Débat sur l'énergie : « un accouchement dans la douleur »

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  985  mots
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Lancé officiellement jeudi, le débat national sur la transition énergétique « accouche » réellement « dans la douleur », comme l'a reconnu Laurence Tubiana, membre du comité de pilotage. Malgré un mois de retard à l'allumage, son organisation reste encore très floue.

« Comme vous le savez, ce débat accouche dans la douleur », a souri d'entrée de jeu Laurence Tubiana, membre du comité de pilotage du débat national sur l'énergie. « D'ailleurs, Thierry Wahl, secrétaire général du débat, est actuellement à l'hôpital », a-t-elle enchaîné en élargissant son sourire. « Mais il sera sur pied lundi avec une équipe solide », a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse dans l'hôtel particulier qui abrite boulevard Saint Germain le cabinet de la ministre de l'écologie et de l'énergie, Delphine Batho.

Un "marqueur" ... de désorganisation !

C'est en effet à un «accouchement » difficile auquel on assiste. Le débat national sur la transition énergétique, de son vrai nom, est réputé être conçu par François Hollande comme « un marqueur » de son quinquennat. Pour l'heure, si son objectif ne manque pas de panache (« un grand débat populaire, citoyen qui va contribuer à la prise de décisions majeures pour les décennies à venir », selon Delphine Batho), ce débat marque surtout la désorganisation du ministère de l'énergie, si ce n'est du gouvernement.

Un "Conseil" dont la composition n'est pas encore complétement arrêtée

Au moment où se réunissait pour la première fois ce jeudi après midi le « Conseil national du débat », sorte de Parlement qui va mener jusqu'à fin juin prochain ce débat, nul n'en connaît la composition. Pour une bonne raison, elle n'est pas arrêtée ! « La structure des membres est fixée mais sa composition précise ne l'est pas. Certains collèges doivent être complétés, d'autres élagués », a précisé Laurence Tubiana, président de l'Iddri, officiellement chargée de faciliter les discussions dans le comité de pilotage. Une seule certitude : le Conseil est composé de 7 collèges, rassemblant chacun 16 représentants de : l'Etat, des syndicats, des employeurs, des ONG environnementales, des associations de consommateurs, des élus locaux et des parlementaires.

7 sièges pour le Medef
Pour savoir qui était présent à cette première réunion, il fallait jeudi après midi, soit faire le pied de grue boulevard Saint Germain pour guetter la sortie de la réunion à huis clos, soit, plus confortablement, scruter les visages sur les photos expédiées sur Twitter notamment par Denis Baupin, député EELV. Impossible de savoir combien de membres ont déjà été désignés et conviés. En insistant très fortement, les journalistes n'ont obtenu du ministre de l'énergie qu'une liste précisant le type d'organismes invités. Exemple : dans le collège employeurs, on compte 7 sièges pour le Medef, 4 pour la CGPME, deux pour l'UPA, trois pour la FNSEA !

Quelles fédérations professionnelles ? quelles producteurs d'énergie ?

Alors qu'il se susurre que le Medef sera représenté par certaines de ses fédérations représentant les utilisateurs d'énergie (bâtiment, chimie) mais aussi les producteurs d'énergie (UFE pour l'électricité, UFIP pour le pétrole, AFG pour le gaz). Difficile à vérifier, la plupart des intéressés n'en savaient rien encore mardi. Les producteurs d'énergie, comme EDF, GDF Suez ou Total, devraient par ailleurs être représentés, en direct et/ou via leurs fédérations, dans le « groupe de contact des entreprises de l'énergie », dont le principe a été arrêté tardivement.

Et le SER ? s'étrangle le Syndicat des énergies renouvelables

Dans cette panique, le Syndicat des énergies renouvelables s'inquiète de ne pas être invité au « Conseil ». « Ce n'est pas une fédération du Medef. Ce n'est pas possible. Au conseil, siègent des organismes représentatifs et non pas des invités du gouvernement, comme à la conférence environnementale », précise Delphine Batho. « De toute façon , le SER n'a pas à être traités différemment des autres producteurs d'énergie qui sont dans le « groupe de contact », ajoute-t-elle.

L'UFC-Que Choisir invité à la dernière minute

Même cafouillage, côté associations. Mardi après-midi, UFC-Que Choisir n'était pas invité. Aujourd'hui, son nom est sur le « canevas » remis par le ministère. Pourtant, le principe de ce débat a été annoncé en juin, son organisation largement calée dès cet été, notamment par le cabinet de conseil Transitions fondé par Bruno Rebelle, ex-directeur de Greenpeace France, membre du comité de pilotage .

Un siège pour la Ligue pour la protection des oiseaux

Information de la journée : France Nature Environnement, WWF, Fondation Nicolas Hulot et Agir pour l'environnement auront chacun deux sièges dans le collège ONG environnementales. Aux côtés de Ecologie sans frontière, LPO (Ligue pour la protection des oiseaux ?), Humanité et diversité, RAC (Réseau action climat ou Rassemblement pour l'abolition de la chasse ?), le CLER (Comité de Liaison Energies Renouvelables), 4 D (Dossiers et débats pour le développement durable), GoodPlanet, la fondation de Yann Arthus Bertrand, qui ont un siège chacune.

Une brochette d'élus EE-LV

Pour l'heure, on n'en saura pas plus. Ah si, on reconnaît sur les photos un grand nombre d'élus EE-LV : Baupin, Porquier, Gassin, Dantec, Cochet ...Pour le reste, rendez-vous le 13 décembre, date de la prochaine « plénière » du Conseil (qui se réunira une fois par mois), pour connaître les noms des 112 membres du Conseil mais aussi son « plan de travail », les thèmes qui seront abordés jusqu'en juin, la forme des auditions qu'il organisera, la composition du « comité des experts » chargés d'alimenter le débat en données et synthèses.... Bref, ce que sera réellement ce débat qui a fait mine de s'ouvrir jeudi.
On peut peut-être espérer connaître aussi à cette date les 6 à 8 groupes de travail qui devraient être mis sur pied au sein du conseil. Mais c'est surement un peu prématuré.