LIVE Siemens fera une offre à Alstom... à condition d'avoir accès à ses comptes

Par latribune.fr  |   |  1540  mots
Le groupe allemand souhaite lancer une procédure de "due diligence".
Retrouvez les dernières évolutions du dossier Alstom, dans lequel François Hollande a estimé que l'Etat avait "son mot à dire".

La course au rachat d'Alstom est lancée. Depuis vendredi, les annonces, déclarations et rencontrent se succèdent pour l'acquisition de la branche énergie du groupe français convoité par l'américain General Electric et l'allemand Siemens. En France, l'Etat qui n'est plus actionnaire a cependant choisi de s'impliquer dans ce dossier stratégique pour les intérêts français comme le lui permet une loi de 2004. Suivez les dernières péripéties de cette bataille.

  • Siemens exige un mois pour détailler son offre

Le groupe allemand indique dans un communiqué qu'il compte "faire une offre à Alstom". Sans donner davantage de détails sur son contenu, l'entreprise munichoise ajoute:

"Le prérequis est qu'Alstom donne accès à ses comptes détaillés à Siemens et la permission de s'entretenir avec la direction pendant un mois". 

Ces vérifications entrent dans le cadre d'une procédure de "due diligence", habituelle dans le cadre d'un projet d'acquisition éventuelle. 

  • Montebourg prend les devants

Un peu plus tôt, ce mardi Arnaud Montebourg a indiqué aux députés que le dépôt par Siemens d'une offre en vue d'acquérir la branche "Energie" d'Alstom était imminente. "Elle est en train d'être déposée entre les mains du conseil d'administration d'Alstom", a précisé le ministre de l'Economie. 

"Nous avons déjà gagné 48 heures depuis dimanche", a-t-il ajouté. Le gouvernement a bien l'intention de continuer à jouer la montre.  "Et bien nous allons gagner maintenant le temps nécessaire pour que les intérêts industriels de la Nation soient préservés", a-t-il poursuivi. 

  • Plus de temps pour décider? 

Du temps, Paris devrait effectivement en avoir un peu plus. Alstom aurait finalement repoussé sa décision quant à la vente possible de sa division Energie. Selon des sources concordantes citées par Le Monde, la direction de l'entreprise française se donnerait quelques semaines supplémentaires pour négocier avec General Electric Siemens ou d'autres acteurs éventuels. Reuters de son côté évoque "deux à trois semaines" supplémentaires pour décider. 

  • 10 à 11 milliards d'euros?

Le conseil de surveillance de l'entreprise allemande aurait d'ailleurs apporté son soutien au directoire, rapporte le Handelsblatt. D'après le quotidien allemand, Joe Kaeser, le patron de Siemens, aurait évalué entre 10 et 11 milliards d'euros l'activité du groupe français dans l'énergie. 

  • Montebourg réunit les syndicats

Avant un conseil d'administration qui doit se tenir ce mardi soir, le ministre de l'Economie a réuni les représentants syndicaux d'Alstom pour discuter des négociations avec General Electric. A l'issue de cette réunion, il fait déclare :

 "J'ai réuni les cinq centrales représentatives  (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO et CFTC) de manière à les tenir informées des détails de cette opération masquée, réalisée à l'insu du conseil d'administration". 

"Je donne instruction à l'Autorité des marchés financiers d'assurer l'égalité stricte entre l'offre de General Electric et de Siemens. Le gouvernement prendra les moyens nécessaires pour défendre les intérêts de l'Etat", a-t-il en outre assuré. 

  • Vendre des parts dans EDF?

Le Nouvel Observateur suggère que l'Etat pourrait céder une partie des 84% qu'il détient dans EDF, afin de récolter les 6 milliards d'euros nécessaires pour aider Alstom.

Dans le détail, 3 milliards permettrait de financer la sortie de Bouygues, premier actionnaire d'Alstom, les 3 autres milliards allant à une recapitalisation de l'industriel, dont la branche énergie est convoitée par l'américain General Electric et l'allemand Siemens.

David Azéma, directeur général de l'Agence des Participations de l'État, indique pour sa part dans un entretien aux Échos que la question d'une intervention en fonds propres de l'Etat "n'est pas à l'ordre du jour".

  • Autorité des marchés financiers saisie

Les pouvoirs publics devraient saisir l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans la matinée, pour s'assurer que le processus de mise en vente de la division énergie du groupe soit "ouvert, transparent et non discriminable", indique Le Monde citant une source proche du dossier.

  • Les syndicats protestent

Quelques dizaines de syndicalistes CGT et FO d'Alstom se sont rassemblés pour protester contre "le démantèlement" de l'industriel, devant le siège de sa division transports à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) où se tenait un comité central d'entreprise (CCE).

"On demande l'intervention de l'Etat comme il l'avait fait il y a dix ans, en prenant une part au moins temporaire" au capital, "en reprenant la part de Bouygues puisqu'il semble vouloir se désengager", a plaidé Philippe Pillot, délégué central FO. Bouygues contrôle 29,4% du capital.

