Electricité : la France sous la menace d'une coupure de courant... en 2016

Par Dominique Pialot  |   |  825  mots
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A partir de 2016, il manquera en France 1,2 GW de capacité installée. Une défaillance n'est pas à exclure même si le gestionnaire du réseau électrique français RTE, qui a présenté ce mercredi son bilan prévisionnel de l'équilibre entre l'offre et la demande en électricité à cinq ans, reste rassurant.

"N?oubliez pas l?intendance !". Tandis que sont débattues la tarification de l?énergie et la composition du mix énergétique, le président du directoire de RTE, Dominique Maillard, rappelle que ces débats, aussi essentiels soient-ils, ne peuvent se tenir en faisant abstraction des conséquences sur le réseau de transport de l?électricité. A l?inverse, ni le coût de financement ni le pouvoir d?achat des ménages ne sont pris en compte dans les prévisions sur l?équilibre entre l?offre et la demande en électricité dans les prochaines années que RTE présente chaque année.

Des pointes de consommation de plus en plus élevées

Dans un contexte de ralentissement de la croissance économique et donc de moindre augmentation de la consommation en énergie et en eléectricité en particulier, la France a tout de même battu cet hiver son record, avec une pointe de consommation de plus de 100.000 gigawatts (GW). En effet, alors que l'évolution de la demande ralentit, la pointe de consommation augmente deux à trois fois plus rapidement. Et ce, d?autant plus que les usages français de l?électricité (majoritairement le chauffage électrique) sont très sensibles aux variations de température : de 2100 à 2400 MW supplémentaires par degré !

L'offre et la demande équilibrées jusqu'en 2015

Côté prévision de l?offre, les calculs de RTE tiennent compte de l?entrée en production de Flamanville à partir de 2016, de l?arrêt de Fessenheim en 2017, et du déclassement de 4 GW de turbines fonctionnant au fioul lourd et 3,6 GW fonctionnant au charbon. Mais aussi de 5 GW de photovoltaïque installés dès 2016 (en avance sur les objectifs du Grenelle de l?Environnement) et 11 GW d?éolien à terre (très en dessous des objectifs prévus).

Sur la base d?une demande dont l?évolution n?est pas aisée à anticiper, RTE conclut néanmoins que l?équilibre offre/demande est assuré jusqu?à 2015 inclus. A compter de 2016, pour respecter le plafond de 3 heures pour "l'espérance de durée de défaillance" (terme barbare mesurant la probabilité et la durée d?une coupure de courant), il manquera 1,2 GW de capacité installée. Face à ce léger déficit, RTE se veut très rassurant : "La sous-capacité apparente est compatible avec les marges d?ajustement", insiste Dominique Maillard. Pour y remédier, plusieurs pistes sont possibles : accroître les capacités de production ou d?effacement (suprression ou décalage de la consommation sur une période de moindre tension), augmenter le volume d?électricité échangé avec les pays voisins ou encore agir sur la demande grâce à un meilleure efficacité énergétique.

L'acceptabilité des projets, le plus gros frein

A l?horizon 2030, pour répondre à une demande annuelle en électricité évaluée dans une fourchette de 470 à 590 Twh, RTE mise surtout sur l?augmentation des capacités d?interconnexion, d?autant plus déterminantes que la part d?énergies renouvelables dans le mix sera importante. Il faudra alors équilibrer l?intermittence de la production entre différents climats. Mais l?effort à consentir est de taille. Dans les 20 dernières années, ces capacités d?interconnexion ont été accrues de 5 GW quand il en faudrait, selon les scenarios, jusqu?à trois fois plus dans les 15 ans à venir. Les projets les plus avancés concernent la liaison avec l?Espagne, où les travaux sont en cours, avec l?Italie, où une interconnexion importante est déjà en place ou encore avec l?Angleterre, en plus du projet de ligne marchande d?Eurotunnel. Bien sûr, c?est à la frontière Nord (Belgique, Pays-bas, Allemagne) qu?il faut se renforcer le plus.

Aux yeux de Dominique Maillard, les enjeux se posent moins en termes financiers (même si l?obtention de crédits en période de crise n?est pas une sinécure) qu?en termes de calendrier et d?acceptabilité des projets par les citoyens. Un projet de déclaration d?intérêt économique européenne pourrait remédier à la complexité des procédures administratives, à condition de ne pas se superposer aux réglementations nationales.

Pas d'innovation de rupture attendue sur le stockage

Selon les secteurs, l?amélioration de l?efficacité énergétique peut avoir un impact significatif sur la demande. Ainsi, dans le résidentiel, la baisse de consommation prévue à l'horizon 2030 varie de 8,9 térawattheures (TWh) dans le scénario de référence à 15,3 TWh dans le cas d?une plus grande maîtrise de la demande en énergie (MDE).

En revanche, à court terme RTE n?intègre pas d?innovations technologiques majeures en matière de stockage. "Cela ne sert à rien de rêver trop tôt, déclare Dominique Maillard. Dans les cinq à dix ans, nous devons raisonner sur la base d?autres solutions". Pourtant, d?autres pays comme la Suisse ou l?Afrique du Sud, mènent actuellement des expériences.