Areva : la tension monte autour de l'accord nucléaire avec EDF et la Chine

Des représentants du comité de groupe européen d'Areva doivent rencontrer ce lundi la direction du groupe nucléaire. Ils exigent que leur soit transmise une copie du protocole d'accord signé le 19 octobre entre EDF, Areva et l'électricien chinois CGNPC. L'opacité autour de cet accord attise leurs craintes d'un transfert de technologies vers la Chine.
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"Si ce protocole d'accord porte sur les marchés nucléaires internationaux, on est mort. Cela ouvrira aux Chinois les portes de l'export", lance un délégué syndical d'Areva, résumant l'inquiétude en interne. Les salariés du constructeur nucléaire ont peur que cet accord, négocié dans le plus grand secret par EDF depuis de longs mois avec un électricien chinois, laisse à Areva la portion congrue. Et forme un nouveau concurrent dont les coûts de production risquent d'être imbattables.

Le comité de groupe européen menace d'une action en référé

Sans aucune information officielle sur ces négociations qui, selon eux, peuvent menacer leurs emplois, les représentants européens des salariés d'Areva ont voté la semaine dernière une motion exigeant que la direction leur remette une copie du protocole d'accord dont ils ont appris la signature par la presse. Cette exigence a suscité la fureur de la direction d'Areva. "La direction joue le bras de fer. C'est un dialogue de sourd. Cela ne se passait pas comme ça avant", soupire un délégué syndical en faisant allusion à "l'ère Lauvergeon". Le comité de groupe européen menace d'une action en référé pour délit d'entrave si sa demande n'est pas satisfaite dans les meilleurs délais.

Luc Oursel élude la question sur "France Inter"

Luc Oursel, patron d'Areva, interrogé samedi matin sur "France Inter", s'est contenté de préciser que l'expert désigné par les élus "aurait tous les éléments". Ce qui n'a pas manqué de susciter l'agacement des syndicats. "C'est à nous qu'il faut transmettre les informations", s'irrite un membre du comité de groupe européen. Une rencontre, prévue initialement vendredi, a été reportée à ce lundi matin entre le bureau du comité de groupe européen, la direction des ressources humaines et l'expert désigné par les élus.

EDF et l'électricien chinois négociaient à deux

Les salariés et syndicats d'Areva ont de quoi avoir peur. Fin septembre, "Le Nouvel Observateur" publiait des extraits d'un précédent protocole impliquant les seuls EDF et CGNPC, l'électricien chinois. On y découvrait qu'EDF avait tenté de faire avaliser en urgence en avril 2012, au précédent gouvernement, un accord cadre qui donnait à CGNPC l'exclusivité des droits de propriété sur le c?ur du futur réacteur 1.000 MW que les deux électriciens veulent développer ensemble. Et ce, en contradiction avec les consignes de l'Elysée qui, à plusieurs reprises, dont le 8 février 2012, avait demandé qu'Areva soit dans la boucle. Méfiant, Nicolas Sarkozy avait même placé ces négociations "tripartites" sous l'autorité de l'administrateur général du CEA. Et avait exigé que les étapes clées soient validées par le gouvernement.

Même Bercy n'était pas tenu au courant

Il est probable qu'EDF n'ait pas la volonté d'évincer Areva de son projet de réacteur 1.000MW mais qu'il envisage seulement de recourir au constructeur comme un prestataire, en second rang. Dommage que l'électricien refuse de s'exprimer à ce sujet. De son côté, Areva n'en dit pas beaucoup plus, se contentant de répéter que "EDF et Areva travaillent en étroite coopération sur un nouveau réacteur 1.000 MW". Peut être, mais ni les salariés, ni le précédent gouvernement (comme en témoignent des notes de Bercy publiées par le "Canard Enchainé" le 3 octobre dernier), encore moins l'opinion publique, n'en savent rien.

Les Chinois s'approprient la technologie nucléaire à toute vitesse

L'enjeu est énorme pour la filière française. Il s'agit pour elle de garder une part du marché nucléaire chinois où vont se construire l'essentiel des futurs nouveaux réacteurs. Tandis que les Chinois, eux, sont à la recherche d'un coup de pouce à l'export. Et qu'ils ont fait la preuve d'une formidable capacité de "sinisation" des compétences nucléaires. EDF et Areva ont construit la première centrale de Chine, à Daya Bay, à partir de 1986. Depuis, une filière entière a été mise sur pied sur place, permettant d'ériger près d'une vingtaine de "répliques". Et cela continue. "Le c?ur du premier des deux EPR qu'EDF et Areva construisent actuellement à Taishan, a été forgé et assemblé en France, à Saint Marcel. La cuve et les générateurs de vapeur du second EPR chinois ont été forgés au Japon et assemblés en Chine", affirme un délégué syndical d'Areva.

