L'incident de Fessenheim peut-il relancer le débat sur la sûreté des centrales nucléaires françaises ?

Par Michel Cabirol  |   |  778  mots
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Un incident a eu lieu mercredi à la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). Le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, François de Rugy, a déclaré mercredi que l'incident à la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) venait "rappeler à tout le monde qu'il y a un danger avec le nucléaire".

Un incident a eu lieu mercredi à la centrale nucléaire de Fessenheim, dans l'est de la France. Des pompiers du département ont fait état de blessés sans pouvoir préciser leur nombre et la gravité des blessures. EDF dément.  "Le 5 septembre 2012 à 15h00, lors d?une manutention d?eau oxygénée dans la partie nucléaire de l?installation, un déversement du produit a provoqué un dégagement de fumée conduisant à l?intervention des secours EDF et des pompiers. Le personnel a évacué le bâtiment concerné par l?évènement, a expliqué EDF dans un communiqué. Les neuf personnes présentes dans les locaux lors de l?incident, ont été examinées et ne présentent aucune blessure".

"Ce n'est pas un incendie", a estimé la préfecture, selon les premières informations dont elle disposait. "Il y a eu un dégagement de vapeur d'eau oxygénée produit suite à l'injection dans un réservoir de péroxyde d'hydrogène qui a réagi avec de l'eau", a ajouté un porte-parole. "L?eau oxygénée est utilisée dans le cadre de manoeuvres d?exploitation courantes", a précisé EDF. Les pompiers du Haut-Rhin "sont en cours d'intervention, avec une cinquantaine d'hommes sur place", a précisé un officier du Centre Opérationnel Départemental d'Incendie et de Secours (Codis). "D'après les premières informations, il y a des victimes, mais nous n'en savons pas plus pour l'instant", a-t-il ajouté.

Les écologistes montent au créneau

Le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, François de Rugy, a déclaré mercredi que l'incident à la centrale nucléaire de Fessenheim venait "rappeler à tout le monde qu'il y a un danger avec le nucléaire". "Cette nouvelle vient rappeler à tout le monde, à tous ceux qui croyaient qu'avec le nucléaire il n'y avait pas de problème de sécurité, qu'il y a toujours un danger", a-t-il expliqué, tout en restant "prudent" en attendant davantage d'informations. "François Hollande a pris un engagement de fermer Fessenheim, cet engagement, il faut qu'il soit tenu", a ajouté le coprésident du groupe EELV à l'Assemblée nationale. "Quoi qu'il arrive, nous souhaitons un calendrier (de fermeture de Fessenheim) et au-delà, il faut un audit transparent et pluraliste des centrales nucléaires qui puisse juger de nos installations, à commencer par les plus anciennes", a-t-il insisté.

Selon l'ASN, Fessenheim peut être prolongée à condition de renforcer sa sûreté

La centrale de Fessenheim, qui dispose de deux réacteurs parmi les 34 réacteurs de plus de 900 mégawatts français - les plus anciens - était au coeur de la campagne présidentielle. Faut-il la fermer ? Selon le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), André-Claude Lacoste, la doyenne des centrales nucléaires françaises pourrait être prolongée de dix ans. "Nous sommes amenés à nous prononcer sur le palier 900 MW, c'est-à-dire les centrales nucléaires les plus anciennes du parc français, à l'occasion de la procédure d'autorisation de la prolongation de leur durée d'exploitation de trente à quarante ans. Nous avons déjà émis un avis positif pour les réacteurs Tricastin 1 et Fessenheim 1, respectivement en novembre 2010 et juillet 2011", a-t-il dit rappelé en juillet. Mais pour Fessenheim, l'ASN exige que "le radier du réacteur [la dalle de béton, ndlr] soit renforcé d'ici à juillet 2013, sans quoi nous imposerons son arrêt". "Nous prendrons sans doute les mêmes prescriptions pour Fessenheim 2", a-t-il précisé. Mais, du point de vue de l'ASN, en matière de sûreté, "il n'est pas nécessaire de fermer la centrale si EDF effectue les travaux et investissements qui s'imposent".

D'une façon générale, l'ASN considère qu'à l'issue des évaluations complémentaires de sûreté, que "les installations nucléaires françaises examinées présentent un niveau de sûreté suffisant pour qu'il ne soit nécessaire de fermer aucune d'entre elles". En revanche, "la poursuite de leur exploitation requiert d'augmenter leur robustesse face à des situations extrêmes dans les meilleurs délais", a-t-il expliqué. Parmi les mesures nouvelles imposées : la mise en place d'un "noyau dur", "c'est-à-dire d'un ensemble de dispositions matérielles et organisationnelles destinées à maîtriser les fonctions fondamentales de sûreté - alimentation en eau, alimentation électrique". Le noyau dur se traduit, dans le cas des centrales EDF, par la construction d'un centre de gestion de crise "bunkérisé", résistant à des agressions encore plus fortes que ce que peut subir le reste des installations, et par l'installation d'un diesel de secours supplémentaire intégré au "noyau dur".