Crise de l'énergie : le Mozambique envoie sa première cargaison de gaz naturel liquéfié pour soulager l’Europe

Par latribune.fr  |   |  713  mots
(Crédits : Stringer Egypt)
Pour la première fois, le navire méthanier britannique Sponsor LNG a quitté le terminal d'exportation d'Eni au Mozambique, afin d’acheminer du gaz naturel liquéfié dans une Europe assoiffée de gaz. Mais les attaques liées à l'État islamique pourraient continuer de freiner les ambitions du pays en la matière.

C'est une nouvelle qui devrait soulager l'Europe, confrontée à un risque de pénurie de gaz naturel après la diminution des flux d'hydrocarbures en provenance de Russie, du fait de la guerre en Ukraine. En effet, le Mozambique, pays d'Afrique australe, a officiellement commencé à exporter du gaz naturel liquéfié (GNL), a annoncé dimanche le président, Filipe Nyusi. "C'est avec grand honneur que j'annonce le début de la première exportation de gaz naturel liquéfié", a-t-il déclaré dans une déclaration vidéo.

La première cargaison de gaz a été produite à l'usine offshore Coral Sul, gérée par le groupe italien Eni, a ajouté le chef de l'Etat, se félicitant que son pays entre ainsi dans "les annales de l'histoire du monde". Il s'agit de la première exportation réalisée dans le cadre d'un contrat à long terme d'achat et de vente avec le géant britannique BP, couvrant les volumes totaux de GNL produit au Mozambique, a précisé le président Nuysi.

Selon lui, le pays offre "un environnement stable, transparent et prévisible pour la réalisation d'investissements de plusieurs milliards". Première installation flottante de gaz naturel liquéfié déployée en eaux profondes au large de l'Afrique, l'unité de liquéfaction Coral Sur peut produire 3,4 millions de tonnes de GNL par an.

"Sécurité énergétique de l'Europe"

Le PDG d'Eni, Claudio Descalzi a salué une "avancée significative" dans la stratégie de l'entreprise de faire du gaz une source "pouvant contribuer de manière significative à la sécurité énergétique de l'Europe, notamment par la diversification croissante des approvisionnements", malgré l'impact carbone de cet hydrocarbure tout au long de la chaîne.

De fait, après l'invasion de l'Ukraine, la Russie a considérablement baissé ses livraisons de gaz à l'Europe. Si bien que nombreux Etats sont désormais en concurrence pour avoir accès au gaz naturel liquéfié. Mais ce gaz est beaucoup plus cher à importer que celui qui arrivait via les gazoducs entre la Russie et l'Europe, et le manque d'offre par rapport à la demande tire un peu plus les prix à la hausse. Résultat : les cargaisons se dirigent vers les plus offrants, et aggravent la crise énergétique dans des pays moins riches que l'Europe, comme le Pakistan.

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Projets suspendus à cause des conflits

Le Mozambique place de grands espoirs dans de vastes gisements de gaz naturel, les plus importants jamais découverts au sud du Sahara, qui ont été découverts dans le nord de la province de Cabo Delgado en 2010. Une fois exploités, ces gisements pourraient faire du Mozambique l'un des dix plus grands exportateurs du monde.

Mais la situation politique sur place pourrait entraver ce projet : la province pauvre du Cabo Delgado, à majorité musulmane, est en proie aux attaques de combattants jihadistes affiliés au groupe Etat islamique qui ont fait près de 4.000 morts depuis octobre 2017, selon l'ONG Acled qui collecte des données dans les zones de conflit. Les violences ont aussi provoqué la fuite de 820.000 personnes. Une attaque d'ampleur en 2021 dans la ville côtière de Palma avait contraint le géant français TotalEnergies à suspendre son projet gazier d'un montant de 16,5 milliards d'euros. Un projet de l'Américain ExxonMobil est également suspendu.

Depuis juillet, le Rwanda et les pays voisins d'Afrique australe ont déployé plus de 3.100 soldats en appui à l'armée mozambicaine en difficulté. Les groupes jihadistes retranchés dans les terres ont toutefois continué à mener des attaques sporadiques, adoptant une tactique plus classique de guérilla.

En septembre, le président mozambicain a estimé "pertinent" de prévoir une reprise de l'activité sur les futurs sites de production de gaz naturel dans le nord du pays. Le pays a traversé une longue guerre civile qui a duré quinze ans après le départ du colon portugais en 1975 et fait près d'un million de morts. Après un accord de paix en 1992, la rébellion était devenue un parti politique. En 2013, les rebelles avaient repris les armes, jusqu'à un nouvel accord en 2019.

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(Avec AFP)