Les négociations se poursuivent

Dans ce contexte, les salariés d'Areva ont été surpris d'apprendre par la presse régionale que le 19 octobre avait été signé en Avignon un "protocole d'accord" entre EDF, Areva et CGNPC. "A chaque fois qu'on posait la question à la direction ces derniers mois, elle nous répondait que rien n'était fait", souligne un responsable syndical. De son côté, EDF précise que ce protocole n'est qu'une "toute première étape". Les trois partenaires doivent "dans les prochaines semaines" poursuivre leurs négociations sur le design du réacteur et sur l'ingénierie du projet, indique l'électricien.

Atmea ou pas ?

Le c?ur du sujet reste donc entier. EDF et Areva bataillent surtout pour savoir si le réacteur 1.000 MW développé par Areva et le japonais MHI, baptisé Atmea, servira de fondement au futur réacteur franco-chinois. EDF n'y est pas favorable, considérant l'Atmea, petit frère de l'EPR, comme trop complexe et trop cher. Si l'Atmea n'est pas retenu, Areva serait de fait écarté car le constructeur a signé une clause d'exclusivité avec MHI pour la gamme 1.000 MW. A l'inverse, le design d'un absolu nouveau réacteur prendrait au moins cinq ans à EDF et CGNPC. Un délai rédhibitoire face aux appels d'offres qui se préparent. Si les trois partenaires se tiennent par la barbichette, pour autant, trouver un terrain d'entente, prend du temps ! EDF prévoit une signature de l'accord complet fin 2012 ou début 2013.

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Commentaires 29
à écrit le 27/11/2012 à 16:41
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S'il ne reste plus que cela à notre industrie nucléaire, s'acoquiner avec des dictatures, après la Lybie, l'Arabie Saoudite, le Pakistan, l'Iran, la France se vend à la Chine dans un finish redoutable avec transfert massif de technologie à une dictat...

à écrit le 27/11/2012 à 11:30
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Je sais rien à voir avec la choucroute, mais depuis QUAND "clé" est-il un adjectif ?

à écrit le 27/11/2012 à 9:57
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Le nucléaire c'est terrible, j'espère que les Chinois n'auront jamais un incident sur leur sol, je ne comprends pas d'ailleurs que ce grand pays en plein essor ne se tourne pas vers d'autres technologies: eolien, solaire, photovoltaique....., le nucl...

le 27/11/2012 à 16:45
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L'éolien vient de dépasser le nucléaire en Chine depuis septembre 2012, donc ça avance !

le 27/11/2012 à 22:24
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Le nucléaire, qu'est-ce? C'est de l'électricité en grande quantité, ce sont des milliers d'emplois générés, le kW le moins cher, et j'en passe. On ne peut pas en dire autant des énergies renouvelables: chères, intermittentes (même quand elles fonctio...

à écrit le 26/11/2012 à 23:44
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Il y a 4 centrales EPR en construction : Finlande, France, 2 Chine. Avec des délais de mise en service incertains. Si le premier EPR mis en production est chinois, ce sera bien grâce aux ingénieurs chinois.

à écrit le 26/11/2012 à 20:59
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En attendant, heureusement qu'il y a des pays comme la Chine qui permettent l'expansion du nucléaire dans le monde. Se priver de cette énergie, c'est se priver de l'avenir. Ce n'est pas avec des éoliennes et des panneaux solaires que le monde avancer...

le 26/11/2012 à 22:53
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ca n'est pas non plus en laissant des pays découvrir du jour au lendemain des technologies comme celles là que l'on peut être rassurés. Quand on voit les dégats que cela peut faire chez leur voisin qui, pourtant, les exploitaient depuis quelques décé...

le 27/11/2012 à 22:20
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Lorsque l'on ne sait pas se servir d'une énergie, et bien on ne s'en sert tout simplement pas (ex: Japon), et on se dirige vers des énergies qui demandent moins d'innovations et moins d'intelligence: le solaire, l'éolien... L'EPR est de conception fr...