- - - Lundi 28 avril - - -

La veille, lundi 28 avril, le dossier Alstom a occupé une large partie de l'actualité. Si cela semble gêner la presse étrangère, François Hollande, lui, revendique haut et fort l'intervention de l'Etat dans le dossier Alstom. Selon lui, "l'État a forcément son mot à dire". Il "maîtrise l'indépendance de la France en matière énergétique" et doit veiller à l'amélioration des offres avec pour "seul critère", la "création d'activité et l'emploi" en France. 

"Ceux qui imaginent que ce serait le marché qui détermine mes choix, que ce serait les acteurs privés seuls qui pourraient par les conventions et les contrats déterminer l'intérêt général, se trompent", a ajouté le président de la République devant le corps préfectoral réuni à la Maison de la Chimie.

  • Les protagonistes reçus à l'Elysée

Joignant le geste à la parole, alors que le temps presse, François Hollande a reçu lundi les protagonistes du dossier à l'Elysée : le PDG du groupe américain General Electric, Jeffrey Immelt, celui de Siemens, Joe Kaeser, puis Martin Bouygues, l'actionnaire de référence d'Alstom avec 29,4% du capital, à l'exception notable de celui d'Alstom, Patrick Kron.

"Après cette rencontre, Siemens se réunira pour décider s'il fait une offre sur Alstom et en quoi elle va consister", a écrit le groupe allemand dans son communiqué.

Mais le chef de l'État veut éviter toute précipitation. Selon une source proche du dossier, le gouvernement estime en effet qu'Alstom doit disposer du temps nécessaire, c'est à dire au-delà de mercredi. Le groupe s'était donné dimanche deux jours, lors d'un conseil d'administration extraordinaire,  pour poursuivre sa "réflexion stratégique", avant d'informer les marchés de son choix.

  • Le gouvernement "refuse le fait accompli"

Le gouvernement, a martelé Arnaud Montebourg lundi, "refuse le fait accompli", à savoir "qu'Alstom, en trois jours, décide de vendre 75% d'un fleuron national dans le dos de ses salariés, dans le dos du gouvernement, dans le dos de la plupart de ses administrateurs et de ses cadres dirigeants".

"Les entreprises françaises ne sont pas des proies, en revanche nous sommes disponibles pour nouer des alliances qui nous permettent de nous armer dans la mondialisation", a-t-il fait valoir, laissant entendre qu'il était favorable à un rapprochement d'Alstom avec Siemens, comme le ministère allemand de l'Économie, même si Patrick Kron y est viscéralement opposé.

L'Etat français n'est certes plus actionnaire d'Alstom depuis 2006. Mais l'exécutif, qui a placé la lutte contre le chômage et la réindustrialisation de la France parmi ses toutes premières priorités, entend peser de tout son poids dans cette affaire.

  • Paris ne doit pas s'ériger en arbitre du dossier

Selon le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, Michel Barnier, le gouvernement français peut certes se montrer "pro-actif" dans ce dossier mais sans s'ériger en arbitre.

Le projet, non formalisé, de General Electric, qui compte 305.000 salariés dans le monde et affiche 146 milliards de dollars de chiffre d'affaires, prévoit le rachat de l'activité énergie d'Alstom (équipements pour centrales thermiques, énergies renouvelables...) qui représentent plus de 70% de l'activité du groupe et 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Après un redressement réussi, Alstom, qui emploie 93.000 salariés dont 18.000 en France, fait face depuis le début 2013 à une baisse marquée de ses commandes, notamment dans son activité principale (centrales thermiques), ce qui l'a contraint à lancer un plan de cessions de 1 à 2 milliards d'euros.

  • Vers un "Airbus de l'énergie" ?

Les négociations secrètes étaient déjà bien avancées avec le groupe français, pour une transaction estimée par la presse à quelque 10 milliards d'euros, qui ne concernerait pas l'emblématique branche transport, fabriquant les trains à grande vitesse (TGV). Mais Siemens est venu jouer les trouble-fêtes.

Dans une proposition préliminaire, que l'AFP a consultée mais qui n'a pas été confirmée par Siemens, le conglomérat industriel allemand a proposé à Alstom de lui racheter ses activités énergie et de lui céder une partie de ses activités ferroviaires.

Dans cette hypothèse, deux nouveaux géants européens verraient le jour: l'un, autour de Siemens, spécialisé dans l'énergie, l'autre, autour d'Alstom, dans les transports. François Hollande lui-même a appelé de ses voeux un "Airbus de l'énergie" encore dans les limbes.

Pour aller plus loin: Un "Airbus de l'énergie" avec Alstom et Siemens ? Ce qu'en pense Marwan Lahoud, le n°2 d'Airbus

(Article créé le 29/04/2014 à 07:49, dernière mise à jour: 17:25)