Prix des carburants : les associations de consommateurs remontées avant leur rencontre avec Moscovici

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  817  mots
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Pierre Moscovici réserve ce lundi la primeur de ses mesures pour lutter contre l'envolée des prix du carburant aux associations de consommateurs qu'il recevra cet après midi à Bercy. UFC-Que Choisir et la CLCV sont loin d'être convaincues par les dispositions déjà annoncées.

Les associations de consommateurs restent assez insensibles au geste du gouvernement qui leur réserve la (presque) primeur des mesures de lutte contre la flambée des prix à la pompe en les recevant lundi à Bercy. Et pourtant le ministre de l'économie Pierre Moscovici et celui de la consommation Benoit Hamon présenteront dès lundi à l'UFC-Que Choisir et à CLCV leur dispositif, tandis que les distributeurs pétroliers devront, eux, attendre mardi pour en prendre connaissance.

Cette marque d'égard ne suffit pas à leur faire approuver les deux mesures déjà dévoilées : une baisse « modeste » et « provisoire » des taxes sur les carburants et la mise en place d'un « organisme de surveillance de l'élaboration des prix", dans le but de vérifier que les stations-essence ne gonflent pas indûment leurs marges. « Avec cette baisse des taxes, le gouvernement est complètement à côté de la plaque », lance Alain Bazot, président de l'association UFC-Que Choisir. «Avec cette mesure, l'Etat va s'appauvrir, alors qu'il ne peut pas se le permettre, et le consommateur ne va rien sentir », ajoute-t-il. « Le gouvernement désigne inutilement les distributeurs à la vindicte populaire avec cet observatoire. Le problème des prix des carburants ne vient ni des taxes, ni des marges de distribution, mais des marges de raffinage », affirme-t-il.

"Ce n'est pas à la hauteur de la situation"
« La baisse des taxes, c'est bien quand l'essence vaut très peu cher. Aujourd'hui c'est autre chose qu'une petite mesure qu'il faut prendre », enchérit Reine-Claude Mader, présidente de la CLCV. « Nous ne sommes pas contre la mise en place d'un observatoire, nous l'avons même demandé, mais cette mesure n'est pas à la hauteur de la situation », ajoute Thierry Saniez, de CLCV. « Quand vous avez un problème, vous voulez des solutions pas un observatoire pour analyser le problème ».

Un des rares à afficher une certaine satisfaction, c'est l'association « 40 millions d'automobilistes » qui profite du débat actuel pour tenter de se hisser dans la cour des interlocuteurs de l'Etat sur ce dossier. « On salue la création de cet organisme. On sera vraiment heureux si les automobilistes sont intégrés à cet outil », déclare Pierre Chasseray, délégué général de l'association qui compte 320.000 membres. Et il affiche son programme : « On espère que cet organisme se réunira souvent. Si on l'intègre, on veillera à ce qu'il ne soit pas une coquille vide mais un outil de défense du pouvoir d'achat de l'automobiliste ». Il a envoyé une demande écrite à Bercy pour faire partie des invités lundi. Sans réponse à ce jour.

"Il faut une baisse radicale des taxes"

Si elles jugent les initiatives actuelles du gouvernement insuffisantes, les associations de consommateurs proposent, elles, des plans d'actions plus larges. Pour CLCV, il faut s'attaquer aux quatre composantes du prix du carburant : les taxes, les marges de distribution et de raffinage mais aussi au prix mondial du brut. Il faut d'abord baisser radicalement, et non pas « modestement », le poids des taxes. « Est-ce normal qu'un produit qui est une dépense contrainte pour des milliers de gens, et qui est en train de devenir inabordable, soit taxé au deux tiers ? » s'exclame Thierry Saniez, qui n'exclut pas que cette baisse s'accompagne d'un hausse de la fiscalité sur d'autres domaines.

« Pourquoi les raffineurs ont-ils multiplié leurs marges par trois depuis dix ans ? et les distributeurs par deux ? », s'interroge-t-il, n'hésitant pas à contredire les affirmations des professionnels. Eux-même confortés par un rapport récent de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que la Tribune s'est procuré. Pour Alain Bazot, d'UFC-Que Choisir, c'est même la question centrale. « « Il n'est pas normal que toute la société souffre au bénéfice d'une seule entreprise, Total, qui affiche des profits faramineux complètement illégitimes ». « Avec les nombreuses fermetures récentes de raffineries en Europe, la stratégie des pétroliers est clairement de raréfier le produit. Et donc de le rendre plus cher », affirme le président de l'association.

Les deux associations de consommateurs se rejoignent également pour demander une approche européenne, voire mondiale, de régulation du marché pétrolier. Et une politique française volontariste de sortie du pétrole. « Il faut sortir les Français de la dépendance au pétrole. Cela devrait être la priorité numéro un, en développant notamment des alternatives à l'automobile, dans les zones péri-urbaines notamment », estime Alain Bazot.

En attendant, ils restent prudents sur les idées qui circulent actuellement : des chèques-carburants distribués par les entreprises (« Qui paierait ? quid des non salariés ? », s'interroge Thierry Saniez), ou du retour des vignettes. « Un système qui permettrait le financement solidaire par les populations aisées des centre ville des populations des zones rurales à revenus modestes ? c'est séduisant, mais très schématique », commente-t-il.