à écrit le 26/11/2012 à 20:38
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Quand je vois des politiques comme Raffarin baigner dans une naïveté sans nom avec la Chine, je me dis qu'on est mal barrés! Cette dictature fait tout pour mettre des puissances moyennes à genoux pour en récupérer les technologies les plus avancées. ...

à écrit le 26/11/2012 à 16:43
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Ne jamais sous estimer ses partenaires ou ses adversaires...Les chinois et presque tous les pays asiatiques nous ont prouvé depuis plusieurs années qu'ils sont + forts que nous économiquement et cela ils ne le doivent pas à leurs dirigeants mais à le...

le 20/12/2012 à 20:28
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Tu-144 a fait son premier vol deux mois avant le Concorde.

à écrit le 26/11/2012 à 16:26
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L'avenir du nucléaire? Vendre nos secrets industriels et notre technologie à une dictature... Le nucléaire est définitivement une énergie du passé.

à écrit le 26/11/2012 à 15:51
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E=mc2, distinction savoirs faire et savoir fondamentaux. Faut-il déclarer la notion de brevet caduque voire illégale?! Il est vrai qu'elle permet à des patrons de s'en mettre pleins les poches. Parfois mêmes à des investisseurs. Mais les brevets per...

à écrit le 26/11/2012 à 14:05
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On a peur que les Chinois nous rattrapent et copient nos technologies. Pourquoi ne pas breveter toutes les découvertes scientifiques comme e=mc2 ?

le 26/11/2012 à 19:34
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Il y a longtemps qu'ils nous ont dépassé...Tu vas t'en apercevoir chaque année dans l'évolution de ton pouvoir d'achat et de ton job...si tu EN A UN, car aujourd'hui le nombre de chômeurs + précaires + temps partiels comparé aux actifs "Normaux" on d...

à écrit le 26/11/2012 à 12:44
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il serait très risqué de confier la réalisation des éléments combustibles nucléaires à des étrangers sur lequels notre instance de sécurité n'a pas de prise! En effet, il s'agit de la réalisation de la premières barrière de confinement des produits d...

à écrit le 26/11/2012 à 12:41
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Dans ces hautes technologies la copie n'est pas toujours aussi aisée qu'il peut paraître; c.f. l'exemple récent des déboires des TGV chinois copiés sur le modèle Siemens allemand

le 26/11/2012 à 13:59
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J'allais le dire !

le 26/11/2012 à 14:00
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Avec des retombées ô combien plus graves....

à écrit le 26/11/2012 à 12:37
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Ne s'agit-il pas d'une démarche d'Henri Proglio (du Fouquet's) encouragée alors par l'Elysée?

à écrit le 26/11/2012 à 12:23
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Parmi d'autres, Alcatel a exporté des savoirs faire en Chine, on voit ce qu'il en est aujourd'hui!!! ( Les chinois étant censé ne pas savoir parler Anglais pour exporter!)

à écrit le 26/11/2012 à 12:11
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En France on est fort pour tout tuer. Nu?leaire, gaz ( La?k utilisait une sorte de fracture hydraulique, ce n'est pas moi qui l'ai dit) automobile , acier, telecoms, en jetant les patrons avec l'eau du bain. Nous les ingénieurs pour qui allons nous ...

à écrit le 26/11/2012 à 11:20
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"Même Bercy n'était pas tenu au courant" : c'est pourtant bien l'Etat l'actionnaire principal d'EDF et d'Areva et tous les Français qui sont à l'origine du développement de ces entreprises. Il serait largement temps que le Gouvernement mette un peu d...

à écrit le 26/11/2012 à 11:17
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Baisser son pantalon pour de l'argent c'est honteux. Honte à EDF et AREVA.

à écrit le 26/11/2012 à 10:42
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Pour travailler avec les chinois sur leur projet EPR, la "réflexion" des ingénieurs chinois ne va pas plus loin que la simple comparaison. Ajouter à cela un énorme défaut pour l'export : leur maitrise de l'anglais qui laisse vraiment à désirer. Cela ...

le 26/11/2012 à 14:25
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C'est à peu près ce que les industriels américains et européens disaient de la production aéronautique japonaise du début des années 30...

le 26/11/2012 à 20:43
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Mais ou en est elle aujourd'hui ?

le 27/11/2012 à 9:26
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Effectivement où en est-elle ? Les chinois ne savent pas innover c'est un fait ! Ils inaugurent un porte avion ? La technologie est soviétique. Ils construisent des voitures ? Ce sont des copies conformes (uniquement en apparence) low cost des europ...

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