International Power : pourquoi GDF Suez a dû remettre 8,5 milliards au pot

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  662  mots
Gérard Mestrallet scelle son accord de fusion avec les dirigeants de IP en aout 2010
Jeudi 7 juin, les actionnaires minoritaires du producteur britannique d'électricité sont appelés à valider l'achat par GDF Suez des derniers 30% de leur groupe. Une opération à 8,5 milliards d'euros rendue nécessaire par une clause inconnue, inscrite dans l'accord initial entre les deux entreprises. Explications.

Sauf surprise de dernière minute, jeudi 7 juin devrait voir l'épilogue du rachat du producteur britannique d'électricité International Power (IP) par GDF Suez. Les actionnaires qui détiennent 30% d'IP sont appelés à approuver l'offre de rachat de GDF Suez. A la surprise générale, le géant franco-belge de l'énergie avait annoncé fin mars son intention de racheter pour 7 milliards d'euros les 30% qu'il ne détenait pas dans IP. Depuis, il a relevé son offre à 8,5 milliards d'euros. Une opération qui avait étonné, car Gérard Mestrallet s'était copieusement félicité, mi 2010, d'avoir mis la main sur 70% d'IP en ne déboursant que 1,7 milliard d'euros de cash grâce à une fusion partielle.
Pourquoi cette brusque envie de changer la donne, obligeant au passage GDF Suez à beaucoup d'efforts pour financer cette deuxième transaction ? Selon nos informations, l'accord de fusion, conclu l'été 2010 après douze mois d'intenses tractations, obligeait GDF Suez, actionnaire à 70%, à couvrir 100% des besoins financiers d'International Power. Une pilule dure à avaler pour celui qui ne va empocher que 70% des bénéfices. Une situation devenue carrément intenable lorsque le nouvel International Power, grossi des d'actifs de GDF Suez implantés dans les pays émergents les plus dynamiques, a commencé à exploser en Bourse pendant que sa maison mère plongeait. Depuis un an, le titre de GDF Suez a chuté de 38,3% quand sa filiale International Power a, elle, bondi de 31,5%.

Un effet ciseaux en Bourse non prévu

« Nous n'avions pas prévu cet effet ciseaux », avoue un haut dirigeant du groupe. Or, GDF Suez a presque désespérément besoin de croissance. Il ne peut pas se permettre de ne plus être associé par le marché à ses juteux contrats en Amérique Latine, au Moyen Orient, ou en Asie, où la croissance est très largement supérieure aux 0,5 à 2% enregistrés dans l'OCDE. Lors de la publication de ses résultats 2011, le 9 février dernier, le titre a enregistré la plus forte baisse du CAC 40, en perdant plus de 4%, parce qu'il s'est « contenté » de prévoir des résultats « au moins stables » en 2012, repoussant ses promesses de croissance à 2015. Il avait engendré la même déception en 2010.
Ceci dit, même s'il avait anticipé en amont l'effet fâcheux cette perception des marchés, GDF Suez n'avait pas tout à fait le choix lors du premier accord mi 2010. « Nous n'avions alors pas l'argent pour acheter 100% d'IP. Et surtout nous redoutions une contre-offre si nous lancions nous même une OPA classique », souligne une source interne. A l'époque, IP pesait 20 milliards de livres sterling en Bourse.

Cette filiale de GDF Suez pèse en Bourse autant qu'EDF
Pour réunir aujourd'hui les 8,5 milliards d'euros nécessaires au rachat des 30% restant d'IP, GDF Suez n'épargne pas ses efforts. Un tiers est obtenu par le paiement en titres d'une partie des dividendes 2011 et 2012 à ses actionnaires, un autre tiers grâce à une émission récente d'obligations au taux très avantageux de 2,25%, le dernier tiers proviendra du programme de cessions d'actifs du groupe. Déjà après la première opération, en 2010, GDF Suez avait du accélérer son programme de vente d'actifs pour faire face à l'alourdissement de sa dette, qui était passée de 33,5 à 44,2 milliards d'euros, en raison du fort endettement d'IP.
Deux conditions doivent encore être remplies jeudi 7 juin pour que GDF Suez puisse conclure cette longue opération. Réunis en assemblée générale extraordinaire, au moins 75% des actionnaires minoritaires d'International Power doivent voter et ils doivent être 50% à l'approuver. « Nous sommes confiants, mais on ne sait jamais », glisse-t-on prudemment chez GDF Suez. Le groupe a néanmoins pris soin d'obtenir l'aval d'un certain nombre de grands actionnaires minoritaires. En attendant, un constat réjouit beaucoup dans les couloirs du géant de l'energie : la valorisation actuelle d'IP en Bourse (entre 26 et 27 milliards d'euros) dépasse certains jours celle d'EDF. « Et ce n'est qu'une de nos cinq branches », sourit-on en interne.