-t-il. "D'ailleurs, onze jours avant l'OPA, Uramin a mis dans une autre société ses mines les plus prometteuses, au Niger, et son cours n'a pas fléchi", affirme encore cette source.

Ce prix élevé reflète-t-il l'entêtement d'"Atomic Anne" au moment où le bruit courait que la Chine prévoyait une pénurie d'uranium et convoitait toutes les mines de la planète, dont celles d'Uramin ? Certainement. L'ex-patronne d'Areva avançait, elle, une autre explication. "C'est la faute de l'Etat qui a refusé trois fois qu'on achète le gisement géant d'Olympic Dam en Australie. Pourtant, cela n'exigeait pas de cash. On l'aurait échangé contre 8% du capital d'Areva", soulignait-elle avant son départ du groupe le 1er juillet. "On a dû se rabattre sur la dernière junior à vendre", soupirait-elle. En 2007, Anne Lauvergeon configurait son groupe en prévision d'une renaissance du nucléaire.

Aujourd'hui, le conseil d'Areva, d'une part, les "services" du ministre Eric Besson, d'autre part, lancent des enquêtes sur cette opération. Cet achat avait été validé par les services de Bercy, tutelle d'Areva, entre le 7 et le 24 mai 2007, pendant la passation de pouvoir entre Thierry Breton et son fugace successeur Jean-Louis Borloo, a relevé le député socialiste Marc Goua, dans son rapport intérimaire sur les comptes d'Areva.