Areva : les hypothèses se multiplient autour de l'agression d'une responsable syndicale

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  731  mots
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Après la violente agression dont a été victime lundi la secrétaire du comité de groupe européen d'Areva, tout le monde s'interroge, soupçonne le camp adverse. Toutes les hypothèses sont sur la table. Anne Lauvergeon, ex patronne d'Areva, a été entendue jeudi comme témoin.

Chez Areva, la stupéfaction laisse peu à peu place aux spéculations. La violente agression dont a été victime Maureen Kearney, secrétaire CFDT du comité de groupe européen, ouvre la porte à toutes les hypothèses. Le comité de groupe européen est en plein bras de fer avec Luc Oursel, patron d'Areva, pour obtenir une copie de l'accord signé fin octobre par EDF, Areva et l'électricien chinois CGNPC. Donc, certains regards se tournent en priorité vers ce dossier pour tenter d'expliquer le « saucissonnage » subi par Maureen Kearney, qui est restée ligotée et bâillonnée cinq heures chez elle lundi matin.

"Un lien quasi direct avec Areva"

A ce stade, les deux camps ont des versions opposées. "Des éléments, encore secrets, de l'agression établissent un lien quasi direct avec Areva", affirme-t-on dans l'entourage de la déléguée syndicale. C'est tellement énorme, nous assure-t-on, que cela pourrait même faire penser à un leurre. « Il est évident que la sauvage agression dont a été victime Mme Kearney n'a rien à voir avec ses fonctions syndicales. Affirmer le contraire n'a aucun sens », affirme de son côté Jean Rheinart, l'avocat d'Areva.

"Libération" poursuivie en diffamation par Areva
La piste professionnelle attire l'attention car, selon Libération qui a révélé l'affaire mercredi, l'agresseur aurait lancé « c'est le deuxième avertissement. Il n'y en aura pas de troisième ». Selon le quotidien, la responsable syndicale aurait reçu dernièrement des menaces téléphoniques. Areva, de son côté, a immédiatement fait connaître son intention de poursuivre en justice Libération « pour le traitement diffamatoire qu'il fait de cette affaire dans son édition du 19 décembre, en indiquant par des raccourcis et des parallèles douteux qu'Areva pourrait avoir une quelconque responsabilité dans l'agression de l'une de ses salariés ».

Anne Lauvergeon entendue ce jeudi comme témoin

La réaction d'Areva a-t-elle été d'autant plus vive qu'Anne Lauvergeon, ancienne patronne d'Areva, préside le conseil de surveillance de Libération ? En tout cas, « Atomic Anne » a été ce jeudi entendue comme témoin par les gendarmes de la section de recherche de Versailles, en charge de cette affaire. Les deux femmes se sont longtemps côtoyées.

"Intimidation"

Précisément, selon l'avocat du comité de groupe européen, la direction actuelle d'Areva tentait de discréditer Maureen Kearney, notamment en soulignant ses liens avec Anne Lauvergeon. « Il y avait une ambiance d'intimidation envers elle de la part de la direction d'Areva, en particulier une volonté de l'isoler vis-à-vis de ses collègues du comité de groupe européen, considérant qu'elle était à la tête d'une sorte de combat contre les hauts dirigeants du groupe », a expliqué l'avocat Rachid Brihi à Libération.

"A qui profite le crime ?"

Pendant ce temps, les spéculations vont bon train. « A qui profite le crime ? », tente de raisonner un syndicaliste d'Areva. « On ne voit pas. Si cet acte devait avoir un rapport avec les activités syndicales de Maureen, il serait totalement contre-productif en attirant au contraire l'attention sur cet accord secret », souligne-t-il.

Une relation conflictuelle, certes, mais courante

« Effectivement, ces derniers temps le conflit avait pris une tournure plus personnelle entre Oursel et Maureen », témoigne un autre syndicaliste d'Areva. « Mais c'est un classique des rapports direction / syndicats. On est très aguerris par rapport à ce genre de pratique. Et heureusement, il n'est jamais rien arrivé de ce type », affirme-t-il avant d'ajouter « On ne peut rien exclure. Chez Areva, il peut y avoir des gens incontrôlables ».

Un acte isolé ?

L'enquête n'exclut rien non plus. Ni l'aspect professionnel, ni l'entourage personnel de la responsable syndicale. « On ne peut pas écarter un acte isolé », insiste un collègue de Maureen Kearney. Tout le monde en interne s'accorde sur le même souhait. « On attend un dénouement rapide », espère un délégué syndical. « J'espère que l'enquête ira jusqu'au bout, même si le sujet nucléaire est sensible, et même si des intérêts haut placés sont en cause », précise un de ses collègues.

Luc Oursel, PDG d'Areva, n'a pas été entendu. « Ce n'est pas prévu », affirme l'avocat d'Areva Jean Reinhart. « Mais si le parquet le souhaite, il apportera volontiers son témoignage pour que la justice fasse son travail », assure l'avocat.